Depuis quelques mois Thélonie avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts et afin de payer ses factures elle avait été de se diversifier et donc de donner des cours de piano et de chants à différents habitants de Siloam Springs. Elle n’avait pas vraiment l’impression d’être une très bonne pédagogue, mais elle avait tout de même de nombreux retours positifs de la part de ses élèves ou de leurs parents, car elle faisait cours à quelques enfants. Naël Parker lui était loin d’être un petit enfant innocent, il s’agissait d’un bellâtre à la fortune apparemment colossale qui vivait dans l’une des plus belles villas de la région. Le garçon n’était pas du genre très bavard et beaucoup de rumeurs circulaient autour de sa richesse et de la façon dont il avait rassemblé autant d’argent… Mais la musicienne se fichait de ce genre d’histoires, elle en avait assez entendue lorsqu’elle vivait à Monaco et désormais elle ne faisait plus vraiment attention à ce genre de messes basses pleines de jalousies et de méchancetés. Quoi qu’il en soit l’attitude de son plus vieil élève avait-elle tendance à l’intrigué… La brune avait l’habitude des caractères méditerranéens et donc des hommes secrets et renfermés sauf que le milliardaire semblait en tenir une bonne couche. Hors elle était curieuse et bien déterminée à percer son armure.

Cependant ce jour-là elle n’avait rien prévu d’autre que ses cours et à cause du mauvais temps et de son bus elle arriva en retard d’une dizaine de minutes devant la résidence de son client.  Une fois sortie du bus la française tenta tant bien que mal de slalomer entre les gouttes d’eaux pour ne pas terminer complètement trempée et sa course folle la mena jusqu’au perron de la porte. « Merde » Lâcha-t-elle tout en passant sa main dans ses cheveux trempés et en regardant ses partitions trempées. Apparemment sa pochette n’avait pas remplit son travail et elle allait devoir utiliser tout son talent pour faire en sorte que ses enseignements ne soient pas trop inutiles. Soucieuse de son image et de sa réputation elle prit tout de même une demi-douzaine de minutes pour arranger ses cheveux et pour vérifier si son maquillage n’avait pas coulé. Ce n’est qu’après ces quelques contrôles techniques qu’elle commença à taper à la porte. Elle espérait que son hôte ne la ferait pas trop attendre car Miss Barelli n’avait aucune envie de passer ne serait-ce qu’une minute de plus sous ce temps de chien. Mais elle patienta tout de même quelques secondes avant que son hôte ne daigne rentrer sa clé dans la serrure et ouvrir la porte.

« Bonjour Mr. Parker je suis désolée d’arriver en retard, mais ce temps de chien ne m’a pas trop aidé. J’espère que vous allez bien ? » Dit-elle avec un léger sourire de circonstance et tout en tendant sa main droite en direction du jeune homme à la crinière fort élégante.  

Thélonie ne put s’empêcha de pousser un petit soupir de soulagement lorsqu’elle entra enfin dans la maison. « Je vais bien merci. » Dit-elle en souriant de façon un peu gênée. Même si elle avait vécu à Paris pendant plusieurs années et qu’elle avait donc eu affaire à la plus d’innombrables fois elle détestait avoir les cheveux humides. Sans un mot elle suivit son élève jusqu’à la cuisine puis d’une façon presque machinale elle attrapa sa longue chevelure brune et la roula afin de l’essorer… Ce ne fut pas efficace mais cela eut tout de même le mérite de l’apaiser. Elle enleva ensuite sa veste qu’elle posa sur le dossier d’une chaise. Puis pendant quelques instants elle se maudit, évidemment qu’elle aurait dû lui demander… Vu sa maison il devait forcement avoir une voiture ! Elle aurait dû lui demander cela lui aurait évité de se faire écraser les pieds par une horde de malotrus dans le bus et de prendre l’eau une fois dans la rue !

« J’y penserais ! Même si ce genre d’averse n’est apparemment pas fréquente dans la région… mais que voulez-vous les gens racontent que je suis un vrai chat noir. »

Bon la petite pianiste n’était pas aussi malchanceuse qu’elle voulait le faire croire, mais la fugueuse avait franchement été agacée par cette pluie soudaine. La brune commença ensuite à se masser les tempes lentement tout en fixant les partitions couvertes d’eau posées juste devant elle. Nael n’avait aucune chance de les arranger et de les remettre en état ! Quelle idiote ! Elle aurait dû les ranger dans une pochette en plastique ou même en carton. Bon en même temps vu son retard l’européenne n’avait pas vraiment pu s’organiser de façon très convaincante. Cependant elle n’était pas perdue pour autant, elle haussa les épaules et laissa s’échapper un petit rire afin de dédramatiser la chose ! D’un geste elle attrapa les partitions et les mis en boules avant de la jeter dans la poubelle juste à côté…

« Ce ne sont que des bouts de papiers ! Tout est dans ma tête. Et écoutez puisque vous m’invitez ce serait mal venu de refuser ? » Thélonie attrapa alors la bouteille d’eau minérale posée en face d’elle afin de se remplir un verre et de l’avaler presque cul sec. Toutes ces choses lui rappelaient le pays de son enfance.

« On m’a dit que vous étiez originaire de New York ? La Grosse Pomme ! La patrie du grand Frank Sinatra… New York New York ! » Chantonna-t-elle sur l’air de la célèbre chanson du crooner reprise plus tard par la grande Liza Minnelli.

[color=DodgerBlue]« Qu’est-ce qui vous a amené ici à Siloam Springs ? Ce sont deux univers très différents non ? »  

La musicienne fit la moue lorsqu’elle entendit la réponse de son élève, apparemment les rumeurs qui disaient qu’il n’aimait pas parler de son passé étaient bien vraies. Thélonie avait beaucoup être curieuse, elle ne l’était pas assez pour se lancer dans un interrogatoire digne d’un feuilleton policier qui aurait très probablement fait sortir Nael de ses gongs. Hors elle ne voulait pas l’embêter et encore pire prendre le risque de perdre son travail. Le New-Yorkais la payait bien et elle ne pouvait pas se passer de cette source de revenue si elle voulait s’offrir son propre appartement. Alors plutôt que d’enchaîner avec une autre question elle appuya sur le nez de son hôte avec son index et lui adressa un petit sourire malicieux : « On a tous nos petits secrets. »

Cela fut suivit par un clin d’œil assez enfantin puis elle effectua un tour sur elle-même tout en gardant son doigt appuyé au milieu du visage du blondinet… Puis elle l’éloigna afin de se rapprocher de la bouteille d’Evian, nonchalamment elle posa ses coudes sur la table et son menton sur ses poings afin de la fixer quelques secondes. Ha que de souvenir… Elle adorait les Etats Unis d’Amérique, mais pour elle aucun pays n’était aussi beau que la France.

« Il est vrai que l’accent français à un certain charme. Dommage que certaines personnes gâchent ce magnifique timbre en passant leur temps à râler sur tout et rien. Et j’ai encore du mal à réaliser qu’ici ces bouteilles coutent une fortune alors qu’on peut les acheter pour seulement quelques euros dans n’importe quel troquet parisien. »

Miss Barelli se remplit un nouveau verre d’eau et n’avala que quelques gorgées. Il n’y avait pas à dire c’était beaucoup plus… buvable que le liquide infâme qui sortait du robinet de l’appartement dans lequel elle squattait.  Elle savoura donc chacune des gorgées avant d’adresser un sourire énigmatique au Parker : « Mais je ne suis pas vraiment française. La France est ma terre d’adoption mais je suis née dans un autre pays… Si l’on peut appeler cela un pays. Haha. » La brunette aimait beaucoup Monaco même si l’attitude de certains milliardaires et l’arrogance de nombreux habitants avaient finis par la faire fuir et monter vers la capitale. Mais en dehors de cela elle vouait un véritable amour aux côtes Méditerranéennes et à la Principauté des Grimaldi. L’européenne posa son verre et jeta un coup d’œil en direction de la fenêtre… il pleuvait toujours et encore plus ! Finalement elle allait peut-être demander à se faire raccompagner…

Thélonie quitta ensuite la cuisine pour se diriger vers la salle dans laquelle se trouvait le grand et magnifique piano du richissime Nael et tout cela en chantonnant des parties de la chanson « New York ! New York ! » Et une fois devant l’instrument elle posa son royal popotin sur le siège et se tourna vers le jeune homme qui venait à peine de quitter la cuisine afin de venir la rejoindre.

« Ya-t-il un morceau que vous aimeriez apprendre ? »

Le choix de Nael n’était apparemment pas anodin. En effet Thélonie avait l’impression qu’en faisant cela il acceptait finalement de dévoiler quelques indices sur son passé. Ravie la musicienne de Jazz esquissa un sourire assez discret avant de s’asseoir tranquillement en face du piano. Silencieuse elle balança sa tête à l’envers et fixa le plafond quelques instants en essayant de se souvenir de la partition de la chanson demandées… Malheureusement bien qu’étant dotée d’une mémoire d’éléphant elle fut incapable de visualiser ce dont elle avait besoin. Surement parce qu’elle ne connaissait pas très bien ce groupe. Elle plongea donc sa main dans la poche de son jeans afin de sortir son smartphone et de chercher la fameuse partition sur internet. Cette recherche fut assez courte puisque la belle française n’eut aucun mal à trouver ce qu’elle chercher… Elle lâcha un soupire satisfait et se tourna vers son hôte :

« J’aurais préféré faire cela de tête, ça aurait été plus impressionnant et je serais surement passée pour une génie, mais malheureusement  le morceau que vous m’avez demandé ne fait pas partie de mon domaine de prédilection. Cela ne m’empêchera cependant pas de vous l’enseigner. Je n’ai qu’une parole… Donc ou en étions nous !?»

L’européenne posa ensuite son téléphone portable en face d’elle et commença à jouer en fixant les notes. La brune voulait maitriser un minimum le morceau avant de l’enseigner à son client, car bien que drôle et pétillante elle savait rester professionnelle et tentait toujours d’être la meilleure éducatrice possible.  Au fil des minutes Miss Barelli joua de plus en plus rapidement et ses gestes devinrent de plus en plus précis et de plus en plus assurés. Ce n’est qu’après cela qu’elle détourna le regard du piano afin de plonger son regard dans ceux de l’exilé New-Yorkais :

« Cela dit votre vision de l’amour est beaucoup trop pessimiste pour moi ».

Thélonie avait hérité de la joie de vivre de son grand-père, qui s’était notamment occupé de la majeure partie de son éducation musicale. D’ailleurs elle resta souriante un moment malgré l’air assez sérieux du beau blond qui lui semblait avoir un peu de mal à se dérider.

« Oh il y a encore un mois et demi j’aurais surement été d’accord avec cette vision. Mais il y a des chansons beaucoup plus gaies et toutes aussi belles qui traitent de l’amour et des relations humaines. Enfin j’ai toujours été de nature optimiste ! »

Cela fut suivit par un rire cristallin qui fut en partit couvert par la musique qu’elle était en train de jouer. L’artiste n’avait jamais vraiment comprit l’intérêt de se lamenter sur son sort et de déprimer pendant des mois… Forcement elle avait pleuré lorsque son homme l’avait abandonné du jour au lendemain, mais elle s’était dépêchée de se changer les idées et d’avancer… de trouver de l’argent et un nouveau logement.

« Je crois que c’est bon. Venez donc vous asseoir à côté de moi nous allons commencer la leçon. »