daenerys , ariel

the future is forgiven, so smile

Le bruit des discussions qui forment un brouhaha incompréhensible, accompagné de l'odeur poignante de friture, avaient de quoi surprendre lorsqu'on passait la porte du subway ; particulièrement un soir de vacances scolaires, où tous les collégiens, lycéens et étudiants se retrouvaient pour rire et profiter de leurs jours de congé tant qu'ils en avaient encore. Merde, on reprend bientôt... / C'est bon, pas besoin de le rappeler ! / Roh j'espère qu'on sera dans la même classe... / T'imagines on a encore l'autre mégère en histoire ?! Et toutes ces autres répliques typiques que l'on sort quand la rentrée des classes est dans moins de deux semaines. Ariel, lui, n'a pas dit ce genre de phrases depuis au moins... six ans. Waw, le temps passe vite quand on y réfléchit quelques instants ; six ans qu'il a eu son diplôme de fin de lycée, six ans qu'il a décidé de ne pas continuer les études, six ans qu'il travaille... et presque six mois qu'il travaille à la ferme. Finalement, il s'est habitué à toute la charge physique et se complet assez bien dans ce qu'il fait, même s'il garde en mémoire son rêve d'ouvrir un café à l'ancienne. Il sait cependant qu'il lui faudra beaucoup économiser pour cela, et qu'un salaire de fermier n'est pas des plus élevés ; cela pourrait bien lui prendre quinze ou vingt ans, à ce rythme, pour avoir des économies suffisantes pour que la banque daigne lui accorder un emprunt. Il essaierait bien de trouver un autre boulot, mais son expérience universitaire étant complètement nulle, il est conscient que les jobs qu'il trouvera resteront des postes très peu payés. Tant pis ; il attendra le temps qu'il faudra.

Ariel réserve une table au premier étage du Subway, contre la fenêtre. Il a rendez-vous avec Daenerys ; il lui a promis de lui raconter son voyage au Mexique et de lui montrer les photos qu'il y a fait, quand il reviendrait, et il est justement revenu avant-hier. Les Caldwell ont eu la gentillesse de laisser à Ariel et Devon deux jours supplémentaires pour se remettre de leur aventure, et ils ont profité d'hier pour se reposer. Ariel a proposé à Devon de se joindre à Dae' et lui, ce soir, mais elle a poliment décliné. Il lui a en tout cas assuré qu'ils allaient simplement au Subway et qu'il ne rentrerait pas trop tard ; de toute façon, il doit se réveiller tôt demain matin et s'il veut avoir les yeux en face des trous, il faudra bien qu'il se couche tôt. Il avait appelé Daenerys en début d'après-midi pour lui proposer de se retrouver au fast food, même s'il savait que ce n'était pas son type de nourriture préférée ; mais pour tout dire, il n'avait pas les moyens de se payer un restaurant gastronomique, ni même un petit bistro. Les dernières économies qu'ils avaient, avec Devon, sont passées dans le voyage. Alors qu'il observe la rue à travers la grande vitre, Ariel aperçoit Daenerys qui entre dans le Subway. Il se lève aussitôt de sa chaise, se rendant compte dans le même temps que c'était idiot de réserver une table alors même qu'ils n'avaient pas commandé. Il fait un signe de la main pour capter l'attention de son amie et s'avance à sa rencontre. « Salut ! Tu vas bien ? » Il esquisse un sourire puis lui fait la bise. « On va chercher à manger tout de suite ? Je pensais qu'on pouvait aller en haut après, y a plein de tables libres et c'est beaucoup plus silencieux qu'ici. » Il a encore l'âge de parler et rire fort avec ses amis, mais ce soir il n'a tout simplement pas envie d'hausser la voix.

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the future is forgiven, so smile

Daenerys était tout à fait le genre de fille qu'Ariel appréciait avoir comme amie. Elle avait son style bien à elle, décontracté chic pour ce qu'il en savait, elle disait ce qu'elle pensait, elle était vivante et dynamique, et surtout il n'y avait pas et il n'y avait jamais eu d'ambiguïté entre eux deux. On ne pouvait pas en dire autant de la majorité de ses autres relations féminines, et c'était relaxant que de parler à une fille sans qu'elle ne papillonne des paupières, se morde la lèvre en se croyant séduisante ou le questionne sur sa situation amoureuse. Cela lui avait longtemps plu à Ariel, de plaire à la gente féminine, mais à présent qu'il était casé avec Devon et fou amoureux d'elle, cela l'embêtait assez. C'était toujours flatteur, il n'allait pas mentir, mais quand cela n'était pas réciproque, les perpétuels signes d'attirance devenaient lassant et gâchaient la possible amitié qui aurait pu se tisser. Au moins, avec Daenerys, c'était clair qu'il n'y avait rien de tout ça ; ils étaient de très bons amis, et rien de plus. Elle lui faisait d'ailleurs étrangement penser à la plus grande de ses petites sœurs, Jean, et c'était donc comme s'il passait un petit de temps avec elle, par le biais de Daenerys. Cela lui faisait du bien et lui donnait du baume au cœur, forcément, parce que cela faisait deux ans qu'Ariel n'avait pas vu ses petites sœurs et qu'elles lui manquaient terriblement. Lisa continuait de lui envoyer des cartes postales et il continuait de les appeler de temps à autres, mais une conversation téléphonique toutes les semaines n'était malgré tout pas suffisante ; on ne pouvait pas prendre dans ses bras une voix, ni la voir sourire. Il espérait pouvoir les revoir rapidement, mais il s'était rendu à l'évidence. Le père Chester n'autoriserait certainement pas la pupille de ses yeux de rendre visite à son traître de fils à Siloam Springs ; et Ariel n'avait aucune envie de retourner au Canada, parce qu'il n'avait pas quitté sa ville natale pour se faire traiter de tous les noms par ses parents s'il y remettait les pieds -sans parler du fait qu'il avait dépensé dans son voyage au Mexique toutes les économies qui lui aurait permis le trajet. « Eh bien ça va aussi, écoute ! » répondit-il, enjoué, à la question de la jeune femme. Elle l'entraîna ensuite en direction d'une file, et ils se placèrent derrière un vieux couple en jogging Adidas. Ariel leva les yeux au ciel, avant de se retourner vers Daenerys. « Carrément ! Tu vas voir, c'est passionnant. » Il esquissa un sourire en coin, pour frimer. Il avait en effet vu des paysages magnifiques et passé des moments exceptionnels avec Devon, mais ce n'était pas ce qu'il raconterait à Daenerys. Du moins, pas seulement ; il s'était mentalement fait une petite liste d'anecdotes drôles à lui raconter, et il comptait bien le faire. Enfin, il n'avait pas de soucis à se faire, parce qu'elle avait toujours mille et une questions en tête et qu'il n'aurait qu'à répondre à ce qu'elle voudrait savoir. Ariel baissa alors le regard, attiré par ce qu'elle tenait dans la main. Il fit un mouvement du menton en direction de ce qui semblait être une pochette à dessin, ou un livre épais. « C'est quoi, ça ? » Il pointa du doigt en même temps qu'il posait la question. Eh oui, il n'y avait pas que Daenerys qui était curieuse. « Je suis rentré... » Il compta mentalement dans sa tête, avant de continuer « Il y a approximativement cinquante et une heures. » Il rigola légèrement, et avança de quelques pas alors que la file progressait. « Si, c'était assez épuisant, » reprit-il, « enfin surtout le trajet pour y aller et pour en revenir. On a dû passer quatre jours à conduire ! Et puis là-bas, tu t'imagines bien qu'on a profité au maximum du Mexique et des vacances, donc on a fait l'économie de quelques heures de sommeil. » Déjà qu'ils ne restaient qu'une semaine sur place, il n'était pas question de perdre du temps en faisant des grasses matinées. « Mais on s'est rattrapé hier et ce matin. Je me suis réveillé à treize heures ! » Cela faisait des lustres qu'il n'avait pas dormi aussi longtemps, d'ailleurs ; que ce soit pendant leur road-trip à travers les États-Unis ou depuis qu'ils étaient arrivés à Siloam Springs -voire même alors qu'il était encore au Canada. Après quelques minutes de conversation supplémentaires, ce fut leur tour de passer commande. Ariel indiqua le type de pain et les différentes garnitures qu'il voulait, heureux de pouvoir s'exprimer en anglais et que le vendeur le comprenne. Il s'était fait avoir plusieurs fois, au Mexique, avec son piètre espagnol et sa petite amie qui se faisait un malin plaisir à le regarder se dépatouiller tout seul. Une fois qu'ils eurent tous les deux commandé et payé, ils se dirigèrent à l'étage pour un peu de calme. Ariel s'aperçu avec bonheur que la table où il s'était accoudé quelques minutes plus tôt pour attendre Daenerys était toujours libre. Il donna un petit coup de tête dans cette direction, pour signaler à son amie où s'asseoir. « On est bien là, non ? » Il esquissa un sourire, avant de tirer sa chaise et d'y poser ses fesses. « Qu'est-ce que tu veux savoir, alors ? » demanda-t-il, avant de croquer dans son sandwich. Ah, la nourriture américaine. Cela n'avait pas autant de saveur que les fajitas mexicaines, mais elle avait son côté rassurant. Il n'aurait pas la mauvaise surprise d'y trouver des concombres, au moins. Il avala une deuxième bouchée, et plongea son regard dans celui de Daenerys ; il était prêt pour l'interrogatoire.