Through the storms, I like the way you stand by me.

Un papa, une maman, ça donne un bébé. Mais fait pas genre, on est des centaines de milliers à n’avoir qu’un père ou qu’une mère. Ou même rien du tout.  Et ben c’est mon cas. Moi, je n’ai qu’une maman, parce que mon père s’est simplement vider les couilles pour parler poliment. Et ma mère est tombée enceinte de moi. Voyez, ça n’a rien d’une superbe histoire d’amour.
Elle, jeune avocate américaine, débarquée tout fraichement à Londres pour un procès important. Et lui, sombre inconnu, assez con pour me donner tout de même son nom. D’ailleurs, c’est tout ce que je sais de lui. Il s’appelle « Tremblay » et voilà. Comme moi.

J’suis né un 16 août, à Siloam Springs, tout simplement parce que ma mère habitait là. J’ai grandit dans la maison d’à côté de celle de la meilleure amie de ma mère : la mère d’Alois. Mais Alois aura une grande part dans mon histoire, alors, parlons d’abord de moi et de mon enfance, ça vous tente ?
Tout petit déjà, j’étais casse-cou. Avant d’apprendre à marcher, je voulais courir. Avant de savoir marcher (et courir) convenablement, je voulais grimper aux arbres. De nombreuses fois ma mère m’a retrouvé par terre, les genoux, les mains, les coudes, écorchés. Et de nombreuses fois je me suis fait engueulé, mais … mais j’m’en foutais. Vraiment, j’m’en foutais tellement.
Quand j’ai eu cinq ans, Alois est né. Ce p’tit bébé que j’ai changé (aidé de sa maman, hein), qui m’a pissé dessus, qui m’a vomi dessus, qui m’a bavé dessus, c’est devenue mon meilleur ami au cours du temps. On était toujours fourrés ensemble, je lui apprenais les pires conneries, j’le protégeais. Bon, ça n’empêchait pas sa mère de l’emmener à l’hôpital au moindre petit bobo !

« Quoi ? Genre, maintenant ? … oui, oui, pleure pas, j’arrive. » Je me tourne vers les deux filles qui s’embrassent dans mon lit, prêtes à passer une nuit dont elles se souviendront toutes leurs vies. Mais malheureusement, ce n’est pas avec moi qu’elles vont s’amuser, pas ce soir. « Les filles, j’suis dans l’obligation de vous laisser. » J’enfile un boxer, puis un jean, sous leurs regards presque choqués. Et ben quoi ? Elles ne se sont jamais fait remballer ? Je leurs désigne la porte d’un signe de tête, et sans attendre qu’elles soient parties, je cours (ou plutôt, je roule), chez Alois. Alois qui a fait un cauchemar. Alois qui n’avait personne d’autre à appeler que moi, moi le type qui adore l’emmerder, le protéger. J’me demande si ce lien fusionnel ne nous détruira pas.

« Sirius, elle est dangereuse cette compétition quand même … » « Maman, c’est du VTT, ça va aller ! J’te rappelle que je manie une moto, d’habitude ! » Il y a Alois à côté, qui ne dit rien, mais je sais qu’il n’en pense pas moins. J’enfile mon casque, attrape le VTT. Ils vont voir. Ils vont voir que ça ne sert à rien de s’inquiéter. Si je gagne cette compèt, Alois devra danser tout nu sur le bar de ma grand-mère. Merde quoi !
Ceci dit, je n’avais pas prévu ce rocher. Je n’avais pas prévu la chute. Je n’avais pas prévu le coma.

« Sirius, c’est maman. Les médecins disent que tu vas te réveiller, mais que ça peut prendre des années. Bordel, mais Sirius, pourquoi tu ne m’as pas écouté ? Pourquoi t’as pas eu pitié d’Alois qui pleurait à moitié avant que tu ne fasses ton espèce de descente meurtrière ?! Tu tiens si peu à nous, à la vie ? » J’essaie de bouger, mais je ne peux pas. Tout est noir et j’entends juste des voix. La voix de ma mère, celle de la mère d’Alois. Celle d’amis à moi. J’entends même celle de Camille.  Mais j’n’entends pas Alois. Jamais. Combien de jours, de mois, passent ? Quatre. Quatre moi sans que je puisse faire quoi que ce soit. Ma mère parle de m’injecter un produit, que ça ne sert à rein d’espérer. Mais si. Si, bien sûr que si ! Je vais me réveiller, je vais lutter ! Maman, s’teu plaît, crois en moi ! Et puis merde, j’arrive à respirer, non ?

Quatre mois et trois semaines exactement depuis le coma, j’ai ouvert les yeux. Ma mère était là, et je crois qu’elle m’a serré tellement fort que j’ai manqué d’air. Elle voulait appeler Alois, mais je le lui ai interdit. Alois n’est pas venu une seule fois. Et je le sais. Alors je vais lui faire la surprise. J’vais surgir devant lui, en criant « Hello, j’suis pas mort, tu m’aime encore ? »