FALLEN ANGEL

Aujourd'hui commence demain. Un cri, et des yeux. Deux petits yeux bleus, plongés dans ceux d'un parfait inconnu, tandis que derrière en bruit de fond, des sanglots mêlée à une belle musique, Angie. Oh, Angie. C'est comme ça que tes deux parents décidèrent de t'appeller, en honneur aux Rolling Stones.
Tu es née à Bethel, un joli quatre août, jour humide. Ta famille était quelque peu... spéciale. De vrais hippies. Tu as donc passé ton enfance, baignant dans la musique d'Hendrix et les posters des années rock and roll. L'école, ça a toujours été facile pour toi, car dans cette ville, tout le monde se connaissait un peu, et avait déjà entendu le nom de Wilde. Les sauvages, les hippies.



S'assoir cinq minutes avec toi, et écouter le temps qui s'en va. Tu avais quatre ans quand tu as découvert ta passion pour le violon. Alors que ton père t'avait fait essayer la batterie, la guitare acoustique, électrique et toutes sortes d'instrument, le seul qui t'attirait, c'était le violon. Tu l'avais pointé du doigt, avec un tel sourire que ton paternel était complétement décontenancé. Tes doigts avaient parcouru fébrilement le violon, trop fragile pour tes petits doigts, et quelques notes hasardeuses en étaient sortis. Depuis ce jour, tu étais devenue la différente de la famille. La violoniste aux doigts d'or, l'angelot au violon. Sage.



Zoé, aujourd'hui j'ai huit ans. « Milo ! Milo ! » En pleurs, tu appelais ton frère, qui accourait pour venir te voir. Il était pourtant quatre heure du matin. « Sage, qu'est-ce qu'il se passe ? » Toi et Milo, vous n'aviez que six mois de différence. Milo était adopté et toi, tu étais un incident. Le fruit d'un soirée entre deux amoureux. Mais malgré ça, votre famille était unie et solide depuis maintenant huit ans, et tu considérais Milo comme ton grand-frère de sang, et lui te considérait comme sa perle du Japon. C'était même lui, qui avait trouvé ton surnom, Sage, par ta bouille d'ange. Car si Angie était ton premier prénom, tout le monde t'appelait Sage maintenant. « J'ai fait un cauchemar. C'était horrible. » Tu sanglotais, assise sur ton lit. Le blond te pris dans ses bras. « ça va aller l'angelot. Rien ne va se passer, je vais dormir avec toi. » Tu hochas la tête, d'un air entendu, et tout les deux, vous vous recouchèrent, comme si Morphée vous protégeait.



Violin. « Jane, ça fait quatre jour qu'elle a pas lâché son violon... et cette symphonie commence à me taper sur le système. » Ton père roula des yeux. Demain était ton premier concert, et tu n'avais aucun envie de rater ça. Alors tu t'entrainais, du haut de tes treize ans, ce qui exaspérait tes parents. Jour et nuit. Tu en oubliais de manger tellement la musique te transperçait de part et d'autres, et lorsque le morceau prenait fin, la magie était rompue et tu reprenais ton souffle, comme si, depuis des siècles tu avais été plongée en apnée. Ta mère, accroupie auprès de to père, lui jeta un regard amusé. « T'es certaine que c'est notre fille ? Le violon, le violon ! » Il leva les bras aux ciels, comme pour supplier quelqu'un. « Au moins, elle a hérité de cette passion pour la musique... » Ta génitrice essayait de compatir à ta cause. Car si, tu étais une mordue de violon, eux préféraient leur bon vieux rock. Le pur et dur, comme ils s'amusent à le décrire. Même Milo s'y était mis, avec un peu de retard, mais il s'y était mis, même si c'était le premier à débarquer dans ta chambre pour t'entendre jouer. Oui, tu l'aimais Milo, quand il essayait de jouer avec ton violon. C'était même lui qui t'avait acheté avec son argent de poche ton premier instrument à toi. Et demain, tu joueras pour lui. De tout ton cœur, de toute ton âme.


La musique, c'est plus qu'un son. C'est toute une vie. Une série de notes, de souvenirs, de mensonges et de rêves. Tu avais dix-sept ans ce jour là. L'un des plus beaux jours de ta vie. Milo avait décidé de t'emmener à un concert d'un groupe de rock qu'il aimait beaucoup, et il t'avait fait la surprise. Il avait travaillé dur pour t'emmener avec eux. Car vous étiez quatre au total : les jumeaux, Jules et Tristan Sanders et vous, les Wilde. Embarqués dans votre vieille voiture, vous aviez fait la route jusqu'à New-York. Comme la voiture était petite, tu avais du t'assoir sur les genoux de Jules, ce qui l'avait fait beaucoup rire car il te répétait sans cesse « T'es sûr que t'es pas un ange ? T'es trop légère, on dirait une plume. » puis, Milo qui conduisait, le regardait d'un œil rieur à travers le rétroviseur. « Garde ton numéro de charme pour aller te taper les filles du concert, tu veux ? Je te signale que c'est ma soeur. » Il est jaloux Milo. Mais c'est normal, c'est ton frère, il t'aime. Il te protège des méchants, des monstres sous le lit ou de ceux, bien vivants, qui aiment vous voir pleurer.
Une fois arrivée à la grande ville, main dans la main avec Jules, vous êtes allés au concert. Il n'arrêtait pas de te regarder, et tu ne pouvais t'empêcher de sourire. Tu tombais amoureuse comme on tombe de la falaise. Il était fou de toi. La musique était trop forte, mais elle n'atténuait pas les battements de ton cœur. Tu avais l'impression qu'il allait sortir de ta poitrine. Lorsque le concert fut fini, il te pris la main et t'emmena près d'un arbre. « Jules... » il posa un doigt sur tes lèvres. « Chut. » Et il t'embrassa.


Peut-être que c'est le début de quelque chose de magique. Tu avais dix-huit ans. Une maison de disque t'avais repéré, alors que tu donnais un énième concert avec ton groupe, toi à ton éternel violon et à ta voix. Ils avaient besoin d'un nouveau son, et vous étiez la perle rare. Milo était tellement fier de toi. Savoir que tu commençais à jouer dans la cour des grands faisait son bonheur, comme de savoir que tu étais vraiment heureuse avec Jules. Un an s'était écoulé depuis ce fameux concert, et vous étiez ensemble. Une relation de confiance. Rien n'avait pu perturber votre idylle, votre couple, jusqu'à cette fameuse tournée...
Dix-neuf ans. Jules était parti, une semaine plus tôt pour tout préparer à ton arrivée au Japon. C'était là que commençais ta tournée, avant de faire le globe. Pleins de dates. Des visages inconnus qui scanderaient ton nom. Mais avant, une semaine. Une semaine qui bouleversa tout. Jules avait demandé à Tristan de veiller sur toi, car Milo était parti avec lui. Tristan avait accepté, sans enthousiasme. Au début, tu te méfiais de Tristan. Vous n'aviez jamais été réellement proche, même si c'était le jumeau de ton amour, tu restais sur tes gardes car celui-là était bien plus mystérieux, bien plus silencieux que son frère. Vous vous tourniez autour, jusqu'au jour où, après avoir refoulé ces étranges sentiments qui t'envahissaient, vous avez couché ensemble.
En un instant, un moment, tout était bouleversé. Une semaine de folie, une semaine d'amour, une semaine à revisiter les corps et les mots, une semaine pour retomber amoureuse, une semaine ensemble. Une semaine pour retomber dans les bras du mauvais frère.

Et un avion pour s'enfuir.


Est-ce que Dieu pleure pour moi ? Cette semaine, ce secret, tu l'as gardé. Personne ne le sait. Vous êtes deux. Tu as trahi Jules, tu as trahi Tristan. Plus jamais tu ne retourneras dans ses bras, tu te l'es promis. Tu aimes Jules, tu t'es laissé aller avec Tristan. Enfin, c'est ce que tu te fais croire, car la vérité est bien plus complexe. Maintenant, tu fuis Tristan. Tu fais mine de n'avoir jamais rien vécu, que tout ça, ces sept jours maudits n'ont jamais existé. Tu es partie vivre à Siloam pour t'exiler quelque temps avec Jules. Vivre autrement que sur la scène ou dans le mensonge. Essayer de rallumer la flamme qui s'était éteinte.

Aimer. Encore et toujours.