Si vous voulez mon avis, qu’on ne vienne pas me dire que la vie est un long fleuve tranquille. En un an – voire un peu moins – j’avais vécu plus de choses qu’en dix ans. Et depuis que cette petite chose grandissait en moi, ma vie était bien loin d’être tranquille ou quoi que ce soit d’autre. Ca faisait maintenant pratiquement trois mois que j’avais la sensation d’être une baleine échouée sur une plage déserte. Mon boulot me manquait, ma famille me manquait, ma vie sociale de jeune femme active me manquait et surtout, ce qui me manquait le plus, c’était un homme dans ma vie. J’aurais voulu partager cette expérience – de la grossesse – avec un homme – qui aurait été, par la même occasion, le père de mon enfant … mais c’était loin d’être le cas.

En partant de mon appartement ce soir-là, je claquais la porte au museau de mon chat Sushi qui miaulait tout ce qu’il savait. Ce chat savait parfaitement donner de la voix et j’avais déjà reçu plusieurs plaintes de mes voisins … je n’osais même pas imaginer ce qu’ils allaient dire lorsque ce ne serait plus les miaulements de mon chat qu’ils entendraient mais les hurlements de mon nouveau-né. J’en riais d’avance. Nous étions le soir de la Saint-Valentin et cela faisait déjà quelques années que j’avais cessé de haïr cette fête et de me faire des soirées solo devant un film d’amour de chiotte, coincée entre ma boite de mouchoirs, mon chat et le demi kilo de chocolat noir. J’avais compris que ça ne servait à rien de se lamenter parce que notre vie sentimentale était aussi vide que le compte en banque d’un SDF. Je m’étais fait une raison et je sortais donc boire un verre avec des amis qui étaient dans le même état que moi … ou alors je faisais mes gardes à l’hôpital. Bref, ce soir-là, j’avais un programme bien différent. J’avais reçu, quelques jours plus tôt, une lettre de notre tordu de maire, m’annonçant que j’étais conviée à une soirée Saint-Valentin spéciale Célibataires. Sur le coup j’avais ris puis avais décidé d’oublier cette soirée … mais les jours étaient passés, et je m’étais dit que ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée après tout, même si je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait.

C’est pourquoi j’étais légèrement nerveuse en arrivant devant les portes de l’hôtel. Ne cessant de faire tourner la clé entre mes doigts, je regardais une dernière fois ma tenue dans le reflet que me renvoyait la baie vitrée. Cheveux légèrement en bataille, robe noir qui moulait à la perfection mes formes et surtout mon ventre proéminant et un maquillage doux mais qui se voulait tout de même sexy. J’avais troqué ma paire de baskets contre de beaux stilettos noirs. Je respirais un grand coup avant de franchir les portes : «Ok ! T’es prête ma grande. Fais pas ta trouillarde, t’es sexy comme femme enceinte… » me dis-je à moi-même.

Lorsque j’entrais dans la grande salle, il n’y avait pas encore beaucoup de monde. Je jetais un coup d’œil à ma montre, je n’étais pourtant pas en avance. Une jolie blonde, élancée, se tenait prêt du buffet et décidais de me diriger vers elle. Tout était bien préparé, le buffet était immense et très bien garnis et bien sûr il y avait alcool à profusion. Je regardais les coupes de champagne avec envie, mais pour l’instant – comme depuis huit mois – je n’avais pas le droit d’y toucher. Je jetais donc mon dévolu sur un verre de jus de goyave. « C’est quand même très étrange comme soirée, vous ne trouvez pas ? Je suis à la fois toute excitée mais je me demande aussi ce qu’on nous réserve … puis ces clés … » dis-je à la jeune femme tout en brandissant ma petite clé en acier.

Tout le monde le sait. Je ne suis pas du tout romantique. Je ne sais même pas ce que ce mot signifie en vérité. Pourtant j'ai été amoureux – et je le suis encore – mais je n'ai aucune idée de ce que c'est la romance. Offrir des petits cadeaux, des bisous. Emmener l'élue de notre cœur au restaurant. Non, ce n'est pas mon truc ça. La saint Valentin ? C'est quoi ce truc encore ? Une belle connerie sans doute. As-t-on vraiment besoin d'un jour en particulier pour dire ou montrer à l'élue de notre cœur qu'on l'aime ? Je ne crois pas non. Une fête purement et simplement commerciale. Je vous vois venir d'ici en me demandant ce que je peux faire à la soirée de la saint Valentin. Eh bien c'est très simple en fait. Il y a toujours des femmes célibataires dans ce genre de fêtes prête à tout pour trouver leurs princes charmants. Malheureusement pour elle, je ne suis pas du tout le bon exemple en ce qui concerne le prince charmant. Je suis tout l'opposé même. Ce soir, j'avais juste envie de me changer les idées. J'avais beau avoir passé une nuit absolument merveilleuse avec Talya la nuit dernière, nous en étions toujours au même point. Impossible d'être ensemble. Ce soir, c'était la saint Valentin. J'aurais tellement voulu l'emmener faire une ballade à moto ou lui faire l'amour comme une princesse dans son lit mais non, elle était de garde ce soir. Dommage.

J'enfilais un vieux jean troué aux genoux, un tee-shirt noir et ma vieille veste en cuir par-dessus. J'allais tout de même me rendre à cette soirée. J'espérais bien trouvé une femme célibataire là-bas et peu farouche qui accepterait de passer un moment fort agréable avec moi. Ou sinon un bon verre de scotch dans le pire des cas. Ça faisait quelques semaines déjà que l'on voyait les vitrines décoraient pour cette grande soirée. Des cœurs partout. Du rouge, du sexy, du glamour. Dans la rue, un homme m'abordait pour savoir si je désirais une rose à l'élue de mon cœur. Une cigarette à la bouche, je lui lançais un regard noir. « jsuis pas amoureux. » lançais-je avant de continuer ma route. Bien évidemment, c'était faux. J'étais amoureux mais malheureusement, je ne pouvais pas être officiellement avec la femme que j'aimais. Ça me faisait vraiment chier. Si j'aurais pu quitter ce foutu club du jour au lendemain, je l'aurais fait sincèrement. Mais non. Tant pis, je trouverais une autre solution de toute façon.

Il y a deux jours, j'avais reçu un cadenas dans ma boite aux lettres. Une lettre l'accompagnait qui expliquait qu'une femme ce soir avait la clé de ce cadenas. Étant très curieux – voir trop même – de nature, je voulais savoir qui était cette femme. Je venais d'arriver à la soirée. La vache ! Il y avait pas mal de monde déjà. Comme à mon habitude de ce genre de soirées, je me dirigeais vers le bar. « une bière s'il vous plait !! » Demandais-je au serveur. D'un coup d'oeil rapide, je balayais la salle du regard. Il n'y avait pas grand que je connaissais. Ni Talya, ni Azalyne. Ah si, il y avait Taryn au fond de la salle. À une époque, Taryn et moi couchions régulièrement ensemble. Elle était un peu ma maîtresse en fait. Prenant mon verre, j'en buvais une gorgée et vint rejoindre la demoiselle. « bonsoir. Je ne pensais pas te trouver ici. » Je ne pus m'empêcher de remarquer son gros ventre. Je restais un peu perplexe mais content de connaître quelqu'un parmi cette foule.

La musique, que diffusaient les enceintes, était entrainante, lascive et me mettait quelques images langoureuses en tête. Mon portable vibra dans ma pochette, ma mère m’envoyait un nouveau message en me demandant si j’avais mon prince charmant pour la soirée. « Pas de nouvelle de lui depuis que tu m’as posé la question hier maman ! » répondis-je rapidement avant de glisser mon téléphone à sa place. Je ris tout en buvant une nouvelle gorgée de mon délicieux jus sans alcool. Plusieurs personnes entrèrent dans la salle tandis que je discutais avec la jolie blonde – qui n’aurait sans doute pas de mal à se trouver un toy boy pour la nuit. Un tatoué entra et se dirigea vers un second buffet, un peu plus en retrait, que je n’avais pas remarqué avant. Il dit quelque chose, mais impossible de l’entendre avec le brouhaha ambiant. Tout en regardant les tatouages qui tapissaient ses bras, je me dis que les hommes « encrés » étaient sexy et dégageait ce « je ne sais quoi » qui pouvait me faire vibrer. Un second homme, vêtu d’une veste en cuir, un beau brun, se dirigea vers « l’homme-peint » et se mit à discuter avec lui. Est-il possible que l’un d’eux soit le propriétaire du cadenas que déverrouille ma clé ?

Soudain, une voix connue, qui s’adresse à moi, m’interrompt dans mon questionnement. « bonsoir. Je ne pensais pas te trouver ici. » Je me tourne pour lui faire face, faisant attention de ne pas renverser mon verre. Liam se tient face à moi et je ne peux m’empêcher de sourire. Comme toujours, Liam porte des vêtements qui ne sont pas vraiment approprié pour la soirée, mais cela ne fait qu’en rajouter à son charme de bad boy. J’ai succombé à son charme, il y a quelques temps, jusqu’à ce que je tombe enceinte et que j’arrête toutes ces conneries. Mais j’ai été faible et j’ai craqué, quelques semaines avant. Je rougis en songeant à la soirée que nous avons passé. « Salut Liam. Je ne pensais pas non plus te trouver ici. C’est pourtant pas ton genre de soirée … » Lui dis-je, un sourire sur les lèvres, tout en posant ma main sur son bras. Je suis tactile, impossible de me contrôler avec les gens que je connais et apprécie. « Tu as ton cadenas ? » Ca serait vraiment le comble, que ma clé ouvre son cadenas… Non pas que ça me dérangerait de finir la nuit avec Liam, mais après tout, si nous avions mis fin à notre liaison, ce n’est pas pour rien. « Imagine un peu que je sois celle qui ouvre ton cadenas … » Je ris tout en posant une main sur mon ventre. Non seulement j’ai une faim de loup, mais le bébé bouge dans mon ventre. Et je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil vers les deux hommes qui discutent vers le second buffet. Celui à la veste en cuir dégage vraiment quelque chose … Mon regard glissa vers une jeune femme qui faisait son entrée dans une somptueuse robe rouge qui lui allait comme un gant : « Je suis jalouse ! » pensais-je avant de reporter mon regard sur le brun au fond de la salle.

Tout compte fait, cette soirée de la saint Valentin ne s'annonçait si minable que cela. J'aurais pu espérer tomber sur n'importe quelle femme ce soir qui accepterait que j'aille la baiser dans un soin de la salle où se déroulait la fête. Mais au lieu de cela, j'avais reconnu Taryn. Elle était facilement repérable depuis qu'elle était enceinte. Mais cela ne lui enlevait rien à son charme. Autrefois, nous étions des amants parfaits. Nous nous retrouvions très souvent chez elle ou chez moi pour baiser comme on aimait le faire. Et puis du jour au lendemain, plus rien. C'était comme si elle avait disparue de la circulation. Je ne suis pas le genre de mecs qui aimaient se prendre la tête. Je m'étais dit qu'elle avait sûrement rencontré un beau mec qui aurait su la combler et l'aimer plus que moi je ne le ferais jamais. Il y a quelques jours, Taryn avait de nouveau succombé à mes charmes. Nous nous étions retrouvés dans une vieille chambre d'hôtel afin de baiser comme nous le faisions autrefois. Et je dois dire que baiser une femme enceinte était une première pour moi. Mais c'était agréable. Elle avait des idées pleins la tête et je n'avais absolument pas été déçu de notre petite soirée ensemble. Mais ce soir, elle était ravissante avec sa robe de femme enceinte. C'est vrai que je faisais un peu tâche dans le décor avec ma tenue pas du tout raccord à la soirée. Les smokings, c'est pas trop mon truc en vérité.

Une jeune femme venait de rentrer dans la salle. Une magnifique robe sur elle, je reconnaissais – encore une fois – Eden. Elle aussi avait été ma maîtresse et elle l'était encore parfois. Nous aimions bien nous retrouver pour s'envoyer en l'air de temps en temps. Bref. Taryn me demandait ce que je faisais ici. « Eh ben j'ai été invité et je suis curieux quelle fille détient la clé de mon cadenas. » En prononçant ses paroles, je sortais mon cadenas de la poche arrière de mon jean. Si c'était elle qui avait la clé pour ouvrir ce maudit cadenas, nous allions bien nous amuser ensemble. Et puis quand bien même si elle ne l'avait pas, nous nous amuserions quand même de toute façon. Je lui prenais la clé de ses mains et essayais d'ouvrir ce cadenas. Mais non, ce dernier ne voulait pas s'ouvrir. « Ah bah je crois que ce n'est pas toi que l'on m'a désigné. Mais ne t'en fait pas, on pourra toujours s'amuser si tu veux. » Lui disais-je en passant mon bras par-dessus mon épaule. Je ne cessais de repenser à notre nuit l'autre jour. Ça avait été torride. Très torride même. Je ne savais pas qu'une femme enceinte avait de telles envies. « T'es vraiment toute en beauté ce soir. Tu sais qu'autrefois, tu m'aurais trainé jusqu'aux toilettes pour que je t'envoie directement au septième ciel ma jolie. » Bien sûr je la taquinais. C'était le passé désormais. Pour une fois, je ne pensais pas à Talya. Ah bah si ! Raté ! Elle devait bien s'ennuyer au travail, surtout un soir pareil.

La Saint Valentin. Personnellement, je l’ai toujours passé avec Aedan. Alors, ça ne me change pas vraiment. D’ailleurs, je passai quasiment tout les autres jours avec Aedan. Alors le quatorze février était un jour comme tous les autres, pour moi. Mais pas aujourd’hui. Alors que je sortais du lit, toute confuse par le sommeil, je pris une lettre de la table du salon. Je l’ouvris et la lis. Il y avait avec un petit cadenas, qui était en argent. Enfin, à quoi pouvait-il servir ? Peut-être que quelqu’un en a la clé. Et alors ? Il y a quoi, à y gagner ? Le cœur d’Aedan ? Nan, certainement pas.

Bon, tant qu’il y a du temps à perdre, je suis tranquille ! Je ne bosse pas aujourd’hui. Nan, je suis tranquille. Bon, on a qu’à y aller ! Je prends mon petit déjeuner, et pars m’habiller. Quitte à le faire, le faire au moins bien. Je file dans la salle de bain, prête à ma toilette quotidienne. Je commence à remettre en compte mon envie d’y aller. Mais bon, faut bien sortir un peu, parce que rester chez soi, c’est mener une vie asociale. Et ce n’est pas vraiment mon but.
Bon, Lizzy, force-toi un peu. Ce n’est pas bien, t’es pas sortie de la semaine. Bouge tes fesses, maintenant !

Ma conscience a raison, il est temps de sortir de mon trou. Toute une ville s’offre à moi, c’est le moment. Je rentre dans ma chambre, une fois légèrement maquillée. Je ne veux pas me faire passer pour la reine du maquillage. Je commence à ouvrir mon dressing, et rien pour la Saint-Valentin. J’ai pas mal de robe, mais sans plus. Souvent, ça veut dire « Shopping » ! Je mets donc une robe prise au hasard, et sors de chez moi.

Arrivée dans une première boutique, je regarde leurs robes. Il m’en faut une rose, avec des volants et des nœuds. Comme chez les princesses Disney, mais en plus réaliste. Et sans doute pas aussi longue. Sinon je tombe. Enfin, ils n’ont donc rien qui correspond à ma demande. Je sors de la boutique, d’un pas pressée.
  « Haaan, y’avait  rien pour moi, ici ! »

Je pars donc à la recherche d’une autre robe. Je rentre dans une autre boutique. Bingo, je l’ai vue, elle est parfaite. Je demande donc le prix, et file l’essayer. C’est dans mon budget, et elle me va bien. Bon,  je sors donc ma carte magique. Une fois achetée, je sors d’ici.
Je rentre chez moi, me changes, et revois mon maquillage. Je suis prête. Oh, j’ai failli l’oublier. Oui, j’emporte ce cadenas avec moi. Oui, parce que même si il n’a rien au bout, je veux quand même savoir qui détient cette putain de clé.

Je rentre dans la salle, d’une couleur rose bonbon (comme ma robe, en fait). Je commence à me diriger vers le buffet. Je prends une coupe de champagne, mais ne la boit pas tout de suite. Par contre, les petits plats vont me voir passer.

«  Bon, je chercherais le détendeur de mon cadenas plus tard. J’ai d’autre priorité !»

Je regarde le buffet. Ce n’est pas bien, mais je parle la bouche pleine. D’ailleurs, je me parle toute seule. Et il est super, mon monologue.  Je reprends un petit four, et boit une gorgée de champagne. Finalement, cette fête est peut-être géniale !

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