My soul is spiraling in frozen fractals all around

Aleksandra. Elle me rend fou. Vraiment. Toujours à râler, toujours à se plaindre … mais d’un côté, j’ai l’impression que ça change. Un peu. Qu’elle essaie de faire un effort, aussi minime soit-il. Peut-être qu’elle en a marre de passer du temps avec moi ? Peut-être qu’elle fait ça uniquement pour être un peu plus tranquille, à la maison. Je ne sais pas. Je sais juste que moi … depuis quelques temps, elle me hante. Dans mes rêves, ou même en vrai. Je me surprends à penser à elle au travail. À rougir parfois quand elle est là. Je sais très bien ce qui se passe. Je sais très bien le pourquoi du comment. Aujourd’hui, je lui ai donné rendez-vous à la patinoire. Ma jambe se porte mieux depuis la fête d’halloween. J’ai juste eu une attèle et des béquilles durant deux semaines. J’attends la jolie demoiselle, appuyé contre la barrière de la zone de patinage. Je scrute les quelques gens qui s’amusent. Et je pense encore, et encore à cette jeune femme qui me fascine tant. Je souffle, créant un peu de buée. Inconsciemment je réfléchis déjà au cadeau de noël que je lui offrirai. Je tourne la tête et la voit s’approcher. Un sourire se colle sur mon visage. « Bien le bonjour ! »
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My thoughts will destroy me.

Le mois de décembre qui arrive à grands pas. Et ces fichus fêtes de Noël. Et cette neige qui n’arrête pas de tomber. Je grogne. Je râle. Comme toujours. Une écharpe de laine plus grosse que ma tête autour du cou, je marche dans les rues de Siloam pour me rendre à la patinoire. Sur invitation d’Elias. Je ne sais pas trop mais depuis la fête catastrophique d’Halloween, je l’apprécie plus. J’ai l’impression qu’à lui je peux lui faire… confiance. C’est un beau mot. Et tout un chacun sait que je ne l’accord qu’à peu de personnes. Mais avec Elias c’est différent. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Au fond j’ai peur, toujours un peu. Peur qu’il fasse simplement ça pour me faire payer toutes les crasses que je lui ai faites. Mais d’un autre côté, avec lui j’ai l’impression de redécouvrir la vie. Je secoue la tête. Ma pauvre fille t’as les pensés les plus culculs du monde là. J’avance dans l’allée de châlets qui c’est installée là spécialement pour les fêtes de fin d’année. Je découvre autour de moi un nombre incalculables de couples. Ça me donne envie de vomir. Et je les envie aussi. J’aperçois au bout de l’allée la patinoire, et Elias accoudé à la barrière, attendant sereinement. Le rouge me monte aux joues. Nous aussi on pourrait nous prendre pour un couple… Je chasse immédiatement cette pensé de mon esprit et le salut en retour, émergeant de ma montagne d’écharpe. « Hey brother. » C’est moi ou je me force à le considérer comme mon frère, alors qu’au fond nous n’avons aucune goutte de sang en commun. Je pose mon regard sur lui. Et une nouvelle pensé absurde me traverse l’esprit. Bordel qu’est ce qu’il est beau.
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Je m’approche d’elle, lui glisse un baiser sur la joue. J’aurais pu le faire ce matin, mais je suis parti tôt de l’appartement. « Tu vas bien ? » Je souris. Elle est mignonne sous sa grosse écharpe. Son regard m’aspire, j’ai l’impression de la redécouvrir à chaque nouvelle sortie, à chaque nouveau mot. Je fourre mes mains dans les poches de mon manteau trop long. Je nous imagine déjà sur la glace, main dans la main comme deux … comme deux frères et sœurs. Je me racle la gorge, lui désigne la piste. « Prête à tomber sur les fesses ? Je te préviens, j’te rattrape pas ! » je lui tire la langue, taquin, comme à mon habitude. Je ne me soucie plus de savoir si elle prendra bien, ou mal. Parce que j’ai l’impression qu’on a commencé à créer une vraie relation elle et moi. J’ai enfin l’impression d’avoir le droit de faire partie de son quotidien. Même si je sais qu’elle ne me considère pas encore comme son frère, malgré la manière dont elle m’a appelée. Je lui attrape le bras avec douceur pour la tirer vers le monsieur qui nous prêterait les patins. « Bonjour monsieur. Une pointure 43 et une … » je me tourne vers la demoiselle. « Tu chausse du combien toi déjà ? ». Le vendeur rit légèrement. « Ahah, vous n’êtes pas ensemble depuis longtemps, ou monsieur est un distrait ? » Sa réplique me fige sur place et je sens mes joues se colorer de rouges. « O … on ne sort pas ensemble, en fait. »
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Son « Tu vas bien ? » accompagné d’un léger baiser sur la joue me remue l’estomac. Pourquoi ? J’acquiesce en silence, ne détachant pas mon regard du sien. Il ajoute à cela une petite vanne. Je ris faiblement puis secoue la tête. « Tu vas pleurer frangin, j’patine comme une pro. J’viens de Russie je te rappelle. » Je souris fièrement, mais au fond cela ramène de vieux souvenirs de mon père que je préfèrerais oublier. Nous nous approchons du cabanon à patin et Elias se commande une paire avant de me demander ma pointure. Et le vendeur qui en rajouter, allez vas-y que j’te fiche bien la honte bordel. Ça m’exaspère les gens comme ça. Je soupire et remarque les joues d’Elias, plus rosées qu’à leur habitude. Peut-être le froid. Je grogne. « 38 pour moi. Et mêlez vous d’vos oignons. Il a l’droit de pas connaître ma pointure et ce même si ça faisait cinq ans qu’on sortait ensemble. » J’attrape les patins qu’il me tend et les enfile, avant de me diriger sur la patinoire, bougonnante. « Celui là j’te jure. » Je passe un pied, puis l’autre, ça glisse tout seul, et je m’apprête à partir loin quand je songe à Elias. Je me retourne et l’attend, les mains sur les hanches. « T’es prêt Eli ? » J’ai tellement entendu les parents le surnommer comme ça que ça en devient une habitude pour mes oreilles, mais pour moi c’est une première, je n’ai jamais réellement osé l’appeler par son diminutif…
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Si ma réponse est douce, voire un peu timide, celle d’Aleks ne laisse pas le temps au charmant monsieur de souffler. Alors qu’elle s’éloigne après avoir râlé sur ce pauvre type, qui je suppose, voulait juste plaisanter un peu, j’attrape moi aussi mes patins. Je lance un sourire se voulant plus chaleureux que les mots de la jolie brune. « Oh, ne vous en faites pas. Elle est tout le temps comme ça. » je parle assez bas, pour qu’elle n’entende pas. Je n’ai pas envie de déclencher la troisième guerre mondiale cet après-midi. J’arrive à son niveau, alors qu’elle m’attend et qu’elle me sort le surnom que tout le monde utilise habituellement –sauf elle. « Eli’ ? » J’esquisse un sourire. Encore une preuve que ça change ? Qu’elle m’accepte enfin ? Enfin … je crois ? J’enfile à mon tour mes patins, hochant la tête. « C’est bon j’suis prêt ! » j’ouvre le petit portillon et désigne à Aleksandra la piste de glace. « Après toi. » Oui, parce que bon. J’ai beau l’avoir chambrée tout à l’heure, peut-être qu’elle, elle sait vraiment bien patiner. Moi pas.
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L’emploi de son surnom semble éveiller quelque chose en lui aussi. Calme tes ardeurs Aleks. Je me sermonne intérieurement. Mais rien n’y fait. Aujourd’hui j’ai envie de profiter. De m’amuser tout simplement. Parce que pour la première fois de ma vie j’ai réellement l’impression de faire partie d’une famille. J’entends tout au fond de moi mon petit diablotin qui ricane … T’es certaine que tu le considère comme un membre de ta famille ? Je fais rapidement taire cette fichue conscience et laisse un sourire planer sur mes lèvres tandis que je passe la petite barrière qu’Elias m’ouvre galamment. Je pose un pied sur la glace puis l’autre et une floppée de sensations oubliées remonte à la surface. La danse, la patinoire, les galas russes. Ce sont à la fois de beaux et d’affreux souvenirs. J’étais libre et comme un oiseau en cage. Un petit oiseau de glace que mon père a brisé. Ou façonné. Je ne sais plus trop, mais c’est de là qu’est né ce fichu caractère. Mais ça Elias l’ignore et je sais qu’il me voit comme un monstre depuis que l’on s’est rencontré. Et pourtant il s’évertue à vouloir me faire sortir de ma coquille de sale gamine. Et pour ça je lui en suis reconnaissante. La patinoire est de taille raisonnable mais il y a beaucoup de gens aujourd’hui. Et comme une gourde j’ai déjà perdu Elias. Je ne tarde cependant pas à la retrouver. Il n’a pas beaucoup avancé il faut dire. Je ris dans mon écharpe et m’approche, m’arrêtant à sa hauteur. Je le regarde les yeux pétillants de malice et lui tend une main, sans gant et donc un peu frigorifiée. « Besoin d’aide peut-être ? »
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Aleksandra s’élance, sans même se poser de questions. J’ose à peine faire un pas sur la glace pour ma part. Elle est magnifique. Elle à l’air absente, plongée dans ses souvenirs. J’aimerais tellement la connaître un peu plus, tellement être plus proche d’elle. Mais doucement. Un jour, un jour je sais que je pourrais enfin ce grand-frère que j’ai toujours voulu être. Ahah. Est-ce que finalement j’ai vraiment envie d’être son « frère » ? Est-ce que je ne demande pas … « un peu plus », finalement … ? Je mordille ma lèvre inférieure, tout en avançant maladroitement sur la glace, me cramponnant à la barrière. Elle revient sur ses pas, riant dans son écharpe. Se moquant sans doute de moi, mais … son rire est contagieux et me donne le sourire. Elle me tend une main. Une main qu’elle ne m’aurait certainement jamais tendu il y encore quelques mois. Je suis tout content. « J’en ai bien l’impression ! » J’attrape doucement sa main, bien plus froide que la mienne. « Tu patine super bien. Tu fais ça depuis longtemps ? » Je me montre peut-être trop curieux. Mais peut-être au contraire, que la demoiselle m’ouvrira un peu son cœur. Un peu.
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Ses doigts s’entrelacent aux miens et je sens un frisson d’électricité me parcourir. Bordel c’est quoi ce délire Aleks ?! J’ai failli la retirer mais je me suis abstenue, ça aurait parut encore plus bizarre. Elias me demande si je pratique le patinage depuis longtemps. Je hausse les épaules. « Hmm depuis toute petite. Danse et patinage vont de paire en Russie. » Je me mords la joue au souvenir du nombre de galas auxquels j’ai du participer. Et mon père qui n’était jamais assez fier de moi. Je repousse ces sombres pensées. « Mais j’ai arrêté en rentrant à Siloam. Trop de mauvais souvenirs. » Je le tire par la main pour le faire glisser doucement sur la glace. Un sourire narquois me monte aux lèvres. « On avait pas dit que c’était une journée adulte? Qui m’a refilé un mioche pareil. » J’aime bien l’esprit taquin qui règne entre nous, et je sais que parfois je dépasse les bornes mais c’est comme ça, c’est mon caractère.
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La Russie. C’est vrai qu’elle vient de là-bas. Ça m’amuse de me demander si toutes les russes ont un fort caractère, comme elle. Etant traducteur technique, je connais pleins de langues et juste quelques mots en Russe. Mais Aleks’ n’en parle jamais. Jamais. Sauf là, où elle a accepté de me dire quelques mots sur son passé. Elle me fait bien comprendre qu’elle n’a pas envie de ressasser le passé, ce que je comprends parfaitement, même si ma curiosité me pique encore. Elle tire délicatement sur ma main pour me faire avancer sur la glace. Et j’essaie de tenir l’équilibre. Sa remarque me fait sourire, je lui tire la langue. « Oui, bah excuse-moi, je pensais patiner mieux que toi, tu vois ! » Evidemment, je plaisante. Evidemment, je sais qu’elle est plus forte que moi, dans ce domaine là. Je regarde nos pieds, puis plonge mon regard dans celui de la demoiselle. « Puis ça va, pour un mioche, j’suis plutôt mignon, hm ? » J’essaie de me la jouer, de faire le pitre. Et je manque de trébucher. C’est fou, mais j’ai l’impression d’être Bambi, qui fait ses premiers pas sur la glace.
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Ce qu’il y a de bien avec Elias c’est qu’il répond du tac au tac. Il ne se vexe pas, il cherche juste à faire mieux que ce que je viens de faire. Au fond il est peut-être un peu comme moi ? C’est un garçon tout à fait sympathique et charmant. Et beau gosse. Cette dernière pensée m’échappe. Bref je suis certain que la fille qui l’aura sera comblée. Alors au lieu de le détruire à petit feu je ferais mieux de l’aider à trouver une belle blonde plantureuse. Sauf que tu préfères le garder pour toi. Ma conscience commence sérieusement à m’agacer. Je suis soulagée qu’il n’insiste pas pour la Russie. Au fond j’aimerais bien lui en parler, mais ce n’est pas le moment. Peut-être qu’un soir, si on a l’appart pour nous et que je me sens dans la confidence… Une toute autre image s’impose à moi. L’appart vide. Lui. Moi. Mais bordel il m’arrive quoi ?! Je commence à me faire peur moi-même. Je hais les hommes. Et je ne me taperais pas mon frère. Jamais. Je m’en fais la promesse. Il me regarde fixement et me demande si je le trouve mignon. Enfin en quelque sorte. Il choisi bien son moment lui. Il galère sur la glace et manque de tomber à plusieurs reprises, alors j’attrape sa deuxième main pour le maintenir en équilibre. Je fais une moue amusée. « Moui ça va… » Je ris doucement baissant les yeux. « Mais t’sais j’ai pas un avis objectif moi, j’suis ta sœur. » Pourquoi est-ce que je m’évertue à lui rappeler ça alors que je sais pertinemment que je ne le considère pas comme tel ? Je me mords l’intérieur de la joue et je marmonne. « Plis les genoux, tiens toi droit et regarde loin. »
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J’aime cet instant passé avec elle. Malgré le monde sur la glace, j’ai l’impression que nous sommes seuls. Je fais le pitre, j’essaie de la faire rire, d’être une espèce de petite bulle d’air pour la sortir de sa coquille. Seulement, à trop vouloir jouer les frères-amis, c’est quelque chose d’autre que j’aimerais atteindre chez elle. C’est vrai quoi, Aleksandra est superbe. Et puis moi, tout doucement, j’me prends au jeu. Mais je suis son frère. Son frère, c’est tout. Rien de plus. De toute façon, elle me fait bien comprendre qu’il ne se passera rien. Et heureusement qu’elle me remet à ma place, parce que … j’ai tendance à imaginer notre relation, en plus évoluée. Son « je suis ta sœur » me serre le cœur, je mords ma lèvre. « Ouais, normal du coup. » Mon ton est peut-être un peu amer, mais je ne m’en rends pas compte.

Je fais ce qu’elle me dit, genoux pliés, dos droit, regard au loin. Mais le plus loin que je puisse trouver, c’est ses yeux. Mon regard ne lâche pas ses iris foncés. Foncés, mais tellement beaux … Nos deux mains sont l’unes dans l’autres, et je ne la lâche pas. Primo parce que si je la lâchai, je m’étalerai par terre. Et deuxio, parce que j’aime beaucoup ce contact. « Et bien en tant que frère, je peux dire que ma sœur est très jolie. » J’esquisse un sourire. Mais à quoi je joue … ?
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Il ne rétorque pas grand-chose. Mais son ton semble un peu acerbe. J’ai dit quelque chose de mal ? Ça m’arrive tellement souvent que je ne m’en rends plus compte. Ou alors c’est mon imagination. Doucement mais sûrement je l’emmène avec moi sur la glace, évitant les gens un peu trop déséquilibrés, les groupes de patineurs. Je le tiens fermement, et nous avançons. Je sens son regard et de temps à autre je plonge mes yeux dans les siens, mais jamais longtemps. Je ne peux pas, ça me rend fébrile et je n’aime pas ça. Nous venons de terminer un tour de patinoire quand il déclare me trouver jolie. Je manque de m’étrangler et braque mon regard sur lui. Pardon ? Le rouge me monte aux joues, je suis totalement perdue. Ton imagination un peu trop débordante serait-elle partagée Aleks ? Un faible sourire étire mes lèvres. « Ouais tu dis ça pour rire. Dans deux jours tu me tire du lit et tu mets sur Twitter : regardez mon immonde petite sœur, le monstre de la maison, l’affreuse mégère… » Je m’arrête là parce que je sens que je vais aller trop loin. Je stoppe mes patins et nous arrête contre le muret, retirant prestement mes mains des siennes. D’un seul coup la magie retombe. Je me sens comme une espèce de pauvre déchet. Dans ma tête défile toutes les horreurs que j’ai pu dire ou faire à Elias depuis que l’on se connait. Je relève les yeux sur lui, avec un regard étrangement triste. « J’suis tellement désolée Elias. J’ai été une ordure avec toi depuis l’début. » Je mets ma main devant ma bouche pour ne pas qu’il me voit trembler. J’ai envie de partir en courant. Maintenant.
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Mon compliment semble ne pas avoir l’effet voulu. Pourtant, c’est bien une ébauche de sourire sur ses lèvres … et même si ses mots peuvent ressembler à de l’humour j’ai l’impression que ce n’en est pas. J’écoute, jusqu’à ce qu’elle s’arrête toute seule. Je ne comprends pas, il y a encore quelques minutes on riait et là elle … Nous sommes là, contre la barrière. Barrière à laquelle je me tiens d’une main pour ne pas tomber, m’étaler comme une crêpe. Et soudain, Aleks lâche des mots qui m’atteignent au plus profond de mon cœur. Elle s’excuse. Elle est désolée. Aleksandra est désolée. Alors ouais, ça me prouve que j’ai pas totalement tords de croire qu’elle puisse un jour rire comme les autres.

Je la regarde, sans rien dire. Je crois que c’est assez gênant pour elle, de dire ça, surtout à moi. J’attrape la main qu’elle porte à sa bouche, la lui serre doucement. Et dans un sourire je lui dis : « Tu sais au fond … je ne t’en veux pas. » Dire que ses paroles ne m’ont pas blessé serait un mensonge. Mais je ne lui en veux pas. Vraiment. C’est peut-être ça qui l’énerve chez moi. Je n’sais pas. Doucement je lâche sa main, pour lui appuyer sur le bout du nez. « Et puis regarde, on est là, tous les deux, à faire du patin à glace. Et présentement, il n’y a rien qui puisse me faire plus plaisir que ça. Et un sourire de ta part. » Le mien de sourire s’élargit encore, bienveillant. Protecteur.
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Il sait. Il sait que pour moi c’est difficile de m’excuser. Mais je suis d’une franchise incomparable, alors forcément si je m’excuse c’est que c’est véridique. Sa réponse me touche encore plus. « Je ne t’en veux pas. » Il n’en veut pas ? Après toutes les horreurs que j’ai pu dire ? Toute la méchanceté qu’il s’est prit de plein fouet. Il prend ma main tout en la serrant puis me touche le bout du nez, rougis par le froid. J’esquisse un sourire, ne comprenant pas la chance que j’ai de l’avoir à mes côtés. Ses paroles font naître un sourire un peu plus large et plus sincère encore que le précédent. Je hais les hommes c’est certain, mais il y en a un sur cette Terre que je peux aimer. Je me jette à son coup, posant ma tête sur son épaule, et je murmure contre son cou. « Merci Elias. Merci. » Je respire son odeur, cette odeur qui est devenue mon quotidien, qu’il trimballe partout dans l’appartement mais que j’apprécie particulièrement. Je reste là un bon moment jusqu’au moment où je sens que nous glissons et que l’on risque de se casser la gueule. Je m’écarte doucement et je le regarde. Je me sens soudainement totalement gênée. Je n’ai plus l’impression d’avoir un frère en face de moi, mais un homme. Un simple représentant de la gent masculine, pour qui j’éprouve au fond de moi une drôle d’attirance que je me refuse à admettre.
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Un sourire naît sur les lèvres de la demoiselle et elle se jette à mon cou. Je cligne des yeux, surpris. Agréablement surpris. Elle niche sa tête dans mon cou, et une nouvelle force s’empare de moi. Je veux la protéger, la protéger et l’ouvrir au monde. Je veux lui rendre un sourire sincère sur le visage, je veux la voir rire et peut-être même pleurer de joie. Mes bras entourent sa taille, et je profite de notre courte étreinte et de ses mots. Elle recule, pour nous éviter une chute certaine et je rattrape la petite barrière d’une main. Je souris toujours, comme un idiot. Je ne sais pas quoi lui répondre. Aleks’ qui me remercie ... j’ai l’impression de rêver. Et pourtant, c’est bien la réalité. Elle est bien là, en face de moi, soudain gênée par son attitude ; mais je la comprends. Jamais elle n’avait manifesté ce genre de comportement avec moi.

J’ai envie de la reprendre dans mes bras et de rester là, sur la glace, pendant des heures et des heures. J’ai envie de la faire rire, de la voir me traité d’idiot ou même d’imbécile. Mais j’ai envie de la voir se déchainer un peu, qu’elle extériorise tout ce qui la terrorise. Je lui souris. Encore et toujours. « Merci à toi. » Oui, merci à elle de me permettre cette entrée dans sa vie, de me permettre d’avoir un peu d’importance à ses yeux. Je me racle la gorge, regarde tout autour de moi. « On va manger une crêpe au nutella après, histoire de se réchauffer ? »

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J’ai l’impression d’être une autre personne, qu’un être maléfique s’est emparé de mon corps. Je ne suis plus la même Aleksandra et ça me sidère totalement. Je ne veux pas redevenir ce genre de fille fragile que j’ai été à une époque révolue. La ballerine russe c’est terminé. Mais je ne veux pas non plus gâcher cet instant, qui semble si précieux aux yeux d’Elias. Je me contente d’acquiescer et nous sortons doucement de la patinoire pour aller rendre les patins au vendeur. Je ne jette pas un regard à ce dernier qui nous a quand même bien collé la honte. La neige tombe doucement et nous déambulons dans les chalets de Noël. C’est l’époque de l’année que je préfère, peut-être parce qu’au fond je suis une fille du froid. Oui ça doit être pour ça. Nous sommes presque arrivés au chalet qui vend des friandises et tout un tas d’autres sucreries quand tout à coup nous croisons un type qui me dévisage et s’arrête à ma hauteur. D’un ton bourru il s’exclame. « Aleksandrrrra ! » Puis il déblatère une longue phrase en russe que j’ai du mal à saisir au début. Les mots se reforment comme un puzzle. Il rit d’un rire guttural, s’esclaffe puis me tend les bras de façon à ce que je vienne contre lui. Je recule, totalement ahurie. Je sens mon ventre se serrer. « Je t’ai cherrrrché pendant longtemps ma chérrrrrie. » Son fort accent russe ne trompe pas, et même si il semble plus sobre que la dernière fois que je l’ai vu je n’ai aucune envie d’aller le voir. Cet homme que je hais tant, qui m’a donné cette profonde aversion pour la gent masculine, cet homme que je n’ai pas vu depuis mes dix-sept ans… C’est mon père. Et je n'ai qu'une chose à lui dire. Un mot qui m'échappe, avec hargne. « Dégage. »
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Nous nous éloignons. Et Aleksandra reste silencieuse. Mon lacet se défait et je m’arrête quelques secondes pour le refaire, tandis que la demoiselle continue d’avancer. Je ne lui demande pas de m’attendre, je la rattraperai. Parce que je crois qu’au fond, j’aime bien lui courir après, même si c’est épuisant. J’entends une forte voix Russe, prononcer le prénom d’Aleks et je relève la tête, fronçant les sourcils. Ce même homme l’attrape dans ses bras, et elle s’en dégage hâtivement. Mon sang ne fait qu’un tour, je me redresse, pour venir à ses côtés, un peu devant elle, pas trop non plus. Je n’ai pas envie qu’elle croit que je la protège … même si c’est ce que je fais. Je m’adresse à l’homme. « Bonjour. » Puis je regarde Aleks, et avec un ton un peu plus adoucit. « Qui c’est ? » Un oncle ? Son père ? Je ne sais pas. Mais il a l’air de répugner la jeune femme à mes côtés. Je la sens aussi effrayée. Alors je reste là, à ses côtés.
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Elias est arrivé entre temps. En bon grand frère il s’est placé à peine devant moi. Je sais qu’il veut me protéger mais moi je ne veux pas. Je ne veux pas paraitre inférieure devant mon père, surtout devant mon père. Je le hais. Mes dents se serrent. Elias se demande à qui il a affaire. Pourtant il doit aisément le deviner. Un mélange de sentiments contradictoire m’envahit. J’ai honte, peur, je sens une haine qui me prend aux tripes, j’ai envie de fuir, de hurler, de frapper. Mais je ne fais rien de tout cela, je reste stoïque. Je murmure simplement à l’adresse d’Elias, les yeux rivé sur mon géniteur. « C’est mon père. » Ce dernier sourit en m’entendant puis reprend la parole. « Aleks, il faut que tu rrrreviennes en Rrrrussie. Que tu rrreprrennes la danse. » Je secoue la tête. Non mais il croit quoi ? Que je vais lui sauter dans les bras et repartir en avion avec lui ? Après tout ce qu’il m’a fait subir ? « J’ai pas parlé assez russe selon toi ? Dégage de mon chemin. » Je siffle, j’ai les yeux aussi noirs que l’enfer. Je le déteste, je ne veux plus le voir. Jamais. Il était censé être sortie de ma vie pour toujours et le voilà qui revient… Bordel.
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Le père d’Aleksandra se tient juste devant nous, roulant les « r », sifflant les « s ». Je ne le quitte pas des yeux, tandis qu’Aleks s’exprime rageusement. Mas ce type n’a pas l’air de vouloir comprendre, il n’a pas l’air de vouloir savoir qu’elle ne veut pas le voir. Il reste là, attendant qu’elle fasse un pas en avant. Mais je ne la laisserais pas faire. Parce que … j’ai bien entendu, il souhaite son retour en Russie, hein ? Mais la Russie … c’est loin. Bien trop loin de moi, pour que j’accepte de la laisser partir. Et quitte à ce qu’elle m’engueule de toutes ses forces, je prends la parole. « Ce n’est pas assez clair pour vous ? Elle ne veut pas vous voir. » J’attrape la main de la demoiselle. Non, je ne la laisserais pas partir ! Je la serre un peu plus que je l’aurais voulu. Puis je regarde Aleks. « Viens, on s’en va. » Qu’il essaie de la toucher. Qu’il essaie de s’approcher. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai l’impression qu’un dragon vient de se réveiller en moi. Je lance un regard plus que noir à l’homme près de nous. Va s’y, approche. Mon poing te saluera.
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Je croyais être entrée en plein cauchemar. Mon père de retour ? C’était impossible. Une nausée inexpliquée me montait des tréfonds de mon estomac. Ce n’était vraiment pas le moment. Et mon après-midi avec Elias qui était totalement gâchée alors que l’on commençait à peine à se comporter comme de véritables frères et sœurs. Je ne fléchissais cependant pas face à mon père. Puis soudain, alors que je ne m’y attendais pas, Elias prit la parole. Non il ne prit pas la parole, il prit ma défense. J’étais totalement prise de court. C’était tout bonnement… gentil de sa part. Bon d’accord ce n’était pas ses oignons à la base, c’était une histoire de famille. De mon côté de la famille. Mais après tout, ne faisait-il pas parti de ma famille ? J’étais touchée de son attention. Il attrapa ma main et m’intima de m’en aller. J’étais incapable de bouger, mais en voyant le visage contrarié de mon père je jugeais qu’il valait mieux déguerpir et ce pour le bien d’Elias. Je hochais la tête et crachait vers mon père. « Ne tente même pas de me retrouver. Je te hais, je préfèrerais que tu sois mort. » Je tirais Elias loin du regard noir de mon géniteur et nous nous faufilâmes comme deux anguilles silencieuses au milieu des cabanes de Noël loin de mon père et de mon passé qui revenait me hanter. Sortie du marché de Noël je m’autorisais enfin une pause et lâchant la main d’Elias j’éclatais en sanglots, me couvrant le visage de mes deux mains pour ne pas qu’il me voit.
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