because they took our love and they filled it up, filled it up with novocaine and now I’m just numb. don't mind me, I’m just a son of a gun so don’t stop, don’t stop until your heart goes numb. now I’m just numb, I don’t feel a thing for you.

Isaac-Alban Soren Atkins. Nom de bourge. Ridicule pour quelqu'un vivant dans un une pièce avec deux frères et leur père. Ridicule tout court, on a pas idée d'affubler son gosse d'un prénom à rallonge qu'il lui sera difficile de porter toute sa vie. Enfin, passons, de toutes manières ses aînés n'étaient pas mieux lotis, Glen-Maël et Jürgen. Le premier se faisait appeler Glen dès qu'il était à distance de leur père, et le second se rebaptisait en Jo. Isaac était surement le plus chanceux des trois, mais il n'en avait pas conscience avant que ses frères ne commencent à lui chercher des noises par jalousie pure et simple. C'est ce qui forgea son caractère, il ne leur en veut pas. Ou juste un peu.

Je n'ai pas encore mentionné maman Atkins, tout simplement parce qu'elle s'est barrée après la naissance du troisième enfant. Vous avez deviné, Isaac lui-même. Raison de plus pour que ses frères lui en veuillent, il était le mieux nommé, le plus jeune donc celui recevant le plus de petites attentions de la part du paternel, et en plus de tout il avait fait fuir leur mère. Bon, en réalité, ce n'était pas de sa faute, elle était partie chercher une vie meilleure et elle l'aurait sans doute fait aussi s'il n'était pas né. Il avait été le déclencheur, parce que à cinq dans un une pièce c'était invivable, mais pas l'instigateur.

« Papaaaa, Jürgen m'ennuiiiiie encooooore », hurlait-il pour la cinquième fois. Nul besoin de s’époumoner vu la taille de leur logement, mais comme il ne semblait pas très réceptif autant employer les grands moyens. C'est à la sixième fois que Glen vint frapper ses deux frères pour les faire taire avant de rejoindre le coin salon de la pièce pour voir comment leur père parvenait à dormir avec tant de vacarme. Les deux petits sur ses talons, il se planta devant le gros fauteuil cabossé et... « MEIN GOTT ! », s'écria le garçon, âgé alors de six ans, en s’apercevant que son père était d'une pâleur de mort. Était mort, en fait. Il n'eut pas le temps de faire ou dire quoi que ce soit, son Glen les saisit par le col lui et Jo, les forçant à le regarder dans les yeux. « Vous en parlez à personne. PERSONNE, d'accord !? Pleure pas Zac, t'as quel âge ! Tu veux qu'on reste tous les trois ou tu veux aller dans une nouvelle famille avec des gens qui te comprendront pas ? On va dégager le corps ce soir quand il fera noir puis on se débrouillera pour vivre nous trois. J'suis assez grand. » Il avait quinze ans, quoi. « Pourquoi t'aimais pas papa ? » Il se vit foudroyé d'un regard noir pour toute réponse. C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent entre frères, avec plus personne pour protéger Isaac, le punching-ball préféré de Jo, légèrement détesté par Glen qui faisait mine de ne rien voir. Ses frères souhaitaient le voir à leur service, faible et misérable. Il devait faire ce qu'on lui disait, que ce soit voler ou la boucler des heures durant. De véritables tyrans. Ou plutôt, un tyran et son stupide bras droit. Bon, d'accord, Isaac déteste ses frères.


« T'as bien entendu, je.me.casse. C'est plus clair comme ça ou t'es trop attardé ? » Jo ouvrit la bouche pour répliquer mais Isaac était déjà trop loin que pour qu'il s'embête à répliquer. Il lui cria donc une insulte en allemand et eut droit à un beau bras d'honneur. C'est ainsi que la relation des frères Atkins prit fin. Isaac appris plus tard par la presse que le corps de Glen avait été retrouvé près de leur logement du Bronx, poignardé dans le dos à trois reprises. Il songea directement à Jo, et c'est en lisant un peu plus qu'il constata qu'il n'était pas le seul à en être arrivé à cette conclusion. Son premier réflexe fut de se rendre en prison après les cours. Et oui, à seize ans on suit encore des cours et ce bien que l'on vive dans la rue, seul. Ce que personne ne savait. « Bonjouuur mon frère chéri », claironna Isaac dans  le combiné en souriant largement à son frère depuis son côté de la vitre de séparation. Heureusement qu'il y en avait une, autrement il se serait fait étranglé. « Toujours en vie, minus ! J'arrange ça dès que je sors... » Il avait changé. Il avait dans le regard la haine de toute une armée. Il était baraqué, enragé, sûr de lui,... En un mot: méconnaissable. « Je t'aime aussi Jürgen. Mais passons, j'suis pas là pour écouter les déclarations débordantes d'amour, j'veux juste que tu m'dises pourquoi t'as tué notre frangin. OK c'était pas le meilleur frère du monde mais il nous a maintenus en vie. Si j'avais pété un plomb et que je l'avais poignardé, ç’aurait été compréhensible, mais toi... Trois fois en plus. Dans le dos, félicitations pour ton courage. » Jo demeura muet. « J'vais te dire ce que je pense. Je pense que vous aviez construit un joli trafic de drogue et que notre frère ne te donnait pas assez de pouvoir. Je pense qu'il t'écrasait comme tu m'as autrefois écrasé, et que ça te mettait hors de toi. Sauf que Glen était plus fort. Alors t'as attendu qu'il te tourne le dos et voilà le travail. » Ni Jo ni Zac n'avaient bronché bien que cela ne laisse pas le plus jeune indifférent de savoir que son grand frère était décédé. Aussi détestable qu'il eut été. « Tu seras ravi d'apprendre que votre petit royaume va devenir empire grâce au nouveau dirigeant. » Il marqua une pause, suspens suspens... « Moi. »


Cette entrevue avec son aîné avait permis à Isaac de juger de sa dangerosité, et aux vues de sa réaction à l'annonce de son nouveau rang de leader, il n'était absolument pas dangereux. Dans son regard s'était insinuée la résignation, il n'avait pas de plan pour s'évader de prison. Et quand bien même il l'aurait fait, il ne pourrait jamais reprendre les rennes du trafic Atkins, Isaac étant bien trop déterminé et paranoïaque que pour se laisser tuer aussi facilement que Glen. Un frère mort, l'autre emprisonné, et personne de suffisamment compétent, organisé ni intelligent pour s'occuper du trafic excepté Isaac qui, du haut de ses seize ans, était tout de même parvenu à s'imposer. es employés étaient tous bien plus âgés, mais il savait se faire respecter. Il faut dire qu'il copiait beaucoup l'exemple de son défunt frère, et ça fonctionnait à merveille. Zac ne tua jamais personne dans son petit trafic, on s'en chargeait pour lui. Il ne faisait de mal à personne, en fait il ne touchait à rien, ramassant l'argent sans avoir à bouger le petit doigt. Il poursuivit donc ses études sans se soucier une seconde du reste. Tout se passait à merveille. Il n'y avait pas la moindre raison pour que le trafic de drogue cesse, c'est pourtant ce qui arriva. Du jour au lendemain. Isaac rassembla eux qu'il avait appris à considérer comme des amis, des personnes de confiance triées sur le volet, et leur annonça qu'il lâchait tout. Que celui s'en sentant capable pouvait reprendre les rennes, qu'il s'en foutait. Il prenait l'argent gagné sous son "règne" et laissait les affaires aux mains du plus motivé. Avec son successeur, ce fut une catastrophe, mais il s'en moquait. Tout cela à cause d'une fille, bien évidemment...


« Je t'aime », c'était si facile à dire. Ça coulait de source, même. Il aimait Alaska, Isaac aimait enfin véritablement quelqu'un. Et, pour elle, il avait quitté l'héritage très spécial de ses frères. Oh, certes, il dealait toujours, et pas qu'un peu, mais c'est lui qui faisait tout le boulot, et tout seul. Quand ça fonctionne, on ne s'arrête jamais totalement... Au début, leur histoire était belle. Spéciale, loin d'être banale, mais belle. Un peu dure, mais c'est ça quand une tornade rencontre un volcan. Avec elle, il était doux, charmant, drôle, si gentil. Presque tendre. Comme si jamais il n'avait perdu son père. Comme s'il n'avait pas subi la violence et le besoin de domination de Jürgen, l'indifférence condamnable de Glen. Comme s'il n'avait pas connu la pauvreté, la solitude, traîné dans les rues en pleine nuit à la recherche d'un abri... Oui, Alaska, sa J.J, le transformait. Mais rien ne dure, surtout pas avec des gens comme eux. Comme lui. S'il ne s'attachait jamais c'était bien pour ne pas souffrir de la perte de ses amis. Il n'avait pas de famille. Ou plutôt, il n'en avait plus. Il se souvenait à peine du visage de son père, et pas du tout de celui de sa mère, pourtant ils lui manquaient. Même ses frères lui manquaient, du moins l'image qu'il se faisait de vrais grands frères lui manquait. Ça faisait mal, beaucoup trop, beaucoup plus que prévu. La solitude lui pesait, sans doute est-ce la raison pour laquelle il s'était autorisé à céder. A aimer.


Il l'aimait terriblement, au delà des mots, plus que sa propre personne. Plus que tout. Mais il ne parvenait pas à le montrer. Il faisait tout le contraire, la blessant toujours plus, l’entraînant vers le fond... Il l'aimait trop et la brisait un peu plus chaque jour qui passait. Plusieurs fois, Isaac s'en est pris à elle. Pourtant elle restait, parce qu'ils s'aimaient vraiment. C'était malsain, il n'y avait plus rien de beau dans cet amour. Sa propre violence parvenait à faire pleurer Isaac, par crainte de la perdre. Il voulait que ça dure encore, s'excusait, et ça fonctionnait toujours. Il y croyait, ou essayait, puis la colère revenait, l'aveuglait. Il mentait, à elle, à lui. Rien n'allait, mais il continuait à prétendre le contraire. Il pétait des plombs sans raison, tout retombant toujours sur Alaska, malgré tout l'amour qu'il lui portait. A cause de tout cet amour. Un peu plus fou chaque jour que Dieu faisait, il finissait toujours seul, le visage enfoui dans ses mains, assaillis par les écrasants remords d’avoir fait tant de mal à l'amour de sa vie et l'incompréhension face à ses propres actes. Il la faisait souffrir au point qu'elle serait à jamais marquée et hantée par son souvenir. Peut-être étais-ce pour ça qu'il le faisait, pour ne pas qu'elle l'oublie, pour qu'elle reste parce qu'il était tout ce qu'elle connaissait. Raté. « Oh tu sais quoi ? Va te faire foutre, Isaac ! J'en ai marre de cette vie de merde, marre de toi ! » Il n'y avait pas cru quand elle avait décrété qu'elle allait le quitter, alors il s'était montré condescendant: « Fais pas l'enfant JJ, t'es grande maintenant. Alors arrête de pleurer, t'es chiante. » Il ne le pensait pas. Comme bien souvent, il parlait trop vite, trop mal. Il était insupportable, mais il ne s'en rendrait compte que trop tard. « Va crever. » Sur ce, elle claqua la prote. Il pensait qu'elle reviendrait toujours mais, quelques jours plus tard, elle n'était pas là.


Il tomba sur une photo où, aussi magnifique que dans ses souvenirs, Alaska posait, sourire aux lèvres, heureuse. C'était au début. Comparé à la dernière fois qu'il l'avait vue... Les souvenirs affluèrent: sa beauté, leurs câlins, leurs baisers, leur vie commune, tout lui revint en plein visage. Avec la violence d'un coup de poing. Il voulut la poursuivre, la retrouver, lui montrer qu'il n'y avait personne arrivant à la cheville d'Isaac Atkins. Ça, c'était la colère. Une fois celle-ci retombée, il tenait toujours à la retrouver, mais pour une toute autre raison. S'excuser. Il n'a pas changé, évidemment, mais il est toujours amoureux. Si elle l'a vraiment aimé, et c'est le cas, il le sait,elle doit lui laisser une chance. Pas le pardonner, peut-être se méfier, mais le laisser réessayer. Recommencer à l'apprivoiser. Mieux. Il sait maintenant ce que c'est de vivre sans elle, et il ne peut pas. Cette fois ce sera plus simple, parce qu'après avoir tant souffert de son absence, il ne peut que faire mieux. « Siloam Springs... », murmura-t-il, lisant le panneau indicateur.