and I still feel that rush in my veins, it twists my head just a bit too thin

Nemesio Arsen Zacharias, dit Nemo, vit le jour une après midi ensoleillée dans la péninsule d'Argolide, plus précisément à Argos. Et, moins précisément, en Grèce. Il est donc grec, d’où son nom de famille, mais également espagnol par sa mère. C'est elle qui a choisi son prénom, mais avouez que Nemo c'est plus cool ! C'est pourquoi il a demandé à être surnommé ainsi dès l'âge de sept ans. Sa naissance n'est selon lui pas des plus intéressantes et, à vrai dire, il a raison. Des cris, des larmes, de la douleur, et puis un bébé. Lui. En gros c'était ça, c'est pareil pour tout le monde, non ? L'enfance fut plus intéressante, et moins banale puisqu'il parcourut le monde en compagnie de ses grands parents. Ceux-ci voulaient voyager, Nemo aimait beaucoup l'idée, et ses parents tenaient à leurs boulots. Ils tenaient également à leur fils, mais disons que les trois aventuriers ne leur laissèrent pas trop le choix... Le grec grandit donc en compagnie des parents de son père à Londres, Paris, Berlin, Copenhague, mais aussi Dubaï, Casablanca, Kinshasa, New Delhi, Islamabad. Et Canberra, où il s'installa un an, avant que l’annonce d'une naissance prochaine dans sa famille ne le fasse rentrer en Grèce. « Fille ou garçon ? », interrogea-t-il dès qu'il aperçut ses parents sur le parking de l'aéroport. Sa mère ne prit pas la peine de répondre, se jetant plutôt sur lui pour le serrer longuement dans ses bras. Il avait aujourd'hui quatorze ans, cela faisait donc sept ans qu'ils ne s'étaient plus parlés qu'au téléphone... Une larme roula sur sa joue et il la serra plus fort. Lui qui avait voulu paraître détaché en arrivant, c'était loupé ! Son père se contenta d'un salut viril, et un peu froid, consistant en une tape dans le dos et la réponse à sa question. « Nous préférons avoir la surprise... » Nemesio ne comprit jamais ce principe, mais peu importait. Un mois plus tard, Nerea Zacharias voyait le jour avec quatre mois d'avance.

« Qu'est-ce qui se passe ? » Autour de lui, tout le monde s'affairait, courant en tous sens et aboyant des ordres incompréhensibles à leurs collègues. L’hôpital était bondé, tout le monde semblait avoir décidé d'être malade, blessé ou sur le point d'accoucher aujourd'hui. Tout ce bruit tapait sur les nerfs du jeune homme, et cela ajouté à son inquiétude vis-à-vis de sa mère ne faisait pas bon ménage. « STOP ! », hurla-t-il, captant enfin l'attention générale. Un quart de seconde seulement. Ce n'est que lorsqu'il se laissa glisser contre le mur face à la salle de travail et ramena ses genoux contre son torse en se bouchant les oreilles qu'une infirmière prit la peine de se mettre à sa hauteur pour s'enquérir de son état. « Ta maman est là-dedans ? » Trop heureux d'être finalement écouté, il ne se focalisa pas sur le fait qu'elle lui avait parlé comme à un enfant. Ce que, selon lui, il n'était plus. « Depuis des heures. » A vrai dire, il n'en savait rien. Il avait perdu la notion du temps après une demi heure. Son trouble de l'attention lui donnait du fil à retordre, il était incapable de gérer le stress tout seul et son père était lui aussi derrière la porte, bien loin des soucis de son fils. A vrai dire, sans doute aurait-il été incapable de l'aider et était-il plus utile aux côtés de sa femme. Les relations père-fils n'étaient pas très faciles, et ce depuis toujours. Malheureusement, la décision qu'avait prise Nemo à l'âge de sept ans les avait éloignés encore plus, il avait en quelques sortes scellé son destin en partant voyager. « Je suis certaine que tout va bien se passer. Tu veux parler un peu ? Je vais rester avec toi histoire de te changer les idées... Si tu en as envie on peut aller te chercher quelque chsoe à la cafétéria, tu ne devrais pas rester là... » Il refusa catégoriquement de quitter ce couloir ni même de se lever pour prendre place sur une chaise, mais accepta volontiers un peu de compagnie. Elle parvint à capter son attention, ce qui constituait un exploit vu le personnage, et à lui faire oublier l'anxiété qui l'avait rendu malade. « Nemesio... » L'interpellé se redressa vivement et se jeta presque sur son père. Le fait qu'il l'appelle par son prénom était mauvais signe, mais il ne le remarqua pas, trop heureux qu'un visage connu apparaisse enfin. Il interrogea son géniteur du regard, un large sourire aux lèvres. Qui se fanât aussitôt. « Tu... Tu as une petite soeur... » Ce n'était pas tout, il le sentait. Et cela se voyait aux yeux rougis de son père. Celui-ci venait de pleurer toutes les larmes de son corps. « Où est maman ? », interrogea-t-il d'une voix chevrotante, au bord des larmes sans même savoir si ses craintes étaient fondées. N'obtenant pas de réponse, il s'emporta: « DIS MOI OÙ EST MAMAN ! » Il n'attendit pas de réponse et se précipita dans la salle de travail où il trouva deux infirmière en train de débarrasser les lieux du corps sans vie de sa mère... Un cri de désespoir presque inhumain sortit de sa gorge et résonna dans le couloir. Il s'accrocha désespérément à la main de sa mère. Déjà glacée. Lorsque son père l'en détacha, il ne se débattit même pas, se contentant de se laisser tomber dans un coin de la pièce pour se mettre à pleurer. Jusqu'à ce que des cris de bébé ne retentissent et qu'il se rue vers la petite Nerea afin d'être le premier à la prendre dans ses bras. Il apparut bientôt que son père n'était de toutes manières pas pressé de le faire...


Durant les trois mois suivant la naissance de sa cadette, Nemesio se rendit à l’hôpital tous les jours afin de la regarder grandir et de lui parler. De lui montrer qu'elle n'était pas seule et que son grand frère veillait sur elle. Pour toujours. A cet âge, elle ressemblait déjà à leur mère et il pouvait passer des heures à la contempler sans s'en lasser. Les personnes atteintes de TDAH sont normalement incapables de se concentrer, mais Nerea captait toute l'attention de son frère. Elle fut toujours la seule à pouvoir lui venir en aide, tout comme sa mère y était parvenue quelques fois. Il était donc là chaque jour, après les cours, beaucoup plus concentré qu'à l'école, et tellement plus heureux. L'idée de quitter les lieux ne lui venait pas à l'esprit avant qu'une infirmière n'entre pour lui annoncer qu'il était temps de rentrer. A la maison, c'était le chaos, et il n'était jamais pressé de se retrouver en tête à tête avec son géniteur. Il prenait son temps pour rentrer, faisant des détours ou allant faire du skateboard pendant une petite heure, voire deux. Lorsqu'il rentrait enfin, son père ne lui posait aucune question, le suivant du regard depuis le sofa dont il ne bougeait plus. « Il faudra que tu viennes chercher Nerea avec moi la semaine prochaine... », annonça-t-il un jour en s'accroupissant près du fauteuil. N'obtenant pas de réponse, il répéta. « Tu sais, elle ressemble à maman... Tu devrais aller la voir. » Nemo ne se doutait pas que le fait d'évoquer leur mère réveillerait son père. Une lueur indescriptible passa dans son regard et il attrapa le bras du jeune homme, qu'il serra. Il comprit à cet instant qu'il avait fait une bêtise. La situation était difficile pour tout le monde, et il semblait être le seule à garder la tête hors de l'eau. Ses grands parents étaient repartis en voyage afin de ne pas être confrontés à tout ce qui se passait ici, et son père n'avait plus bougé de la maison depuis la naissance de Nerea. Celle-ci n'avait donc vu son géniteur qu'une seule fois en trois mois. « C'est de sa faute. Tout est de sa faute. Je ne veux pas la voir, Nemo. Je n'en veux pas ici ! » Il aurait sans doute mieux valut qu'il reste prostré comme à son habitude. Une longue dispute s'ensuivit et, une semaine plus tard, Nemesio traînait son père jusqu'à l’hôpital dans le but de montrer qu'ils en avaient un et que Nerea était en sécurité avec eux. Du moins, c'est ce qu'il croyait.

« C'est quoi ça ? Non mais tu te rends compte de ce que tu fais ? Tu veux la tuer ? » Nemo venait de rentrer de sa longue journée de cours, il avait l'intention de se reposer, de dormir, profitant de la paix momentanée régnant dans la maison familiale. Ils avaient cessé de se déchirer et de se taper dessus, leurs relations n'étaient pas pour autant très joyeuses mais le frère et sa soeur demeuraient dans leur coin tandis que leur paternel s'occupait de ses affaires. Le père de famille c'était plutôt le jeune homme, et ce depuis l'arrivée de sa soeur à la maison. Son père ne l'avait jamais approchée que pour la frapper, pire qu'avec Nemesio enfant. La trêve avait été la bienvenue pour lui qui, à vingt cinq ans, tentait de combiner sa vie familiale avec ses études dont la complexité était empirée par sa maladie. Mais, apparemment, c'était déjà terminé. Nerea avait un morceau de verre enfoncé dans le bras et des débris de bouteille gisaient dans toute la pièce. Il s'accroupit auprès d'elle, le regard rivé sur leur père, ce malade qui répétait sans cesse qu'il ne visait pas son bras mais son visage. Il avait tenté de la défigurer, tout cela car elle était le portrait de leur mère. Excédé, Nemo se redressa et expédia son poing dans le visage de son père. Celui-ci bascula tête la première sur le carrelage. Nemo appela la police et une ambulance, et attendit en soignant sa soeur. Il était plus que temps d'arrêter ou d'interner leur paternel, la situation était devenue bien trop incontrôlable... Par la suite, les Zacharias emménagèrent dans un petit appartement et Nerea put commencer à se reconstruire. Nemo abandonna ses études, plongeant directement dans la vie active afin de subvenir à leurs besoins. Ce n'était pas plus mal étant donné qu'il avait beaucoup de mal à se concentrer. Même si son père ne lui avait jamais témoigné une once d'amour et avait été odieux avec sa propre fille, le jeune homme était attristé par la tournure que prenaient les choses. Pour ne pas dire abattu. L'impact que tout cela avait sur lui était gardé secret, enfoui tant bien que mal au fond de lui afin de ne pas alarmer sa soeur qui avait déjà beaucoup à faire. A à peine dix ans, elle se retrouvait totalement orpheline. Même si elle n'avait jamais eu de parents dignes de ce nom. « C'est toi mes parents Nemo, je n'ai besoin de personne d’autre », intervint-elle un jour où, pour la énième fois, il lui annonçait qu'il envisageait de la faire adopter car il était trop nul. Il se sentait incapable de s'occuper d'elle, et pourtant il était mieux qu'un père. Il aurait fait n'importe quoi pour elle. Il faisait n'importe quoi pour elle. « Je t'aime bébé Nerea. » L'attirant à lui, il la serra contre lui et elle l'entoura de ses petits bras après lui avoir donné un coup de poing. « Je ne suis pas un bébé ! » Un rire s'échappa des lèvres de Nemo qui la regarda un instant sans rien dire. C'est ainsi que commençaient toutes leurs bagarres. Ils étaient un peu comme deux lionceaux... « J'ai quinze ans de plus que toi, tu ES un bébé. »


Siloam Springs. Cela semblait être une bonne idée, du moins au début. Ils avaient passé trois ans à se chercher un endroit où tout recommencer, et voilà qu'ils l'avaient trouvé. Nemesio avait suffisamment travaillé que pour leur payer un vaste appartement et ils n'avaient pas tardé à s'installer. Les problèmes commencèrent en 2013, lorsque Nerea commença à se rebeller contre l'autorité pourtant pas si dérangeante de son frère. Il était certes envahissant, mais c'était dû à leur passé et à ses problèmes d'hyperactivité et de manque de confiance en lui. Seulement, même Nerea n'était plus capable de l'aider. Simplement car elle ne le voulait plus. « T'es incroyablement ingrate ! Tu sais même pas tout ce que j'ai fait pour toi. T'as dix-sept ans, tu comptes faire quoi ? » Sa soeur avait fait ses valises et ne l'écoutait même pas lui lister tout ce qu'il avait fait en dix-sept ans et énumérer les raisons qui l'empêchaient de quitter leur appartement. Madame comptait emménager avec son nouveau copain et le laissait donc en plan, lui qui jamais n'avait faillit à sa tâche. « J'me casse Nemo » fut tout ce à quoi il eut droit. « Bah oui, bien sûr ! J'TE RETIENS PAS ! Ne reviens JAMAIS, tu m'entends ? Ne viens pas pleurer quand il va te larguer. Ou te mettre enceinte. Ou les deux. » Il continua de faire des hypothèses et reproches longtemps après qu'elle ait disparu de son champs de vision. Il avait parfaitement conscience qu'elle ne l'entendait plus, mais il fallait que ça sorte. Une fois qu'il eut terminé, il rentra, trouvant devant la porte de l'appartement la clé abandonnée par Nerea. Il était pire que dégoûté, mais parfaitement sérieux en disant qu'il ne voulait plus la revoir. Elle le savait, et elle ne reviendrait pas. Cela faisait partie de leurs caractères, il était extrêmement rancunier, et elle beaucoup trop fière. Et inversement. Cette dispute demeurerait gravée à jamais dans leurs esprits, et sans doute ne se parleraient-ils plus.