Le mal de bloc en me réveillant me fait le même effet qu’un coup de masse sur le front. Je cligne des yeux, aveuglé par les filets de lumière qui passent par les stores accrochés à la fenêtre. Bordel, j’aurais jamais dû boire autant hier. En même temps, je savais pas trop quoi faire avec la nouvelle coloc qui était dans le coin. L’idée pourrie de proposer à cette fille de venir squatter la chambre d’amis, franchement il faut que j’arrête l’alcool ça ne me fait pas du tout. Je bâille à m’en décrocher la mâchoire et la seule chose qui me pousse à me lever, c’est la bouteille d’aspirines qui est rangée dans la salle de bain. Salle de bain attenante qui ne l’est plus vraiment depuis que l’autre est arrivée. Je préfère me garder une gêne et plus entrer par la chambre, au cas où elle serait sur la douche. Je me traine hors du lit et pousse un long soupire. Un peu las, j’ouvre le premier tiroir de la commode pour enfiler un boxer et un pantalon de jogging. Ça le fera jusqu’à la douche, je suppose. Et puis elle doit sans doute dormir à l’heure qu’il est. Je sors de la chambre et me dirige vers la cuisine en mode zombie. Je prépare tranquillement la cafetière et m’étire légèrement. J’ai pas pris la peine de mettre un t-shirt,  je ne vais quand même pas changer toutes mes habitudes juste parce que j’ai une colocataire, non plus.

Pendant que le café se prépare, je file à la salle de bain pour prendre les comprimés qui vont me faire survivre à cette journée. J’ai pas le cœur de passer sous la douche tout de suite, des plans pour que je m’endorme sous l’eau. J’ai tout de même une sale mine quand je me fixe dans le miroir, et mon reflet me renvoie un regard qui indique clairement que j’aurais dû modérer un peu hier. Elle doit m’avoir entendu rentrer, si ça se trouve j’ai rampé jusqu’à ma chambre à quatre heure du matin. Je passe une main dans mes cheveux légèrement longs, puis me gratte la barbe. Faudra penser à la tailler, si je veux pas ressembler au père Noël. L’odeur du café prêt envahit mes narines, et je retourne vers la cuisine pour préparer une tasse du liquide miraculeux. Je sors une tasse de l’armoire, puis la crème du frigo. Tellement plongé dans mes affaires que je n’entends même pas la nouvelle coloc débarquer. Quand je me retourne et que je la vois, je souris poliment, ne sachant pas trop quoi lui dire. On a pas discuté beaucoup, du moins pas quand j’étais sobre. « Hey…Tu veux un café? » Bon, c’est un peu simpliste pour taper la discut’, mais en même temps je vais pas me lancer dans un débat philosophique à neuf heures du matin. Bon sang il est beaucoup trop tôt je devrais être encore couché.

Je regarde ma nouvelle colocataire bâiller et je retiens moi-même un nouveau bâillement. Ce tic est contagieux, il faut croire. Elle s’assoit tranquillement sur le tabouret et je l’observe faire avant de lui proposer un café. Après tout, elle a l’air fatiguée elle aussi. Je me demande si je l’ai réveillée cette nuit. Je ne suis pas certain du bruit que j’ai fait, mais ça ne m’étonnerait pas qu’elle m’ait entendu. Disons seulement que je suis aussi subtil qu’un éléphant quand il s’agit de rentrer ivre d’une soirée. Et ce n’est pas l’arrivée d’une squatteuse chez moi qui va changer ça, oh non. Passant une main dans mes cheveux, je la regarde hocher la tête en signe de négation, refusant ma proposition. Elle laisse tomber qu’elle ne boit jamais de café et qu’elle préfère le lait. Je hausse les épaules, après tout elle peut bien boire ce qu’elle veut. Je termine de remuer la cuiller dans la tasse pour mélanger la crème au café noir, puis je lui laisse la place pour qu’elle puisse se servir dans le réfrigérateur. Je dois admettre que je ne sais pas trop où me mettre à ce moment précis. Portant la tasse à mes lèvres, j’avale une gorgée du liquide brûlant, me faisant grimacer légèrement. J’aurais dû attendre un peu tout de même. Je remarque la nouvelle venue qui verse du sucre dans son verre de lait et je retiens une nouvelle grimace. Du lait sucré, beurk. Je prends une nouvelle gorgée de café. Je m’éloigne un peu, allant m’installer dans la salle à manger, attirant vers moi une chaise pour y poser mes fesses. Je cherche un peu quoi dire, pour être honnête le matin je ne suis pas très bavard et encore moins quand il s’agit de socialiser avec une pure étrangère. Car on peut dire ça, oui, qu’elle et moi ne nous connaissons pas beaucoup. Je ne me rappelle même pas pourquoi je lui ai proposé de venir vivre ici à la base. J’entends la voix de la jeune femme qui résonne et je lève la tête, un peu rassuré qu’elle ait brisé le silence.

Je m’efforce de lui sourire quand elle me parle de mon arrivée qui fut visiblement très remarquée hier, apparemment je n’ai pas réussi à me faire très discret. Elle finira par s’habituer je suppose. Les rayons du soleil tapent dans la fenêtre et me donnent mal à la tête, ou plutôt amplifient le mal de crâne que je subis depuis mon réveil. Ce n’est pas très agréable et je m’efforce de garder la tête baissée et de plisser les yeux pour amoindrir l’effet désagréable. J’ai l’air plutôt indifférent, mais disons qu’avec un mal de bloc puis être réveillé en prime à cette heure si matinale – quoi que pour le commun des mortels ce ne soit pas si tôt que ça – je ne suis pas vraiment en état de jaser. Je réfléchis un peu quand elle me demande si j’ai tout de même passé une bonne soirée et je me retiens de ricaner. Oh, ça, je ne peux pas le nier. Quand je suis parti du motel, la fille était sous la douche. Je n’aime pas rester trop longtemps, en général en suite il faut sortir le baratin du faux-numéro et des mensonges bidon. Je ne crois pas que ma colocataire soit intéressée à entendre ces histoires de baise, par contre. Elle a l’air bien trop sage pour ça. Je me racle la gorge. « Oui, c’était bien…Un peu mouvementé, mais bien. » Mouvementé n’est pas vraiment le mot approprié, mais je suppose que je peux lui éviter les détails. Je la regarde se lever de son tabouret une nouvelle fois et se diriger vers le réfrigérateur, sortant le bacon et les œufs. Je souris à sa proposition. « Plutôt deux dans mon cas, je crève de faim. » Je lui souris et prends une nouvelle gorgée de café. Ça fait plutôt longtemps que je n’ai eu personne à la maison, depuis Azalyne en fait. Et disons que pour les petits déjeuners surprises, c’était plutôt moi qui les faisais. Je chasse cette pensée de ma tête, me concentrant sur la nourriture – et Thélonie bien entendu. « Les poêles sont dans l’armoire du bas, juste à côté de l’évier. » Je lui dicte l’emplacement en le pointant du doigt. Elle vient tout juste d’arriver et je me doute qu’elle ne connait pas chaque recoin de la maison. Poussant un nouveau bâillement, je prends une nouvelle gorgée de café et passe une main sur mon visage, grattant la légère barbe qui recouvre ma mâchoire. J’entends gratouiller dans la porte de la chambre d’amis mais ne dis rien, supposant qu’il ne s’agit que de ma migraine qui me fait halluciner.