cette nuit à côté de toi
c'était comme du lait, comme du coton
qui m'ont enveloppé de nulle part
si on me l'avait dit j'y aurai pas cru
alors je me repasse le film
en continu
† † †

Il sent le vent caresser son visage, souffle léger ou brise fraîche, peut importe. Il se laisse bercer, apaiser. Il se sent si léger, Baptist, poussé par le souffle dans son dos. Il marche au rythme de la musique qui s'échappe de ses écouteurs. Tantôt rapide, tantôt lente, le son prend possession de son rythme. Baptist semble heureux. Il l'est, sans aucun doute. De ce qu'il comprend du bonheur, il pense l'avoir trouvé aux côtés de Marlen. Sa Marlen. Et ça lui paraît un peu surréaliste, tout ça. Dire qu'il y a quelques semaines, il ne pouvait la contempler que du coin de l’œil, et prononcer des blagues à deux balles dans l'espoir de la voir rire. Aujourd'hui, ils sont ensemble. Ils se sont dit les mots bleus, et Baptist, il le lui re-dira autant de fois que nécessaire. C'est que maintenant, il n'a plus besoin d'enfouir ses sentiments, il n'a plus besoin de se prendre la tète. Il comprend ce que c'est, l'amour. C'est mieux que dans les films ou dans les livres. C'est plus beau, c'est magique. Ses remords s'évaporent peu à peu. Parce que, Baptist, il n'y pense plus au passé. Il se dit que c'est fini tout ça, que ce qui compte c'est le présent, c'est eux, maintenant, tout de suite. Alors, il la soutient, Baptist, de tout son cœur. Lui dit qu'elle devrait recommencer la natation. Parce que Baptist, il n'a jamais connu la vraie Marlen, celle que ses proches connaissaient et choyaient. Lui, il ne voyait que celle qui venait au lycée avec des vêtements trop grands pour elle, cachant un corps trop amaigri. Alors il veut la découvrir, tout apprendre. De ses démons à ses passions. Et aujourd'hui c'est la natation. Elle était une pro, qu'il avait entendu. Et il sait qu'elle ne peut pas abandonner ce talent qu'elle a peut-être toujours en elle. Ils se sont donc donnés rendez-vous prés de la piscine municipale. Mais il est en avance Baptist, il vient tout juste de finir ses trois heures de cours. Alors, il sort une clope de son paquet et la porte à ses lèvres, pour patienter. La fumée s'évapore doucement, et quelques minutes plus tard il l’aperçoit au loin. Ses cheveux flottant au vent, sa main saisissant son sac. Un sourire s'esquisse sur ses lèvres. Elle est tellement belle, oui, plus jolie que toute la galaxie. Il s'avance alors prés de Marlen, avant de jeter son mégot encore fumant à terre. Enfin, il l'entoure de ses bras et dépose un doux baiser sur ses lèvres. « Tu m'as manqué. », ils se sont vus la veille, mais pour Baptist, c'est déjà bien trop loin.

souffrir la mort pour te plaire
défendre nos torts et puis se taire
le désir encore pour l'hiver
un chaos d'efforts sous saint-hilaire
on s'était dit des choses
que l'on ne tiendra pas
† † †

Elle n’est pas sereine, ses pensés divaguent un peu partout, la faisant parfois perdre pied. Elle a mal dormi cette nuit, un cauchemar un peu trop réaliste l’a réveillé. C’était quoi cette histoire encore ? Maigrichonne comme une allumette, elle se penchait devant un miroir, admirant ses traits tirés par la fatigue et l’anorexie qui s’emparait d’elle. Et puis il était là. Baptist. Il apparaissait comme un magicien, prêt à lui venir en aide. Mais quand il s’approchait d’elle, ses yeux devenaient noirs comme ceux d’un démon, un sourire carnassier enveloppait son visage. Il faisait peur à mourir. Marlen ne comprenait pas d’où lui venait des images aussi invraisemblables. Et elle ne voulait pas comprendre. Pourquoi rêvait-elle d’anorexie alors qu’elle était en pleine forme ? Pourquoi ses parents l’encourageaient-ils à retourner à la piscine ? Pourquoi avait-elle arrêté d’ailleurs. On lui avait promis que petit à petit on lui raconterait ce qu’était sa vie d’avant, mais qu’on prendrait son temps car tout n’était pas facile à entendre. C’était une dose de stress en plus pour la petite Marlen déjà bien fragile dans ses petites converses blanches. Elle avançait à travers les rues de Siloam, un sac de sport sur l’épaule, ses quelques affaires de natation à l’intérieur. Elle avait rendez vous avec Baptist. Son Baptist. Son petit soleil. Le seul qui la tirait un peu de son morne quotidien de fillette amnésique. Elle approche de la piscine, lieu de leur rencontre, le cœur battant encore comme une gamine retrouvant son amoureux. Et c’est ça qui la fait sourire Marlen. Baptist c’est son amoureux. Rien qu’à elle. Le vent s’engouffre dans ses cheveux, sa parka sur les épaules, elle approche, un sourire idiot sur les lèvres, oubliant un instant ses soucis de la nuit passée. Ils échangent un rapide baiser. « Tu m'as manqué. » C’était trop court. Elle ne peut s’empêcher d’attraper sa nuque pour lui donner un son tour un baiser passionné répondant à ses mots. Dans un murmure. « A moi aussi tu m’as manqué Bapt. » Elle sent son odeur, son parfum, qui lui correspond si bien. Puis attrapant sa main, elle pousse la porte de la piscine et entre. Et c’est comme si ses souvenirs lui revenaient. Elle sait qu’ici c’était son lieu de prédilection, elle sait qu’ici elle s’évadait de son quotidien morose de l’époque. Et même si aucune image ne parvient à lui rappeler tout ça, elle le ressent. Et c’est une drôle de sensation.

cette nuit à côté de toi
c'était comme du lait, comme du coton
qui m'ont enveloppé de nulle part
si on me l'avait dit j'y aurai pas cru
alors je me repasse le film
en continu
† † †

Elle lui donne un nouveau baiser, plus passionné, plus embrasé. Et il le savoure Baptist, comme si tout allait disparaître après, comme si le monde allait s'écrouler. Elle lui dit que lui aussi lui a manqué, bien qu'ils ont passé la précédente journée ensemble à s'enfermer dans un monde un peu trop parfait. Elle attrape sa main, sans qu'il n'est le temps de répondre quoi que ce soit et l'entraîne à l'intérieur de la piscine. Ils s'avancent jusqu'au guichet, et Baptist, il paie pour Marlen. Parce qu'il a toujours voulu Baptist, lui faire plaisir, voir un sourire trôné sur son si beau visage. Puis c'est normal, après tout, ils sont ensembles maintenant. Même s'ils se séparent quelques minutes, le temps d'entrer dans le vestiaire qui leur ait respectivement destiné. Ils ont de la chance, il n'y a pas grand monde aujourd'hui. C'est un jour de semaine, en pleine après-midi alors à pars des vieillards, il n'y a personne pour les déranger.  Une fois à l'intérieur, Baptist se déshabille et enfile un short de bain. Il fourre son sac dans un casier, et passe enfin sous la douche avant d'entrer dans la piscine. Ça y'est, il pénètre dans le monde de Marlen. Pas le faux, pas celui qu'elle montrait à tout le monde, celui dégoulinant de faux-semblant qu'elle affichait au lycée. Puis, il aperçoit Marlen de l'autre côté du bassin. Elle n'est pas maigre. Un soupire de soulagement s'échappe de ses lèvres. Ça ne lui a pas fait tilt lors de leurs première fois, mais son corps, il est... normal. Il ne parvient toujours pas à s'imaginer Marlen avec simplement la peau sur les os. Pourtant, il sait que ça l'a terriblement affecté, au point de sombrer dans le coma. Mais elle s'en est sortie, et aujourd'hui, elle a oublié. Alors peut-être que ce n'est pas plus mal, au fond. Peut-être qu'elle mérite cette nouvelle vie, et peut-être même que le destin offre une nouvelle chance à Baptist. Et il la saisit cette chance, il l'a attrapée avant qu'elle ne s'évapore. Il s'approche de Marlen, ses bras autour de sa taille. Elle a un maillot de bain une pièce, conforme à son statue de nageuse professionnelle. « J'aurai préféré te voir en bikini. », qu'il lance sarcastiquement en faisant une moue. Et soudain, il change d'expression et fronce les sourcils. « Ça va pas ? T'as une mauvaise mine. », qu'il demande en passant sa main sur sa joue. Avec le vent qui fouettait leurs visages, Baptist, il n'a pas remarqué avant mais maintenant qu'ils sont au chaud, il peut très bien apercevoir les cernes dessinées sous ses yeux et le teint pâle qui lui colle à la peau.

souffrir la mort pour te plaire
défendre nos torts et puis se taire
le désir encore pour l'hiver
un chaos d'efforts sous saint-hilaire
on s'était dit des choses
que l'on ne tiendra pas
† † †

Elle le trouve mignon Baptist à jouer les gentlemen. Il lui paye gentiment sa place de piscine, simplement parce qu’il sait que ça fait plaisir à la petite brune. Il sait certainement que nager ce fut longtemps sa libération, son instant de bonheur où elle était enfin elle-même, où l’exposition de son corps amaigri ne la gênait pas. Mais ça Marlen l’avait oublié. Elle ne se souvenait que de la fraîche et pétillante jeune fille qu’elle était au sortir du collège. Ses pensés tournaient en rond, alors qu’elle se changeait dans l’étroite cabine mouillée par le passage des précédents nageurs. Enfournant ses affaires dans un casier elle se dirige à petits pas vers les douches, laissant l’eau chaude couler un moment sur son visage serein avant d’aller rejoindre Baptist dans le bassin. Elle trottine, serrant ses mains contre sa poitrine, pas tellement parce qu’elle est pudique, plutôt parce qu’elle est intimidée à l’idée de se montrer à nouveau à Baptist. Ça fait peu de temps, elle en est pleinement consciente et c’est peut-être ça qui l’effraie. Mais dans le fond elle sait que si son cœur bat si fort ce n’est pas parce qu’elle a peur de se montrer. Plutôt parce qu’elle a peur d’arrêter de lui plaire. Ses doutes cessent instantanément quand il s’approche d’elle, ses mains entourant sa taille. Elle cesse de trembler, de mordre ses lèvres bleuies. Elle lui sourit doucement, ses joues s’empourprant légèrement à ses paroles. « J'aurai préféré te voir en bikini. » Elle secoue la tête en riant, jetant un regard à son maillot de natation. Puis sans lui laisser le temps de répliquer il ajoute. « Ça va pas ? T'as une mauvaise mine. » Elle a l’air si pâle que ça ? Se mordillant intérieusement la joue, Marlen lui jette un regard presque honteux. Elle bégaie un peu, ne sachant pas trop comment lui expliquer la raison de son mal être de la nuit précédente. Elle attrape les mains de Baptist dans les siennes, liant ses doigts aux siens, puis hausse légèrement les épaules. « J’ai mal dormi cette nuit. » Elle hésite un peu avant de continuer finalement sa phrase. « J… J’ai fait un cauchemar. Pas super agréable. Dérangeant même. » Elle peut rien lui cacher à Baptist. C’est plus fort qu’elle. Au fond elle espère sûrement qu’il trouvera les mots pour la réconforter. Mais elle redoute de devoir lui avouer qu’il faisait partie de ce rêve un peu étrange. Et ce sont ses mains qui parlent pour elle. Son regard baissé, elle se mord la lèvre à nouveau, un léger malaise s’installant.

cette nuit à côté de toi
c'était comme du lait, comme du coton
qui m'ont enveloppé de nulle part
si on me l'avait dit j'y aurai pas cru
alors je me repasse le film
en continu
† † †

Peut-être qu'il s'inquiète trop vite. Peut-être qu'il s'inquiète pour un rien. Peut-être que ce n'est pas bien méchant. Elle a mal dormi, qu'elle lui répond en liant ses mains au siens. Mais Baptist, il se doute qu'il doit bien y avoir autre chose. Autrement, elle ne fuirait pas son regard, elle ne se mordillerait pas la lèvre. « J… J’ai fait un cauchemar. Pas super agréable. Dérangeant même. », elle lui confirme finalement ses pensées, et Baptist, il comprend mieux. « T'aurais du m’appeler. Pour toi, je décrocherai même à cinq heures du matin, tu le sais ça, non ? », il essaie de lui apporter du soutient, de la réconforter comme il peut. « Et... y'avait quoi dans ce cauchemar ? Enfin, si c'est pas trop indiscret, hein. », parfois, il ne sait pas trop comment se comporter, Baptist. Il a jamais été en couple si sérieusement. Alors, il sait pas, il sait pas si on se dit ce genre de chose dans un couple surtout si la personne en question ressort d'un long coma. C'est toujours délicat, dans ces moments là, Baptist, il a peur qu'elle se referme, qu'elle ne lui permette plus d'approcher son cœur. Il aurait besoin d'un manuel, de quelqu'un pour lui dire quoi faire, quoi dire. Parce que c'est difficile, compliqué de trouver les mots justes. Puis, il sent un malaise approcher, peut-être qu'il n'aurait pas du poser la question. Peut-être que c'est un peu tôt. Un silence qui perdure, c'est vraiment pas ce qu'il veut Baptist. Alors il abandonne son air inquiet, adoucit son visage, et tire sur les joues de Marlen. « Allez, c'était qu'un vilain cauchemar. J'veux te voir sourire. », qu'il dit en lui formant lui-même un sourire sur ses lèvres. Puis, une idée lui traverse l'esprit pour briser cette sensation pesante. « Bon... les gens vont nous regarder bizarrement, mais tampis. », rapidement, il attrape Marlen par les jambes et la soulève sur ses bras. Il ignore ses protestations, et ni une ni deux, elle se retrouve propulsée dans le bassin. De l'eau gicle alors de tout les côtés, tellement que Baptist aussi se retrouve mouillé. Un rire s'échappe de ses lèvres, alors qu'elle remonte à la surface. « Elle est bonne ? » qu'il demande, innocemment. Au fond, il espère que sa tentative parvint à chasser les vilains démons de Marlen.

souffrir la mort pour te plaire
défendre nos torts et puis se taire
le désir encore pour l'hiver
un chaos d'efforts sous saint-hilaire
on s'était dit des choses
que l'on ne tiendra pas
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« T'aurais du m’appeler. Pour toi, je décrocherai même à cinq heures du matin, tu le sais ça, non ? »Ces mots résonnent comme un petit couteau que l’on retourne dans la plaie dans le cœur de Marlen. Ses yeux effarés attachés à ceux de Baptist, elle sent son cœur s’emballer. Et là elle comprend. Elle comprend que son si long sommeil l’a privé d’une chose importante, une chose qu’elle ne connaît plus. Marlen elle ne sait plus ce que c’est que l’amour. Et les petites attentions qui vont avec. Les petites attentions comme celle là. Il serait venu pour toi. Elle n’en croit pas ses oreilles Marlen, et elle voudrait lui dire merci, mais il prend les devants. « Et... y'avait quoi dans ce cauchemar ? Enfin, si c'est pas trop indiscret, hein. » Il veut l’aider Baptist, elle le comprend bien, elle en est touchée même. Mais ça elle ne peut pas lui dire. Pas après qu’elle ait compris qu’il était son seul point d’attache depuis son retour sur terre. Sa sœur qui l’ignore, ses parents qui sont sur son dos… Avec Baptist elle souffle. Elle revit. Alors elle ne veut pas l’incomber d’un poids en plus. Alors elle détourne les yeux, sa gorge se nouant au souvenir des bribes de son rêve. Elle laisse un long silence. Elle n’ose pas le briser, mais elle ne peut pas rester comme ça. Elle s’apprête à enjoliver la réalité quand la main de Baptist vient gentiment pincer sa jouer. « Allez, c'était qu'un vilain cauchemar. J'veux te voir sourire. »Et c’est plus fort qu’elle, mais elle sourit. Elle sourit à ce garçon qui lui rend la vie meilleure. Et elle oublie ce cauchemar qui n’est qu’un mauvais tour de son esprit. « Bon... les gens vont nous regarder bizarrement, mais tampis. » Marlen n’a pas le temps de comprendre ce qui se trame, elle se retrouve soulevée dans les airs, un cri s’échappant de ses lèvres. « Bordel non ! Baptist Cobbs, tu me reposes tout de suite ! Immédiatement ! » Elle s’accroche à sa nuque, espérant qu’il va s’exécuter, mais rien n’y fait et la voilà qui se retrouve jetée à l’eau. Elle inspire tout l’air qu’elle peut dan ses poumons avant de sombrer dans les profondeurs. L’eau froide saisit ses membres, elle retient son souffle un instant. Puis c’est une libération. Tout réapparaît comme si elle n’avait jamais oublié. Ses bras se meuvent parfaitement dans l’eau, ses pieds s’aggitent, la ramenant rapidement à la surface. Elle ouvre les yeux, ses mains remontant ses cheveux vers l’arrière, ces derniers sont totalement trempés. Elle bat des pieds, esquissant un sourire. « Elle est bonne ? » demande Baptist taquin. Oh oui elle est bonne mon amour. Elle voudrait répondre. Mais à la place elle s’approche doucement, posant ses coudes sur le bord du bassin, un sourire malicieux au coin des lèvres. Elle intime à Baptist de s’approcher, de venir se pencher. « J’demande un bisou en dédommagement. »