BAM BAM BAM. Des hurlements. BAM BAM BAM. Je lâche un soupir, sort de la douche à contrecœur, enfile une serviette autour de ma taille. Surtout ne t’énerves pas Elias. J’ouvre la porte, l’eau ruisselant encore le long de mon corps. Je fronce les sourcils, tenant la serviette d’une main, la poignée de porte dans l’autre. « Bonjour Aleksandra. » Mon ton est à moitié exaspéré, mais j’essaie de ne pas trop le montrer. Déclencher une dispute dès le matin ne serait agréable pour personne, alors j’essaie de me taire, je me mords la langue pour ne pas lui hurler dessus moi aussi. Mon regard croise le sien un court instant, avant d’être interpellé par la voix de ma belle-mère. Je lui offre un sourire, elle au moins, elle est agréable. C’est difficile de croire qu’Aleks est sa fille … J’hoche la tête. « On fera ça. » je décide un peu pour la jeune fille … mais temps pis. Qu’elle n’aille pas croire que ce sera une partie de plaisir pour moi aussi. Peut-être qu’un dialogue s’installera enfin pour elle et moi ? Peut-être que oui, peut-être que non. Je regarde de nouveau Aleksandra et je soupire, très légèrement : « Tu peux attendre cinq minutes, s’il te plaît ? » Oui, que je finisse de me préparer quoi.

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra ♦

Je refermai la porte sur Aleksandra et je lâchai un soupir. C’est fou à notre âge d’être en si mauvais termes. Nous n’étions plus des gosses, on aurait pu essayer de bien s’entendre, mais c’était comme si elle fermait la porte aux personnes de son entourage. Je terminai de me préparer, les idées se bousculant dans ma tête. Je n’aimais pas me laisser marcher sur les pieds, mais je tentais de me taire pour ne pas provoquer une polémique. Aleks’ avait toujours été comme ça, et peut-être qu’au fond je lui en voulais un peu de ne faire aucun efforts. J’ouvris la porte pour voir la demoiselle donner un violent coup sur le sol et déguerpir les yeux pleins de larmes. La surprise me cloua sur place. « Aleks … ? » c’est tout ce qui sortit de ma bouche.
Elle repassa ensuite, telle une furie, me lançant un « on y va », froid et rapide. Je claquai ma langue contre mon palais et sortis à mon tour, mains dans les poches. Agacé, je mourrais d’envie de retourner dans notre petit lieu de vie, de m’enfermer dans ma chambre, de fuir cette peste avec qui je vivais quotidiennement. Mais non. Au lieu de cela je la rattrapai et posai une main sur son épaule. « Aleksandra, attends. » Sachant pertinemment qu’elle vociférerait, je la devançai, tentant de détendre cette atmosphère beaucoup trop tendue. « Tu t’es levée du pied gauche, non ? » ok. Peut-être que ça l’énervera encore plus. Mais mon ton avait été presque doux. Presque. Parce que j’étais quand même en colère contre elle.

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra

Sa réponse m’arracha un sourire et j’haussai les épaules. Bien sûr que je savais qu’elle était comme ça habituellement. Mais c’était tout bonnement impossible qu’elle soit née avec un caractère de cochon. C’était sûrement les aléas de sa petite vie qui l’avait rendue si désagréable, si  … si Aleksandra. « Je me demande pourquoi je continue à espérer. » Je fourrai mes mains dans mes poches, restant silencieux quelques minutes. Je continuais de croire qu’un beau matin, elle serait agréable, elle serait chouette et gentille. Je continuais de croire qu’un jour, Aleks et moi on pourrait rire des petites choses de la vie tout simplement. Et elle, elle continuait de me faire voir que je me fourrais le doigt dans l’œil, jusqu’au coude ! Néanmoins, j’étais du genre têtu pour certaines choses. « Bon à part ces petites courses imposées, tu as quoi de prévu pour cette journée ? » Je regardais la demoiselle à mes côtés, un sourire flottant sur mes lèvres. Au fond, peut-être que j’avais juste envie de voir un franc sourire sur son visage, envie d’entendre son rire percuter les murs, narguer les voisins. J’avais juste envie de la voir heureuse. Peut-être que je prenais mon rôle de grand frère un peu trop à cœur …  

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra ♦

C’est Aleksandra qui rompt le silence, sans pour une fois, m’agresser. Bon, ne pas crier victoire trop vite. Mes yeux ne la quitte pas une seconde et j’essaie de ne pas trop sourire. Je ne veux pas qu’elle pense que je me moque d’elle. C’est juste un sourire … heureux qui est posé sur mes lèvres. Un simple sourire quoi. Etrangement, je me sens soulagé quand elle m’avoue qu’elle n’a rien de prévu, hormis le travail de ce soir. Un « ouf » résonne dans ma tête et me fait tiquer. Pourquoi « ouf » ? Au contraire, je devrais être … déçu qu’elle n’ait rien à faire et qu’elle ne sorte pas. Je descends les quelques marches qui nous séparent, haussant les épaules, ne lâchant pas ses yeux foncés. « Hm, personnellement, j’avais envie de manger ailleurs qu’à la maison ce midi. Et puis pourquoi pas, aller faire un bowling ... » Je marque une courte pause, claquant ma langue dans ma bouche, comme si j’allais regretter les mots suivant. « Et est-ce que ma chieuse de petite sœur aimerait se joindre à moi ? » Je garde ce petit air taquin. Si elle refuse et qu’elle se braque, temps pis ! J’ai plein d’autres filles à aller voir. Si elle accepte, ce sera un nouveau pas vers la réussite. Je descends lentement les dernières marches. « Tu viens, on a des courses à faire ? »  

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra ♦

Un sourire se dessine sur les lèvres d’Aleksandra, et je prends ça pour une petite victoire personnelle. J’ai réussis une petite approche du monstre, et c’est plutôt cool. Cependant, elle tarde à donner sa réponse et alors que je suis presque sortit du hall de l’immeuble, elle me demande où je souhaite manger. Je ferme les yeux une demi-seconde. Encore un petit pas. Il faut que je continue dans cette direction, que j’arrive à me rapprocher d’elle. Pourquoi déjà ? Ah oui, parce que j’adorerais la voir sourire tout le temps. C’est bizarre, parce que … c’est « juste » ma sœur, hein ? Je secoue la tête pour chasser toutes ces questions qui m’assaillent et je la regarde à nouveau. « C’est vrai, tu aimes ? Alors on ira manger mexicain, je connais un bon resto’ dans ce style ! » En fait c’est faux. Je n’en connais pas. Mais tant pis, j’improviserais. J’essaie de l’impressionner. J’espère que ça marche. Je risque une chose, qui me coûtera peut-être tous ces efforts : « J’suis content qu’on se soit pas encore engueulés. » Comme si j’avais oublié la petite accroche de tout à l’heure.  

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra ♦

Aleks semble ne pas vraiment apprécier ma remarque, comme je l’aurais parié. Cependant, elle me sourit, après quelques secondes et pousse la porte du magasin. Bordel, pourquoi son sourire me réchauffe comme ça ? Je lui rends, jusqu’au moment où elle parle de frères et sœurs. Là, mon sourire se fane, sans que je sache pourquoi. C’est ce que j’ai toujours voulu, non ? Qu’elle me considère ENFIN comme son frère ! Alors pourquoi ça sonne si creux, là, maintenant ? Je fronce les sourcils, perturbé par mes pensées. « Euh, oui, tu as raison … comme deux … frères et sœurs ... » je m’efforce de lui sourire, la suit dans ce petit magasin. J’ai la gorge sèche. Tout en ébouriffant mes cheveux blonds, je me tourne vers la jolie demoiselle « On est venu chercher quoi, déjà ? »  

"Je patiente, j'attends. Peut-être qu'un jour, on se parlera comme de vieux amis, qui sait ?" Elias & Aleksandra ♦