JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Ça fait plusieurs jours que je suis à la caserne. En fait, après mes quarante-huit heures habituelles, mercredi, je me suis porté volontaire pour prendre les heures d’un des gars qui a quitté pour congé de paternité. Alors ils m’ont fait rester pour quarante-huit heures de plus. En me réveillant ce matin après quatre heures de sommeil, je me dirige vers la salle de bain et je constate les cernes sur mon visage dans le miroir. J’ai vraiment une mine pourrie ces derniers temps, et le fait de ne pas avoir pris mes jours de congé ne m’ont sans doute pas aidé. Je fais mes trucs habituels puis prends ma douche, pour finalement me diriger vers la salle commune, en uniforme et prêt à finir ma journée. Il me reste encore quarante minutes avant de partir. Je m’allonge sur le canapé inconfortable qui me donne mal au dos – pas bien compliqué, je crois que tout le mobilier ici me cause des maux de dos. Pendant quelques secondes, j’hésite à regarder mes messages. Je ne sais pas si Azalyne m’a écrit ou appelé depuis le début de la semaine. À vrai dire, je n'ai pas touché à mon téléphone depuis mon entrée dans la caserne.

Elle n’a sans doute pas le temps pour ça, de toute façon. C’est ce que je me dis, car après tout elle a rencontré quelqu’un. Me remémorer cette journée est un peu comme du sel dans une plaie, et heureusement je peux chasser les images de la belle infirmière de mon esprit lorsqu’un de mes collègues arrive et m’annonce que je peux partir plus tôt. Je me lève d’un bond, et le remercie avant d’aller préparer mes affaires. Je me change, laisse mon uniforme ici et troque le tout pour un pantalon couleur argyle et un t-shirt blanc. Je constate alors que je devrais bientôt me mettre à faire la lessive, un autre truc que je n’ai pas fait depuis la dernière fois où j’ai vu Aza.

Je sors de l’édifice en briques rouges et me dirige vers ma voiture. Je lance mon sac de sport à l’arrière, puis démarre et me promène un peu en ville avant d’apercevoir la boulangerie.  J’hésite un instant à m’arrêter, il faut dire que je commence à avoir faim et un croissant ne serait sans doute pas mal. Je me gare finalement dans le minuscule parking devant la petite boutique et descend de la voiture. Je me demande si je vais croiser Nyméria, la propriétaire. J’ai pris l’habitude de lui parler un peu à chaque fois que je passe chercher de quoi manger pour Aza et moi, mais voilà, comme il n’y a plus que Moi, ma routine a quelque peu changé ces derniers temps. Je me sens un peu mal, surtout que la dernière fois, notre conversation s’était un peu éternisée et j’avais dû y mettre un terme avant de passer une heure à discuter avec elle. Pas que j’aie détesté ça de toute façon. Elle est plutôt jolie, et en plus ce qu’elle fait est délicieux.
J’ouvre la porte et j’entends la petite cloche tinter, me tirant de mes pensées. Il n’y a qu’une employée, une jeune femme. Je ne la reconnais pas sur le coup, puis finalement je reconnais la jeune femme à qui j’ai parlé lors de mon dernier passage. Je souris poliment avant de m’avancer vers le comptoir. Je parle doucement, puis je réalise qu’il est à peine sept heure trente et qu’il n’y a pas un chat dans la boutique. Ce qui est tout à fait normal. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi elle ouvre aussi tôt.

« J’avais promis que je reviendrais, donc me voilà. » Mon regard pâle croise le sien, puis je regarde mon reflet miroiter dans la vitrine. Je ne dois sans doute pas paraître à mon meilleur devant elle, avec mes cernes et mon air fatigué. « Je vais te prendre une boîte de croissants, s’il te plaît. Et un seul café, celui avec de la crème. » Je souris gentiment, même si au fond ça me rend triste de lui mentionner un truc comme ça. Je regarde dehors, puis la boutique vide. Je continue, parlant doucement. « J’aurais pris pour emporter, mais en fait j’ai rien de prévu pour la journée. » Ce qui n’est pas faux. Je pourrais très bien retourner chez moi avec mes croissants et mon café et regarder des séries à la télé, mais il est tôt, et j’ai pas envie de m’isoler tout de suite. Après tout, je crois bien avoir dit que je voulais recommencer à voir des gens?

© EKKINOX

JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Je souris en regardant la jeune femme s’affairer à préparer ma commande, et lorsqu’elle se met à me parler d’Azalyne, une ombre passe dans mon regard. Je n’ai pas envie de penser à elle, pas ce matin. Je regarde donc Nyméria et lui dit en souriant, quoi qu’un peu gêné d’avoir à en parler. « Disons juste que c’était compliqué. » Et c’est la façon la plus simple de résumer l’histoire. Je n’ai jamais vraiment parlé de ma relation avec Azalyne à la jeune femme, simplement parce que je ne la connais pas trop et aussi parce que je ne vais pas gueuler sur tous les toits que je suis amoureux d’une fille qui me considère comme son meilleur ami.
Je regarde la brunette qui me guide vers un petit espace-repas, et je la regarde disparaître un moment. Je constate qu’elle ne m’a pas donné mon café, mais elle réapparaît rapidement avec deux cafés et un pain au chocolat. Sa question me fait rire, et je lui fais signe de s’asseoir devant moi.

Je regarde la boîte de croissants et en saisit un, me disant que je ne mangerai certainement pas tout ça. Je remarque qu’il y en a six dans la boîte et je souris, regardant Nyméria. « Tu sais, t’as pas à t’inquiéter. Je mange autre chose que des croissants… » Je referme la boîte et réfléchis un instant, ne sachant pas vraiment quoi dire devant elle. Je baisse les yeux, et regarde la table. On dirait un mauvais plan de drague. Je lève finalement les yeux et regarde la jeune femme devant moi. « Désolé, je viens de passer quatre jours enfermé. Je dois avoir l’air horrible. » Je me passe une main sur le visage, et finalement dans les cheveux. Je grimace, il faudrait vraiment que je pense à les couper. Je prends mon croissant et le déchire en morceaux, jetant un œil à Nyméria. « Tu vas bien, toi? » Je ne sais pas quand on a décidé de se tutoyer ni quand ce genre de questions sont devenues normales entre nous, mais ça fait du bien d’avoir une discussion avec un être humain qui ne fait pas partie de ma famille, de mes collègues ou qui n’est pas Aza.

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JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Je souris du coin des lèvres en entendant la remarque de Nyméria. Un de ses clients les plus fidèles? Il est vrai que je passe pratiquement tous les jours, et que j'achète pas mal n'importe quoi. Je réalise que peut-être cela pourrait effectivement porter à confusion sur mes talents culinaires.
Je fronce les sourcils en entendant la jeune femme parler de ses cauchemars. Elle dit avoir de la difficulté à dormir. Je connais la situation par cœur pour l'avoir vécue plus d'une fois. Parfois, on voit des trucs tellement horribles sur le terrain qu'ils nous collent dans la tête pendant des jours. Observant la brunette, je la regarde d'un air compatissant, et en l'entendant me dire qu'elle est contente de ma visite, je me sens un peu gêné. « J'espère que ça te passera vite alors. Et tu sais, j'ai pas mal de temps libres depuis quelques temps... Enfin quand je travaille pas. » J'essaie de me justifier, j'ai quand même pas envie qu'elle pense que je la suis ou que je viens ici que pour la voir. Elle est sympa et très jolie, mais bon. Tout est trop compliqué.

Je ne remarque aucunement le regard qu'elle me lance, heureusement car j'aurais sans doute pris la fuite. Au contraire, je l'écoute me demander de l'aider avec ses boîtes avec un léger sourire moqueur aux lèvres. Je roule les yeux, faussement découragé. « Vous, les femmes, vous êtes vraiment pas possibles. » Je ris doucement et la regarde. Ça ne me dérange pas de l'aider, ce n'est pas quelques caisses qui vont me tuer, malgré les conseils du kiné. Je soupire et prends une gorgée de café. Je termine mon croissant, laissant les autres dans leur boîte pour un autre moment.

Mon regard croise celui de Nyméria. Je pointe la boîte, l'air moqueur. « Par contre, on m'achète pas ainsi. Mais c'était bien essayé quand même, hein. » Je me lève et m'étire pour la centième fois du matin en retenant une moue. J'espère que ses caisses ne sont pas si énormes. Je me tourne vers la jeune femme et croise les bras. « Donc, elles sont où ces méchantes boîtes? » Je pense surtout à me débarrasser des travaux manuels le plus rapidement possible. On verra bien, si la boutique est toujours déserte je pourrais bien rester pour un autre café..

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JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Je la suis dans la mystérieuse pièce qui n’est pas si mystérieuse que ça, en fin de compte, et j’aperçois les caisses. C’est vrai qu’elles sont quand même pas mal grosses. Je prends la peine de regarder un peu plus autour, et vois que la pièce est un peu comme un atelier d’artiste, avec des croquis et des notes. Je reporte mon attention sur Nyméria, et je souris en l’entendant me dire de ne pas me faire mal. C’est plutôt drôle entendre quelqu’un qui me connait à peine me dire ça. « Ne t’en fais pas, j’ai vu des trucs bien pires que ça. » Je m’approche des caisses et en saisis une. Je retiens une grimace dû à mon dos plutôt amoché et je commence ma petite tâche, silencieusement. Je vois la jeune femme qui regarde des notes et qui s’assoit sur le comptoir. Ah non, pas une autre. Pourquoi elles ont toutes la manie de s’installer sur les comptoirs? Elle me pose une question et je me demande bien de quoi il s’agit. Elle veut que je lui donne mon avis sur quoi, au juste? Je dépose la caisse que j’ai dans les mains puis je lui souris, un peu amusé. « Et je peux savoir de quoi il s’agit? » Elle me fait un sourire de petite fille désirant vraiment quelque chose. Le genre de sourire auquel on ne peut pas dire non. Je ris légèrement. « C’est bon, pas de problème. Je vais juste placer cette caisse-là et ensuite je suis tout à toi. » Je réalise à quel point ce que je viens de dire est louche et je préfère me hâter à déplacer la caisse.

Finalement, je m’approche d’elle, restant à une certaine distance du comptoir. Je regarde ce qu’elle semblait lire tout à l’heure, et il s’avère que c’est une recette. Est-ce qu’il y aurait des possibilités que je devienne goûteur de gâteaux ce matin? J’avoue que je ne me plaindrais certainement pas. « Si c’est en rapport avec de la nourriture, je suis définitivement partant. » Pendant quelques secondes, je me demande si elle a un copain. C’est vrai, elle pourrait lui demander son avis, non? Je préfère ne pas lui poser la question, je n’ai pas envie qu’elle se fasse d’idées fausses à mon sujet.

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JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Le sourire de la jeune femme me permet de me poser quelques questions. Est-ce qu’elle est en train de me draguer, ou bien je suis fou? Je décide de me laisser prendre au jeu, après tout on ne sait jamais, peut-être que ce n’est pas du tout ça. Elle m’explique qu’il s’agit de tester une recette pour elle, et je souris lorsqu’elle mentionne que je vais être son ‘cobaye’. On croirait presque qu’il s’agit d’une expérience scientifique.
Je termine de ranger les boîtes, observant du coin de l’œil la jeune femme qui de son côté semble être en train de préparer ses gâteaux. Après avoir terminé, je m’approche du comptoir où elle s’est assise et me retrouve face à elle. « Donc, que puis-je faire pour vous, patron? Hey! » Je lui pose tout bonnement une question, et sans avoir le temps de me défendre, Nyméria me poudre le nez de farine. Elle me fait un petit sourire rempli de malice, et je commence sincèrement à me poser quelques questions. J’enlève la farine du revers de la main, et je ris doucement en l’entendant me dire qu’elle va donner mon nom à ses pâtisseries.

« C’est pas nécessaire, j’ai pas envie que ton petit-ami soit jaloux, quand même. Mais je m’engage solennellement à bien faire mon travail. » Je n’ai aucune idée si elle a un copain, en fait j’ai lancé le commentaire surtout pour le savoir. Peut-être que je me fais des idées, mais j’ai l’impression que la brunette tente de flirter avec moi, et je ne déteste pas vraiment ça. Je souris malicieusement en la regardant descendre du comptoir et pose ma main sur le plan de travail, en plein dans la poudre blanche. Je m’approche d’elle puis étend la farine sur ses joues en guise de revanche. C’est un peu bizarre de caresser son visage, je la connais à peine, mais en voyant son visage saupoudré de blanc, je pouffe de rire et oublie l’étrangeté de la situation. « Houla, il faut vraiment que tu regardes ta tête. » Je recule, histoire qu’elle ne puisse pas se venger, et lui lance un sourire moqueur. « Je finis toujours par prendre ma revanche, mais je dois dire que cette fois je suis plutôt fier. » Je croise les bras. Peu à peu, on commence à sentir une bonne odeur venant du four. Je sens que ma rencontre avec Nyméria ne sera pas forcément bon pour ma ligne.

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JUST A DAY, AN ORDINARY DAY.

Elle répond à ma question en m’annonçant qu’elle n’a qu’un petit ami imaginaire, et me demande à mon tour si je ne suis pas casé. Je regarde le plafond et fait hoche la tête négativement en guise de réponse. Elle me dit que de toute façon, j’ai signé pour être avec elle et alors que je lui fais les gros yeux, assez surpris, je vois le petit sourire qu’elle me fait et à cet instant précis je suis presque certain qu’elle me drague. Et je ne déteste vraiment pas ça. Nyméria est joyeuse et il y a un petit quelque chose chez elle qui me fait penser à Aza, mais en même temps elles sont totalement différentes.

Elle ne semble pas très contente que je lui aies saupoudré le visage de farine, et alors qu’elle me demande si je la trouve moins jolie, je fais mine de réfléchir un instant. « Mais non, t’es toujours aussi jolie. » C’est un peu bizarre de la complimenter comme ça, je ne la connais pas beaucoup après tout, mais elle est tellement joueuse que j’ai envie de me laisser prendre. Et puis il faut admettre qu’elle est vraiment belle, et je n’ai pas de comptes à rendre à personne. Je la regarde qui s’éloigne pour aller sortir les cupcakes du four, et elle va chercher un truc dans le réfrigérateur ensuite. Je me demande de quoi il s’agit et très bientôt j’ai l’honneur de le savoir.
Nyméria s’approche de moi et surprise, je me retrouve avec les deux joues recouvertes de crème chantilly. J’ouvre la bouche pour protester, puis lorsque je l’entends parler de me manger, mon esprit complètement tordu prend le dessus pendant un moment. Et la jeune femme n’aide certainement pas à ma cause. Je vois Nyméria porter ses doigts encore couverts de chantilly à ses lèvres et le regard qu’elle me lance me rend un peu mal à l’aise, mais j’ai quand même follement envie de voir la suite. Je lui rends son sourire, et je ne remarque presque pas lorsqu’elle me tend le gâteau pour goûter.

Je m’installe sur une chaise pas bien loin, comme pour faire mon professionnel. Je veux quand même prendre mon job au sérieux. Je regarde le minuscule cupcake et le grignotte tranquillement. En fait, c’est un peu de la faute de la pâtissière si mon esprit est ailleurs. Je me sens un peu comme un ado à la mater discrètement dans mon coin, et lorsqu’elle se pencher pour ramasser un truc, je me surprends à me demander si elle porte des sous-vêtements. Je m’étouffe avec le petit gâteau, qui goûte un mélange de cannelle et d’autres choses que je n’arrive pas à identifier. Je tente de chasser l’idée tordue de ma tête, et regarde Nyméria avec un sourire. « C’est délicieux. Il y a de la cannelle non? » Je vais tenter de changer l’atmosphère, histoire d’arriver à des sujets plus normaux et me donnant moins d’arrières-pensées. Je me lève de la chaise et retourne près de Nym. Et là je constate qu’il reste de la crème chantilly sur la commissure de sa bouche. Je me mords l’intérieur de la lèvre.

Je souris à la jeune femme, la regardant dans les yeux d’un air taquin. Mon pouce s’approche de sa bouche, et j’enlève la chantilly doucement, frôlant un peu ses lèvres, puis porte mon doigt à ma bouche. Elle me drague depuis tout à l’heure, alors pourquoi pas jouer un peu moi aussi. Après tout, je n’ai pas de comptes à rendre à personne. Je viens de passer une année de ma vie à faire littéralement vœu de chasteté pour Azalyne pour apprendre que c’était du gaspillage. Aussi bien fêter ma libération en grand. Je fais un sourire en coin, mon regard transperçant toujours celui de Nyméria. « Est-ce que je peux faire autre chose pour vous, boss? » Mon sourire s’élargit, en fait je tente de la provoquer un peu, voir jusqu’où elle va aller. C’est peut-être bien qu’une allumeuse après tout.