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Ariel ne savait pas trop pourquoi ses pas l'avaient porté devant la grande roue, mais le fait est qu'ils l'avaient fait. Il était venue jusqu'à l'entrée de la fête avec Devon, il avait discuté quelques minutes avec des connaissances à lui, Devon avait fait de même de son côté et puis, après s'être pris un paquet de churros à deux, elle était allée rejoindre des amies à elle tandis que lui avait prétexté avoir besoin d'aller aux toilettes. J'irais faire un tour voir si je trouve des potes, on se retrouve ici dans une heure et demi maxi, il lui avait dit. Il était effectivement allé aux toilettes et il avait effectivement tourné quelques minutes dans le festival, mais il n'avait trouvé personne qu'il connaissait. Enfin, si, un ancien collègue avec qui il travaillait au Starbuck's, mais on ne pouvait pas dire qu'il l'appréciait beaucoup alors, il avait tracé son chemin. Il avait erré de-ci, de-là, bêtement heureux. Il faisait beau et l'ambiance était vraiment bonne, ici. Ce festival du printemps était décidément une bonne idée, le genre d'idée qu'Ariel adorait. En voyant tous ces forains, il rêvait de mener la même vie. Il avait déjà la vie de bohème, ne lui manquait plus qu'à se trouver un stand. Il en toucherait deux mots à Devon, peut-être qu'elle serait bottée par l'idée, elle aussi. Ariel était en train de se faire la réflexion qu'il appréciait de plus en plus cette ville, dans laquelle ils avait garé le van plus ou moins indéfiniment un peu plus de sept mois plus tôt, quand il arriva devant la grande roue. C'était complètement différent d'Edmonton, et il adorait. Il ne comptait pas faire de manège tout seul, ce n'était quand même pas ce qu'il y avait de plus drôle surtout pour lui qui n'avait rien de solitaire, mais voyant la grande roue s'élever devant lui il eut bien du mal à résister. Peut-être que je devrais attendre Devon, pensa-t-il, se disant que c'était sûrement le genre de truc à faire en amoureux, que ce devait être encore plus magique ; mais le dernier appel venait de se faire et, sur un coup de tête, il prit un ticket. Il s'avança dans la file et ce fut bientôt à son tour de monter dans une bulle. Il remarqua cependant que celle de devant n'était pas pleine et il lança un sourire au forain avec de pointer le doigt par-dessus son épaule. « Je suis avec eux » mentit-il tout en se décalant et en faisant des grands signes de la main à ceux déjà installés dans la bulle, comme si c'était réellement ses amis. « Je peux m'installer avec vous ? »

Ariel était à quelques mètres de la bulle qu'il avait visée quand la grande roue se mit en marche. Mais c'est pas vrai, pensa-t-il, dans quel pays on lance l'attraction avant que tout le monde soit assis ? Il tourna la tête très brièvement, pour apercevoir que le forain était en train de signaler aux autres, après avoir laissé passer une blonde, qu'il faudrait qu'ils attendent le prochain tour. C'était débile, alors qu'il restait tant de places libres. Mais après tout, peut-être que la roue se lançait automatiquement, à intervalle régulier. Toujours est-il qu'elle commençait doucement son ascension et qu'Ariel n'était toujours pas à l'intérieur de la bulle. Il se prit un petit coup de speed et sauta dedans, alors qu'elle n'était qu'à un petit mètre de hauteur. Il se laissa retomber sur le petit banc, à côté de la jeune femme déjà présente, ne s'attendant pas à ce qu'il soit aussi dur. « Fiou, ils savent comment mettre dans l'ambiance directement ceux-là. » Ariel se tourna vers la blonde en souriant, s'esclaffant à moitié. Il tendit sa main faussement solennellement avant de se présenter. « Ariel Chester, enchanté. Et désolé de t'avoir vouvoyé, mais j'étais persuadé d'avoir vu quelqu'un à côté de toi. » Il rigola encore un peu avant de s'installer le plus confortablement possible dans la bulle. Ils n'étaient pas encore bien haut, mais ils avaient déjà une belle vue panoramique. Ariel n'imaginait même pas la vue qu'ils auraient de tout en haut. « Tu sais pour combien de tours on est parti, là ? » À vrai dire, ayant pris son billet à la dernière seconde, il n'avait pas fait attention aux détails. Il espérait avoir l'occasion de faire plusieurs tours, histoire de pouvoir observer le paysage tout à loisir, sans se priver de discuter avec sa voisine.

« Caldwell ? » s'étonna Ariel, quand la jeune femme se présenta à son tour. « Comme le cirque Caldwell ? » Il hésita un instant, avant d'ajouter « Ou comme la ferme Caldwell ? » Ses yeux s'étaient mis à briller, impatient de savoir la réponse ; quelle qu'elle soit, ce serait une belle surprise : soit elle faisait partie de la famille du cirque qui s'était installé pour tout le festival du printemps, soit elle descendait des fermiers qui l'hébergeaient, lui et Devon. Dans les deux cas, cela promettait une discussion intéressante. À moins que... à moins qu'elle s'appelle Caldwell tout simplement, sans être de l'une ou de l'autre des familles. Peut-être que c'était un nom courant par ici, après tout ? « Je comprends » reprit-il quand Satine lui avoua qu'elle n'en savait pas plus que lui sur le nombre de tours qu'ils allaient faire. Ariel glissa sa main dans sa poche, mais il ne lui restait plus beaucoup de pièces ; plus assez, en tout cas, pour refaire un tour de grande roue. Il espérait donc que ce tour-là durerait le plus longtemps possible. Il regarda ensuite par la vitre et appuya sa main contre la paroi. Ils étaient déjà bien haut ; pas encore au sommet, mais assez pour avoir une vue époustouflante. Ariel fut pris d'un léger vertige et se retourna vers la blonde. Il haussa les épaules à sa question. « Je venais en repérage pour le faire avec ma copine plus tard, le mec à fait le dernier appel pour ce tour et je sais pas, une impulsion, ça m'a donné envie de le faire tout de suite ! » Il esquissa un sourire avant de reporter son regard sur l'extérieur. Il ne regrettait vraiment pas d'être monté, la vue était tout simplement magnifique. Il découvrait Siloam Springs d'une façon différente, et la ville lui apparu toute de suite beaucoup plus majestueuse ainsi. Il essaya de chercher la ferme des yeux, parmi cette immensité de verdure, en vain. Il n'était même pas sûr de chercher au bon endroit. « Et du coup, tu habites ici ou tu es venue spécialement pour le festival ? » Ariel posa la question sans regarder la jeune femme, profitant de chaque seconde d'ascension pour observer le paysage ; il n'en était pas moins intéressé et curieux de connaître la réponse.

Ariel adorait rencontrer de nouvelles personnes, parce qu'il y avait toujours une foule de choses à découvrir sur les autres. Il était curieux, oui, et ne le cachait pas. Parce que même s'il avait voyagé physiquement, notamment au travers des États-Unis, savoir la vie d'inconnus lui permettait de voyager autrement, de voyager à travers eux. De découvrir un monde qui n'était pas forcément le sien ; et pour le coup, le cirque, il ne connaissait pas du tout. Raison de plus pour poser des questions, en savoir plus, apprendre, découvrir. « Ha, j'imagine ! C'est un vrai zoo que vous avez. » Ariel ne savait pas trop quoi en penser, puisque les défenseurs des animaux avaient tendance à blâmer les cirques de la façon dont les bêtes étaient traitées, mais il avait en effet remarqué en venant, en périphérie du cirque à proprement parler, tous les animaux qu'ils possédaient. « Tu es quoi, toi ? Dresseuse de lions ? » Ariel rigola légèrement. Non pas qu'il se moquait de sa possible occupation, tout simplement qu'il n'imaginait pas une fille si fine et à l'air si doux dresser des fauves qui pouvaient faire tant de dégâts.

« À ce niveau, c'est plutôt moi qui ait de la chance. » Il avait quelques tendances à se rabaisser, Ariel, mais c'est comme ça qu'il était. Il avait grandi en étant rabaissé, ça n'allait pas changer du jour au lendemain ; et il était convaincu que le chanceux dans l'histoire, c'était lui. Devon était belle, adorable, et méritait tout l'amour du monde. Mais lui ? À part son physique et son humour parfois même un peu lourd ? « Mais elle devrait aimer, oui. La vue est magnifique. » Ariel était content d'être monté dans cette bulle. Découvrir une nouvelle Siloam Springs en même temps qu'il découvrait une inconnue, ça avait du sens. « Et ce n'est pas trop compliqué comme vie ? » demanda-t-il alors, quand Satine lui expliqua rapidement son mode de vie. Bien sûr, il n'était pas celui qui avait la vie la plus stable ; après tout, il avait passé un an sur les routes des États-Unis, ne restant pas plus d'une semaine dans la même ville... Mais au bout d'un an, ils avaient fini par se poser, avec Devon. Ariel n'était pas sûr qu'il aurait pu mener une vie comme ça pour le restant de ses jours ; à un moment ou à un autre, il y avait un besoin de stabilité. « Je veux dire, y a pas un moment où tu vas te poser ? » Ils étaient arrivés au sommet de la roue, à présent. C'est à ce moment-là qu'elle s'arrêta, d'ailleurs, dans un petit clic. Cela leur permettrait de profiter de la vue les subjuguant un peu plus longtemps, avant que la roue n'entame sa descente. « J'habite ici, ouais. Un peu à l'extérieur de la ville. Bun, si tu veux... on est à la ferme des Caldwell, avec Devon. D'où ma question tout à l'heure. » Il esquissa un sourire, quittant enfin des yeux le paysage pour se reporter sur la blonde à ses côtés. « On vit dans un van en fait. On travaille chez les fermiers et ils nous ont prêté un bout de terrain pour qu'on s'installe. » Pour tout dire, Ariel n'avait pas vraiment l'habitude de parler de lui. Quand il conversait avec des inconnus, c'était souvent lui qui posait les questions, et il se contentait d'écouter les réponses. Il préférait ça. Mais, là, les questions lui étaient retournées ; et mine de rien, raconter sa vie lui faisait du bien.