Pour la jeunesse, le bonheur c'est jouir. Ne pas souffrir est le bonheur de l'âge. Un beau soir l'avenir s'appelle le passé. C'est alors qu'on se tourne et qu'on voit sa jeunesse.

Je m'appelle Claire Garnier. Je ne sais pas pourquoi mes parents m'ont affublés de cet horrible deuxième prénom qui est Prune. "Prune"... J'aime même pas ça en plus. Il parait qu'il me vient de ma grand mère maternelle, qui est morte même pas un an avant ma naissance. Mes parents ont considéré que ce serait un "hommage" de me donner son prénom. Mais je crois bien même que maman aurait voulu me nommer comme ça à la place de Claire. Je remercie mon père de ne pas s'être laissé faire ! De toute façon, maintenant ça m'est égal, je ne l'utilise jamais. Sauf pour les papiers d'identité.
Je suis née en Avril, à Paris. Pile au moment ou tout est moche dans la rue, parce qu'il y a des flaques et de la boue, qu'il fait encore pas assez chaud pour être en t-shirt et pas assez froid pour mettre un manteau en laine. Cependant, je considère que, malgré tout ça, Paris est la plus belle ville du monde (mais ça, c'était avant que je ne voie les États-Unis).
Ce n'est pas pour me vanter, mais je fait partie de la haute société. En effet, mes parents tiennent une industrie de textile, qui est relativement connue, du moins en France. C'est une entreprise familiale, puisque mon père la reçue en héritage de ses parents, qui la tenaient eux mêmes de leurs parents, et de leurs parents...

J'ai un frère. Un frère ainé, qui a deux ans de plus que moi. Malgré cette différence d'âge, nous nous ressemblons comme deux gouttes d'eau, et on nous à plusieurs fois fait remarqué que nous pourrions être jumeaux. Mon frère, je l'adore. On ne se dispute jamais. Pourtant, nous avons tous les deux un caractère explosif. Nos disputes, se sont en général nos parents qui en font les frais. En fait, on aime bien se liguer contre eux, pour rire. Ils ne comprennent pas toujours le lien qui nous unit tous les deux, et nous n'avons d'ailleurs jamais essayé de leur expliquer.
Tous les deux, nous aimons faire des blagues aux gens de notre quartier. Exciter le chien des voisins, se cacher derrière les haies pour faire peur aux passants. De vrais enfants terribles, si vous voulez mon avis. Bien sur, des gens se sont déjà plaints, et nous nous sommes fait punir, mais cela ne nous empêchait pas de recommencer. Tous les gens que nous connaissions nous appelaient les jumeaux quand ils nous voyaient. Nous n'avons jamais essayé de les démentir.

A 16 ans, je prend la première fois l'avion. Après avoir tenté de persuader maintes et maintes fois mes parents que ce serait tout bénéfique pour moi cette colo en Angleterre, ils ont enfin fini par céder. Au moins, cet été, je pourrais perfectionner encore plus cette langue qui me plait énormément, l'Anglais.

La bagarre avait éclaté tellement vite, que je n’avais pas réagi tout de suite. Quand j’avais pris conscience de ce qui se passait, je n’avais cependant pas hésité une seconde. Quittant mon poste d’observation, je courus jusqu’aux deux assaillants, et avec un cri de protestation, j’avais agrippé le bras de l’un de mes deux camarades, et je l’avais tiré en arrière. L’autre, voyant son adversaire en position de faiblesse lui sauta dessus. J’appelais en renfort les autres garçons qui regardaient, étonnés, la scène. L’un, plus débrouillard que les autres, vint à mon secours sans plus attendre et le ceintura. Ils continuèrent à se débattre, mais ils étaient seuls contre tous, et ils cessèrent bientôt de gesticuler dans tous les sens, devenant de plus en plus pâle en fonction des minutes qui s’écoulaient. Ce n’était que des gamins. Nous les relâchâmes lorsqu’ils furent calmés, et ils détalèrent aussi vite que possible, chacun suivi par un petit nombre de condisciples qui, en soutenant le chef de leur petite bande, avaient involontairement causé un combat. Seul celui qui m’avait aidée resta à côté de moi. Il me regardait en souriant, puis me félicita d’être intervenu. Il ajouta que ce seraient pour eux une bonne leçon, surtout qu’elle leur avait été administrée par une fille. A cela, je m’abstint de répondre et, voyant que je ne disais rien, il partit rejoindre les autres. Je me retrouvais ainsi seule au milieu du terrain. C’est alors que je l’ai vu. Il n’était pas intervenu, mais il avait probablement tout vu. Adossé contre un mur du bâtiment, il regardait dans ma direction. Ces yeux m’attiraient comme un aimant. Tranquillement, je m’avançais alors vers lui. Il me regardait venir avec perplexité. Pas cette perplexité que l’on a lorsque quelque chose nous intrigue, non, plus tout une… perplexité heureuse. « Des gamins » dis-je, avec un précieux sourire sur le visage « Au fait, je m’appelle Claire ». « Daniel. Enchanté » répond-il de la même façon. Ainsi eu lieu notre première rencontre. Dans une colo en Angleterre.

Des années ont passé, et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. D’abord, je suis rentrée à Paris après trois semaines passées en Angleterre. Trois semaines magnifiques. Je ne rentre pas seule. En effet, l’adresse et le numéro de Dany sont inscrits dans mon téléphone. De plus, j’ai des souvenirs plein la tête.
Ensuite la vie a repris, comme avant. Enfin, non pas vraiment. Au fur et a mesure, je me rend compte que je suis de plus en plus amoureuse de ce garçon. Pas un jour ne passe sans que nous ne soyons en contact. La relation à distance ne me fait pas peur.
Ensuite encore, il y eut les examens, le bac. Et puis l’arrivée de Dany en France, non pas pour y rester, mais pour me demander de l'accompagner chez lui, à Siloam Spring, notre déménagement en Amérique contre l’avis des parents, les études pour devenir instit, le premier appart loué à deux, les voyages, le départ de mon frère en Australie –appris par le biais de mes parents-… Et la fausse couche. Un premier malheur parmi tant de moments de joie. les premiers vrais pleurs versés, les premiers moments de doute quant à notre futur. Une épreuve que nous supportions à la fois chacun dans notre coin ou dans les bras l’un de l’autre. Pourtant, j’étais à fleur de peau, et je m’énervais souvent, trop souvent, et pour n’importe quoi.

Heureusement, aujourd’hui, cette période est derrière nous, même s'il m'arrive d'y penser encore et toujours. Cette pensée ne s'en ira jamais, mais le soutien de Dany m'est d'une grande aide. Ensemble, nous avons appris à nous reconstruire. J’ai compris que, malgré tout, je ne me voyais pas continuer à vivre sans lui, parce que je l'aime c'est tout. La preuve, l'on vient d'annoncer notre mariage, et je suis de nouveau enceinte depuis quelques semaines. Cette dernière nouvelle aura été difficile à apprendre, mais, après cris et crises de larmes, j'ai enfin compris que j'avais une nouvelle chance. Il ne restait plus qu'a aller chercher les affaires que mon fiancé avait pris soin de garder chez ses parents, et à nous occuper de trouver des prénoms, la décoration appropriée, les jeux, les affaires, et les préparatifs de mariage qu'il ne fallait pas oublier.

8 mois de grossesse et 8000 litres de jus de pamplemousse, boites de thon, pates au camembert, caprices en tout genre, me voilà alitée chez moi, plus impatiente que jamais. Je trainais, je ne trouvais rien à faire, je restais allongée la plupart du temps les yeux dans le vide, m'ennuyant à moitié, l'autre réfléchissant à toutes les choses qui bientôt nous arriveraient en masse. Je n'avais pas réussi à faire repeindre toute la maison en rose à Dany, pas réussi à apprendre à cuisiner des pates, pas réussi à me séparer des peluches que je gardais toujours dans le lit, et pas réussi non plus à faire virer sa meilleure amie de nos vies, mais j'étais heureuse. Tout était prêt.
Adieu mauvais temps, c'est une autre vie qui s'offre à nous maintenant !