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Parfois le hasard fait bien les choses, parfois non … Il arrive que l’on se demande pourquoi on est né ? Pourquoi autant souffrir si c’est pour ne jamais y trouver quelque chose de bon ? Mais nous avons tous une raison d’exister, même si pour cela il nous faut affronter l’enfer.
J’ai passé mon enfance dans une vieille maison, ou tout simplement une maison mal entretenue, avec pour parents un père violent et alcoolique et une mère qui avait bien trop peur de se retrouver seule, sans argent, vue que c’était lui qui ramenait juste de quoi nourrir la maison.
Nous étions les fardeaux du mâle, ou ses jouets - sans doute les deux - une femme et deux jumeaux, deux garçons qui ont dû apprendre rapidement à se débrouiller seuls.
Pour commencer, deux petits garçons inséparables, jamais l’un sans l’autre, deux petits garçons apprenant parfois tout deux à vivre dans ce monde sans un adulte auprès d’eux, que se soit dans les bois, ou dans des parties pauvres d’une ville très proche.
Deux petits garçons pleurant ensemble, se réconfortant, pansant leurs plaies ensemble.
Survivre et non pas vivre. Aller à l’école mais réussir à se cacher du regard des autres, faire ses devoirs, apprendre un maximum de chose, puis devenir mature mais tout en restant des enfants. Il y a eu des jeux dans la cour de récréation, des petites bagarres enfantines mais l'école était davantage un lieu de détente qu‘un lieu à craindre.
Puis par la suite, ils devaient apprendre et tester soi-mêmes leurs trouvailles : chasser un lapin en forêt et apprendre à le dépecer avant de le faire cuire, ajouter les herbes, les plantes … Puis plus tard le maniements des armes. Deux garçons bien trop jeunes pour apprendre tout seuls ce genre de chose, mais avec un père ivre qui ne se nourrit que d’alcool et une mère qui reste à peine éveillée, les garçons doivent apprendre à se débrouiller seuls.
Voila comment je décrirais le début de mon enfance.
Je m’appel Nicholas et mon frère Dimitri, des prénoms choisis par notre mère sans doute dus à ses origines russes.
Nous vivions dans une maison isolée, dans un quartier pauvre ou il n’est pas rare de voir des bouteilles d’alcool en guise de décoration dans les jardins.
Mais il y a aussi les personnes qui ont peu et qui pourtant luttent ensemble, des personnes solidaires. Avec mon frère nous n’avions pas eu cette chance.
Notre père, on le craignait. Notre mère... bien je ne pourrais dire exactement ce qu’elle pensait de nous vu qu’elle préférait rester dans sa chambre à déprimer, à fumer cigarette sur cigarette, ne luttant même plus contre son mari.
Deux petits frères qui se blottissent l’un contre l’autre la nuit, ayant pour chambre le grenier. Tout deux tremblant au moindre bruit, sursautant, mais le paternel a besoin de distraction alors il viendra forcément un jour ou l’autre. Nous sommes des fardeaux, ils nous traitaient comme si nous devions regretter notre venue au monde et le plus souvent, après que notre patriarche ait passé ses nerfs sur nous, nous finissions tout deux dans la salle de bain à panser nos plaies.
Dimitri, mon frère, était celui qui me maintenait la tête hors de l’eau car étrangement, des deux jumeaux, il était celui qui se conduisait comme le grand frère. Il appréciait ce rôle de protecteur, un trait de caractère différent comparé à moi.
Dimitri est plus sage et réfléchi tandis que moi je fonce dans le tas et m’attire rapidement des ennuis.
Aller à l’école pouvait être agréable, comme insupportable, surtout l'école secondaire. Mon frère était toujours là pour me retenir car évidemment, les gens sont méchants entre eux, même les enfants, alors on nous provoquait. Dimitri gardait son sang-froid, moi je voulais me jeter sur les autres. Seulement, cela n'allait qu'attirer davantage les foudres de notre père, alors j'écoutais mon jumeau car tant que nous étions tout les deux, même si nous rentrions dans l‘adolescence, rien de pire ne pouvait nous arriver … Du moins, c’est ce que je croyais.
Après tellement d’année à apprendre à ne pas se faire remarquer, après tant d’année à savoir profiter du peu de bonheur qui vient à nous, après tant d’année à avoir peur, à trembler, à survivre, à devenir plus rapidement mature, jamais je n’aurais cru qu’il aurait fallu que je traverse une autre étape, aussi horrible soit-elle.
En cette soirée peu commune, avec Dimitri nous avions 12 ans, nous étions tout les deux dans le salon à faire nos devoirs.
Mais comparé à d’habitude ce n’était pas la télévision que l’on pouvait entendre, mais nos parents qui se disputaient violemment.
C’était bien la première fois que notre mère agissait ainsi, d’habitude elle faisait en sorte de n’être qu’une ombre, évitant même ses propres enfants.
Je ne sais vraiment pas ce qu’il s’était passé ce soir-là, Dimitri non plus, mais après maints et maints hurlements, je pus voir que notre mère était partie à l‘étage, notre père ayant claqué la porte de la maison, sans doute pour aller se saouler dans un bar.
C’est au bout d’un moment que notre mère était redescendue de l‘étage, valises en main, hurlant à Dimitri et moi que nous partions.
Voyant que celle-ci ne rigolait pas, qu’elle avait même les yeux injectés de sang, nous l’avons suivis sans poser de question.
Après tout, entre notre mère et notre père, il valait mieux suivre une personne qui n'allait pas nous mettre des coups pour rien et qui ne passait pas son temps à boire et fumer.
Dans la voiture je me posais des questions, où allions-nous ?
Notre mère roulait trop vite, bien trop vite, avec Dimitri j’étais assis à l’arrière et l’on pouvait voir ses larmes couler, celle-ci regardant à peine la route.
Il faisait nuit, mon cœur battait la chamade, j’étais blottis contre mon frère, qu’allions-nous devenir ? Étions-nous enfin libre de notre père ? Je ne pouvais m’empêcher de me ronger les ongles et notre mère qui roulait trop vite... Dimitri l’avait bien remarqué aussi et il voulut lui demander de ralentir mais elle ne l’écouta pas, il recommença, elle hurla.
Finalement c’est moi qui lui demanda de ralentir et celle-ci se retourna, sans doute pour me gronder, à vrai dire je ne le sus jamais, car je ne me rappel que d’un coup de klaxon et des phares aveuglants d’un camion fonçant tout droit sur le côté de notre voiture.
Un immense vacarme et plus rien, les ténèbres…
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C’est comme si je venais de me réveiller d’un rêve ou d’un cauchemar, peu importe.
Tu cherches ce que ce qu’il se passe autour de toi, car évidemment tu ne comprends pas.
Où suis-je ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tout est tellement brumeux…
Tu peux voir autour de toi que tu es dans une chambre avec des machines, l’une avec un goutte à goutte, l’autre qui ressemble à une télévision, tu as quelque chose qui pince ton index.
Tu es comateux, tu veux comprendre, te redresser et trouver des réponses à tes questions.
C’est ainsi perdu que finalement une infirmière vint me voir, puis voyant que j’étais réveillé, est allée appeler les médecins.
Pendant ce temps je constatais que des bandages entouraient mon torse, que j’avais une jambe plâtrée ainsi que la main droite bandée.
En voyant les médecins arriver, de suite j’avais voulu me reculer, fronçant des sourcils. Ceux-ci m’auscultaient, me demandant comment je vais, si je me rappelle de ce qui s’est passé ? Trop de question, c’était trop pour moi… Je voulais qu’on me laisse tranquille, alors la seule chose que j’ai pu dire, la seule question que j’ai pus poser fut :
- Où est mon frère ?
Pas de réponse, non, il fallait que je réponde aux questions des médecins, mais non, non, non…
Je pris une profonde inspiration avant de hurler :
- OU ES MON FRÈRE !?
- Écoute, tu as eu de la chance, tu as eu un grave accident de voiture...
- Je sais, où est mon frère ? Je veux juste savoir où est mon frère ? Comment il va ? Et ma mère ?
Les médecins soupirèrent et finalement celui qui m’avait parlé fit signe aux autres de partir, prenant une chaise et s’asseyant à mes côtés.
Je voyais qu’il cherchait ses mots, mais qu’il cesse cette attente, je n’en pouvais plus !
- Ils sont morts sur le coup… Nous ne pouvions rien faire.
Ce qu’il s’est passé ensuite ? C’est plus que flou. Le silence, le temps que je réalise peut-être, ouvrir la bouche pour ne rien dire avant de murmurer :
- Dimi… Dimi est… mort ?
- Je suis désolé petit.
Après je ne pourrais vous dire ce qu’il s’est passé. J’ai été pris d’une sorte de grosse angoisse, enfin un traumatisme, appelez cela comme vous voulez, mais je suis resté inerte, les yeux ouverts, parfois à pleurer, parfois à penser pendant plusieurs semaines. Je ne mangeais pas, je ne bougeais pas.
J’ai appris qu’après l’accident j’étais resté une semaine dans le coma, qu’ils avaient deviné pour mon père en m’examinant et en allant chez lui.
Un psychologue venait me voir, mais non, je restais inerte. Dimi, Dimitri mon frère, mon jumeau, ma moitié… J’avais 12 ans et on m’arrachait mon jumeau, comment la vie peut-elle être aussi cruelle ?
C’est au bout d’un an que finalement, je fus près à aller en maison d’accueil mais moi tout ce que je voulais, c’était mon frère.
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Être dans une famille d’accueil était une seconde chance pour moi, seulement je n’avais plus l’envie de vivre, je n’y voyais aucun intérêt.
Alors j’ai juste fonctionné comme un robot, me renfermant complètement sur moi-même, ne parlant plus, gardant toujours un visage de marbre, sans émotion.
Mon père a fini en prison. Évidemment il lui a fallu un procès, j’ai dû témoigner et honnêtement je pouvais l’entendre me maudire que cela ne me faisait rien.
Je n’avais plus mon frère, je n’avais plus ma mère… J’avais lutté pendant tellement d’années pour en arriver à quoi ? A rien.
En famille d’accueil j’ai repris des études, éloignant chaque individu qui s’approchait de moi d’un seul regard.
Puis il fallait bien que j’expulse cette colère qui s’amassait au fond de moi.
J’avais réussi à m’attirer les faveurs d’un gang, bien sûr j’en ai bavé au début mais qu’importe, j’ai appris à me battre, à voler, à m’infiltrer et je devais dire que j’adorais réussir quelque chose que très peu de personne osent faire, transgresser la loi.
Oui j’ai traîné dans les bars, j’ai appris la mécanique, puis les armes, j’ai fumé du crack, j’ai pris du crack, un bon moyen de s’évader.
Plus je grandissais, plus j’avais ce besoin absolu de tout contrôler et que l’on m’offre du respect.
Ma famille d’accueil avait des doutes, des questions ont étaient posées mais je me contentais de hausser les épaules, jouant très bien le jeu de l’adolescent « épanoui » qui en réalité s’autodétruit.
Une fois que je fus majeur, je pus enfin prendre ma liberté, un sentiment si euphorisant, si seulement Dimitri était présent…
Quand je repensais à mon frère, je rentrais dans des colères noires, ou je pouvais devenir violent envers moi-même ou envers les autres, je pouvais même dire que j’étais dangereux dans ces moments-là.
Je serrais les dents et qu’importe le jour suivant, si j’allais mourir ou pas, je faisais ce que je voulais, je me défoulais et plus le temps passait, plus je voulais m’améliorer.
Fréquentant des gangs de plus en plus « mafieux » , je tuais pour de l’argent, je devenais un voleur expérimenté en infiltration, car peu importe si je revenais à moitié crevé, le but était de me surpasser.
Bientôt, cela devint tellement immense que je fus connu de la police et commença alors le jeu du chat et de la souris.
Je leur glissais à chaque fois entre les doigts.
C’est médiocre de vivre contre la loi va-t-on me dire, après tout je gâchais ma vie en prenant ce chemin, mais c’était mon chemin, le mien, j’étais libre.
Peu importe les blessures et peu importe la mort, je voulais oublier qui j’étais, oublier que je pouvais aller me coucher le soir, oublier la vie tout court.
Cela dura bien longtemps, lorsque finalement le FBI fut impliqué…
Je ne m’attendais pas à ce que l’on me chasse nuit et jour, peu à peu je perdais le contrôle et cela me désorientait.
Le FBI est bien mieux équipé que la police, même sur le plan psychologique, c’était comme si on pouvait lire dans mes pensées.
Je prenais peur, je refaisais de plus en plus de cauchemar, j’avais encore plus de colère à évacuer, je devenais alors que plus dangereux.
J’avais 34 ans lorsque je fus pris au piège dans l’un des bureaux du gouvernement, dont je devais voler des documents pour une personne qui payait plus que bien. J’étais au 21ème étage, des hélicoptères ayant encerclé la tour, des snipers dispersés partout, des agents derrière les portes closes.
Un agent du FBI, l’agent Walker plus précisément, qui semblait suivre mon dossier depuis un moment me dit de me rendre.
Me rendre c’était montrer que j’étais faible, ne pas me rendre c’était mourir… Mais qu’attendais-je de la vie après tout ? Puis l’agent Walker pris la parole :
- Nicholas, veux-tu vraiment finir ainsi ? Crois-tu que Dimitri a eu tort de te protéger ? Crois-tu qu’il aurait voulu que son frère devienne un hors-la-loi ? Il tenait à toi, prouve lui que tu peux y arriver.
Il avait touché une corde extrêmement sensible. J’ai fait tomber les documents, tenant toujours mon arme, hésitant…
Finalement, au bout d’un long moment, c’est cet agent lui-même qui a ouvert la porte de la salle ou je me tenais et qui est venu à moi.
Il a pris le temps de me parler… j’ai lâché mon arme.
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Les jours qui suivirent restaient banals pour moi.
J’avais été placé dans une cellule sécurisée mais à vrai dire, je n’avais plus la force de me défendre, ni l’envie. J’avais baissé les bras, j’étais un faible, tout s’était embrouillé dans ma tête.
J’allais juste gagner des années en prison…
Puis je reçus la visite de cet agent, il avait une proposition à me faire.
Il m’avait alors expliqué qu’il était en pleine négociation pour me prendre sous haute surveillance au FBI et qu’il était prêt à me laisser une chance.
J’ai eu le temps de discuter avec lui. Il avait pris le temps de lire mon dossier et était la première personne prête à m’aider pour de bon dans cette vie, à m’offrir une seconde chance. Était-ce vraiment possible ?
Il faudrait que je suive ses ordres à la lettre, j’aurais un bracelet à la cheville pour me localiser et je ne devais jamais être seul. Mais il voyait en moi le moyen de trouver une nouvelle issue dans ce monde, disait-il, c'est pour ça qu'il voulait m'aider.
J’ai donc travaillé au FBI, pas en tant qu’agent bien sûr, je devais surtout classer des documents, assister mon « tuteur », remplir des dossiers et des comptes rendus. Puis au bout d’un moment, je suis finalement venu sur le terrain.
Je savais déjà manipuler les armes, je connaissais les règles et lorsque mon tuteur fut en danger de mort, je tirais dans la jambe de celui qui s’apprêter à le tuer.
Au FBI on ne tue que si c’est une obligation, sinon on doit tirer dans les jambes. Ce jour-là je n’ai pas tué, j’ai respecté les règles et j’ai sauvé mon patron dans lequel je pouvais même voir un père de substitution.
J’avais 36 ans, pour mon tuteur il était temps que je choisisse. Il m’avait trouvé un poste d’agent de police dans une petite ville et il était prêt à me booster.
C’était difficile de quitter le FBI mais je me devais de le faire bien que je doive encore garder le bracelet à la cheville durant un temps.
J’ai alors intégré mon poste en tant qu’agent de police dans cette petite ville où personne ne me connaissait, ou je pouvais de nouveau me reconstruire.
J’ai pu de nouveau profiter des bars, sans pour autant finir saoul. Je restais solitaire tout en voulant apprendre à vivre.
J’ai eu des aventures d’une nuit, par contre je ne m’attendais pas à ce que l’une de mes conquêtes tombe enceinte.
Je n’allais pas la laisser seule… Nous n’étions pas en couple, c’était juste l’histoire d’une nuit, malgré tout, pour moi, je me devais d’assurer mon rôle de futur père.
Elle aurait de l’aide de ma part, c’était normal. Je l’ai alors accompagné pendant ces neufs mois, jusqu’à ce que Gabriel vienne au monde.
Je me retrouvais père… C’était à la fois incroyable et effrayant. Seulement la mère est morte en couche… mais hors de question que je n’abandonne mon fils ! J’assumerai mes actes, même s'il est difficile de me voir en père.
J’ai 38 ans et je suis dans la police, Gabriel a un an et non seulement je dois apprendre à vivre, mais je dois aussi veiller sur la vie de mon fils.