"— Sometimes I don't get you. — You never get me. That's the howl point."

On dit que la vie n’est qu’une succession d’évènements. Qu’il faut simplement suivre la cadence pour ne pas être dépassé par le tempo. Mais ce tempo est parfois un peu trop rapide. On se perd dans les notes, entre les blanches, les noires, les dièses, les bémols… Si je devais résumer ma vie, je pense que je commencerais par le fait que je suis née deux fois. La première fois, c’est quand je suis sortie toute gluante et couverte de sang du ventre de ma mère. La seconde, c’est quand ma soeur m’a entraînée avec elle à Siloam Spring. Je suis persuadée que sans elle, j’aurais pourri à Bâton-Rouge pour le restant de mes jours.

Bâton-Rouge n’est pas spécialement un mauvais endroit pour grandir. J’avais des amis, une famille sur laquelle je pouvais compter… Tout allait pour le mieux. Le seul problème, c’était moi. Je n’étais pas faite pour cette vile tranquille où il ne se passait jamais rien. J’ai toujours eu cet esprit « rebel » comme dirait ma mère. Je me battais souvent avec les garçons, j’aidais mon père à réparer la voiture, je passais mes journées devant ma console… À croire que mon père avait pas choisi le bon spermatozoïde. J’aurais du être un garçon. À cette période j’aurais préféré être un garçon. Je n’ai jamais eu beaucoup d’amies. Je trainais plus avec ma soeur ou des mecs. Et c’est un soir, le soir de mes 15 ans, alors que je fumais une clope sur le toit de ma maison, que j’ai réalisé que je ne voulais pas changer. Je me suis promis de faire partie de ces femmes fortes qui prennent le contrôle de leur vie. J’ai dès lors décidé de vivre à la manière d’un homme : j’ai dressé un tableau de chasse et je me suis mise à collectionner les conquêtes. Ça marchait plutôt bien je dois avouer. Il faut croire que les mecs aiment bien les filles comme moi.

Ma vie à Siloam Spring n’est pas particulièrement trépidante non plus. Quand je suis arrivée, j’avais déjà arrêté mes études depuis deux ans. L’autorité, tout ça, ce n’était définitivement pas fait pour moi. Au collège déjà j’accumulais les heures de colle, les contrats de disciplines… Les profs me détestaient parce que je n’étais pas bête, juste insupportable. Alors dès que j’en ai eu la possibilité, j’ai quitté le lycée. Ma mère bien sûr n’a pas supporté et a supplié tous les lycée du coin de me prendre. Aucun ne voulait. J’avais ma petite réputation. En arrivant à Siloam Spring, trouver un travail n’a pas été si compliqué. Passionnée de voiture depuis ma plus tendre enfance, j’ai rapidement postulé dans le garage de la ville. Comme ils n’avaient que des emplois à mi-temps, j’ai également pris un poste au magasin de jeux vidéos. Le tout me faisait un quota d’heures semblable à celui d’un job normal, et je gagnais plutôt bien ma vie. Jusque là, ma vie n’était qu’un long fleuve tranquille qui suivait le sens du courant sans désagrément, je continuais mon tableau de chasse et je ne m’occupais pas vraiment du monde qui m’entourait. Je vivais dans ma bulle.

Puis un soir, ce soir. Le soir où ma soeur s’est faite violer, ce soir-là, je me suis juré que j’allais retrouver cet homme et l’écraser avec le moteur de la Berline sur laquelle je travaillais en ce moment au garage. Mais jusqu’à ce que je le retrouve, j’ai pris soin de Taryn du mieux que j’ai pu. Je n’ai jamais eu un instinct particulièrement affectif, mais avec elle c’est autre chose. Ma grande soeur, c’est toute ma vie. Seulement quand elle m’a annoncé qu’elle était enceinte et qu’elle voulait le garder, là je n’ai pas pu. Comment elle pouvait garder ce monstre ? À ce moment-là je me suis juré une seconde chose : après avoir tué cet homme, je n’aurais jamais d’enfant. Je n’avais jamais compris cet amour que Taryn a toujours eu pour ces trucs sur patte, mais là je comprenais encore moins. Puis je l’ai vu. Ce truc sur patte, son truc sur patte. Et là j’ai compris pourquoi elle voulait le garder. Il était beau, si beau… Je retrouvais ma soeur en lui. J’ai eu le coup de foudre pour ces petites joues roses et maintenant je le surprotège. Je crois que je suis même pire que ma soeur pour le coup.

Depuis la vie à repris son cours à Siloam Spring. Je suis toujours à la recherche de celui qui a osé salir Taryn, mais je ne m’arrête pas de vivre pour autant. Je continue de me salir les mains au garage et de m’abimer les yeux devant mon écran. Je ne lâche plus mon neveu et ma soeur n’en parlons pas. Je n’ai pas changé. Je suis toujours Genesis, le célèbre garçon manqué insociable. Mais disons que je regarde autour de moi différemment maintenant. Je vis toujours avec Taryn et son microbe, et soyons honnêtes, heureusement. Sinon, je mangerais pizza tous les jours et je vivrais dans une décharge.

« — Look at all those people down there. They follow the rules, for what ? They’re letting fear lead them.
— What happens if they don’t ?
— Life’s simple. You make choices and you don’t look back. » © Han - Fast and Furious 3