c'est mieux que d'attendre toute ta vie le cul vissé sur ta chaise qu'un miracle se produise. »

Siloam Springs c'est pas l'endroit où tu t'imagines une vie palpitante. C'est plutôt la petite bourgade tranquille où la famille Greyjoy - Oui, comme la famille tant haïe de « A Song of Ice and Fire » - a décidé de s'établir quand le ventre d'Elizabeth a commencé à s'arrondir de son premier enfant, un fils, qui s'appellerait Simon. Six ans plus tard est arrivée Justice. Un bébé qui a donné des sueurs froides à ses parents en décidant de débarquer un bon mois avant le terme. Quelques temps à la clinique, histoire de s'assurer que tout allait bien, et elle a pu rejoindre sa famille, pour de bon cette fois.

La famille possédant plusieurs chevaux, c'est naturellement très tôt qu'elle a appris à monter. Elle semblait faite pour ça, gamine toute frêle perchée sur son shetland. Grisou, qu'il s'appelait, elle avait choisi le nom toute seule comme une grande. Elle ne partait pas pour des balades, encore bien trop jeune, mais elle avait le droit de monter sur la piste que possédait la famille à la condition qu'il y ait au moins son grand-frère pour la surveiller et appeler les parents en cas de problème.

À l'école, elle était une enfant plutôt sage. Elle travaillait très dur pour ramener de bonnes notes, elle était jeune et elle croyait encore les gens quand ils lui disaient que c'était important. Elle aimait tout particulièrement les matières littéraires et les travaux manuels. Elle a toujours été convoquée au moins deux fois par ans chez le directeur avec ses parents parce qu'elle s'était battue, souvent contre une pimbêche ou un garçon irrespectueux. Elle frappait déjà plus fort que la majorité de ses camarades de classe.

Elle avait huit ans quand son père a décidé qu'il était temps qu'elle apprenne à se défendre. Elle a commencé par le jujitsu, ouvert aux enfants, deux fois par semaine, et à treize ans, elle a commencé le krav-maga, au même rythme. Aujourd'hui, elle pratique les deux sports régulièrement, tant pour s'entretenir que pour botter des fesses en toute légitimité.

Avec son père, elle a appris à jouer de la guitare et à coudre, avec son frère à tresser les crins des chevaux pour les concours sans avoir mal aux doigts, avec sa mère à cuisiner, jouer du piano et nager. Elle était assoiffée de savoir et de nouveaux horizons. Elle est véritablement entrée dans le monde équestre à l'âge de dix ans, prenant des cours trois fois par semaine pendant deux heures et demi pendant deux ans avant de participer à son premier concours de dressage. Comme elle participait au nom de l'écurie où elle prenait ses cours, elle n'y a pas monté l'un des chevaux de ses parents. Elle n'a pas gagné mais l'expérience l'a suffisamment amusée pour qu'elle décide de retenter, encore et encore.

et des complexes plein les fesses. »

C'est à un concours qu'elle l'a rencontré. Lui, c'est ce gars, un peu plus vieux qu'elle, qui est venu voir sa soeur et avec qui elle a discuté pendant la pause et après la remise de prix. Cette fois-là, elle arrivait deuxième. Elle s'en souvient parfaitement parce que c'était la première fois qu'elle participait avec sa jument, Ombreuse, une frisonne.

Il s'appelle Julien, il est grand et il a une voix grave, beaucoup trop mature pour ses seize ans. Elle, elle se sent toute petite, morpion de treize ans, quand il est dans les parages. Ils parlent beaucoup, de musique et de chevaux surtout. Il n'y connaît rien alors elle lui montre comment on panse un cheval. Comme si après des heures les fesses collées sur une selle, elle n'en avait pas encore assez. Ils échangent leurs adresses mails et promettent de se reparler, puis Justice rentre chez elle avec ses parents et Ombreuse.

Ils se sont parlé chaque soir l'année qui a suivi, sans jamais manquer le rendez-vous qu'ils s'étaient implicitement donné. Avec lui, elle a appris énormément de choses, elle avait l'impression qu'il la comprenait parfaitement. Les papillons dans le ventre, le cerveau qui se fait des noeuds, ce genre de choses...

Justice n'a jamais dit à Julien qu'elle ressentait quelque chose pour lui. Elle n'y a jamais vraiment pensé, en fait. L'euphorie qu'elle ressentait quand elle rentrait des écuries et qu'il était connecté, attendant que la conversation démarre, lui suffisaient, tout simplement. Si quand cela concerne l'encadrement des chevaux elle exige l'excellence, en-dehors de ce cadre, elle s'est toujours satisfaite de peu. Et c'est parfait comme ça.

Il a réussi à la blesser. Alors qu'elle se croyait hors d'atteinte. C'est le propre de l'homme de se bercer d'illusions à propos de sa toute-puissance, elle l'a en quelque sorte découvert ce jour-là. Ils s'étaient échangé des photos récentes. Quelque chose de tout à fait inoffensif. C'est sans doute pour ça qu'elle ne s'attendait pas au "Tu as grossi !" qui a fusé.

Ces mots sont destructeurs. Surtout pour une adolescente qui, sous ses dehors un peu rude, se cherche énormément. Elle a commencé à décliner. Doucement au début, si discrètement que ses parents ne s'en sont pas rendus compte. Elle mangeait de moins en moins, mais ce n'est que quand elle a commencé à moins s'hydrater qu'ils ont pris conscience du problème. Elle s'est fermée quand ils ont tenté d'en discuter, fuyant leur présence pour préférer celle des chevaux qui, eux, au moins, ne l'ennuyaient pas.

Ce n'est que lorsqu'elle a fait un premier malaise qu'ils se sont décidés à employer la manière forte, encouragés par leur aîné qui était manifestement dévoré par l'inquiétude. Simon a été d'un grand soutien pour Justice quand elle a dû aller voir un médecin... Puis un psychiatre. La lutta a été acharnée, mais elle a échappé à l'internement en hôpital. De justesse. Depuis, elle voit régulièrement un nutritionniste et son médecin traitant, qui s'assurent tous deux de sa santé.

Cet interlude a exacerbé son côté le plus dynamique. Avoir la bougeotte, c'est sa façon de laisser les démons au fond d'elle, et ça fonctionne. Elle a seize ans quand elle oriente ses études vers le métier de palefrenière, et est embauchée dès sa sortie de l'école par une écurie assez importante où elle a fait un excellent stage d'été, d'abord comme stagiaire, puis en contrat d'un an, et désormais en contrat à durée indéterminée.

Ses parents lui ont offert une voiture dès qu'elle a eu le permis et une maison pour ses dix-huit ans. Elle n'est pas loin de chez eux, assez près pour venir les voir quand elle veut et assez loin pour se sentir indépendante, une vraie bouée d'oxygène. Elle a commencé à fréquenter des garçons, se répétant sans trop s'en rendre compte qu'il s'agissait de la seule façon efficace d'accepter ce qu'est son corps.

Aujourd'hui, elle n'a pas de problème qu'elle ne puisse pas régler à coups de poings, ne se connaît aucun véritable ami, est aussi inconstante en terme de flirt qu'efficace au travail... Et ça lui va parfaitement, merci.

t'es enfin validééééé