Le réveil de Tyler se déclencha très tôt ce samedi matin. Ce n'était pas une surprise. En effet Tyler se souvenait très bien l'avoir activé le soir pour 5:03 du matin. Ça ne l'empêcha pas de jurer et de frapper lourdement la table de nuit où reposait le réveil- sans réussir pour autant à l'atteindre- quand celui-ci s'activa. Il fut obligé de se relever, les yeux encore fermés pour ne perdre aucune goutte de sommeil, pour éteindre l'appareil. Il tâtonna quelques secondes afin de trouver le bouton pour l'éteindre quand l'alarme se coupa. Il avait probablement dut réussir. Il ouvrit alors les yeux et avança, tel un zombi, vers sa douche. Rien de tel que de l'eau chaude pour vous réveiller.

Il éteignit l'eau pour se savonner. Le réveil retentit à nouveau. Il avait dû appuyer sur le bouton « répétition » au lieu de l'éteindre. Cette fois ci il hurla de rage. Son réveil, ou plutôt son pire ennemie sur terre pour être plus précis, l'avait poussé à bout. Tyler sortit de la douche les cheveux recouverts de mousse, débrancha le réveil, le posa sur sa table de cuisine. Il ramassa ensuite la batte de base-ball dans le couloir et fracassa le réveil. Il exulta. Puis, retourna dans sa douche. Malheureusement, un morceau du réveil vint se planter dans son pied. Il se retourna d'un bond, enleva le morceau de son pied, hurla une sorte de cri de guerre et retourna tabasser la carcasse du réveil. Il ne s'arrêta que quand la mousse commença à lui couler dans les yeux. Il fit alors un trait sur une feuille (il fait un trait sur cette feuille à chaque fois qu'il détruit un réveil. D'ailleurs il a acheté la batte de base-ball uniquement pour détruire ces bijoux de tortures électroniques. Il y a déjà une douzaine de trait sur la feuille.) et retourna dans sa douche.

Tyler recevait son meilleur ami Aloysius ce soir-là, ce qui expliquait l'heure de levée. Enfin pas totalement. Depuis quelques semaines Tyler avait cessé de « vivre », et donc de ranger, à cause de sa tristesse après la rupture avec Arizona. Son appartement était donc une porcherie. Littéralement (mais sans les porcs et sans la fange). Donc pas littéralement. Mais vous pouvez imaginer. Tout devait être près pour l'arrivée d'Aloysius. Tyler voulait prouver à son ami qu'il avait reprit sa vie en main. Une soirée jeux vidéos. Avec un salaire de professeur, on a de quoi vivre. Quand nos parents s'occupent de payer l'appartement (Tyler n'allait pas s'en plaindre), qu'ils ont offert la voiture, et qu'ils offrent souvent de l'argent à Tyler pour les fêtes ou autres événements, le salaire de professeur est plus que super. Tyler en profitait alors pour se faire plaisir. Vous saviez qu'il existe une « guerre » entre les utilisateurs de x-box et les utilisateurs de playstations ? Tyler lui ne le sais pas : il a les deux chez lui. Il possède aussi une PSP pour quand il voyage (même s'il utilise plus sa liseuse que sa console en voyage) et une DS. Sauf que la DS ne sert qu'à jouer à pokémon. Et oui, Tyler est capable d'acheter une console uniquement pour un seul jeu.

Tyler se sécha tranquillement puis mit en marche la machine à café. Beaucoup d'eau, beaucoup de café. Il en aurait besoin pour rester optimal lors du rangement des lieux. Heureusement pour lui il avait déjà organisé sa playlist. Il la lança après avoir commencé à prendre son petit déjeuner. Il  prit un peu de brioche qu'il tartina maladroitement de beurre de cacahuètes. Il se dit que ce n'était pas grave, puisqu'il comptait tout nettoyer aujourd'hui. Il s'habilla rapidement. Rien de très apprêté, Tyler avait tendance à salir sa tenue lorsqu'il nettoyait. Un débardeur blanc avec un short en coton gris et des chaussettes (pour pouvoir glisser d'une pièce à l'autre comme un enfant) dépareillées. Une longue journée s'annonçait.

Il termina aux alentours de 15h30. Tout était brillant, de la cuvette des toilettes aux dessous de verres entreposés à droite des différentes télécommandes. Fier de son travail, il ouvrit la porte de son frigidaire pour se saisir d'une bière ou d'un jus de fruit. Le pauvre appareil de refroidissement était vide. Tyler jura. Il avait prévu le ménage pour son ami, pas le fait de remplir le garde manger. Le professeur attrapa une veste, son portefeuille et une paire de chaussure. Il se rendit alors à a grande surface la plus proche pour acheter de quoi se sustenter. Il prit un caddie et commença à se balader entre les rayons. Tyler gonfla son engin à roulette de divers jus de fruits et alcools d'apéritifs. Il acheta aussi des chips, des pizzas et d'autres cochonneries. Il n'était pas sûr de ce qu'aimerait manger Aloysius, alors il avait prit de quoi avoir le choix.

Il rangeait ses achats dans son coffre tranquillement en repensant à sa dernière conversation avec Alo quand soudain il se figea. Il avait un trou. Avait-il demandé à Aloysius de venir le soir ou en fin d'après-midi ? Pire encore, l'avait-il au moins demandé de venir chez lui ou pensait-il seulement l'avoir fait ? Il chercha son téléphone dans ses poches, malheureusement celui-ci était resté dans son appartement. Il termina alors de ranger ses articles dans son coffre et retourna rapidement chez lui, au cas-où Aloy' soit déjà arrivé, ou pire : que celui-ci n'ai même pas été invité.

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Grasse matinée. De celles qu'il ne connaît plus, à présent puisqu'il n'a plus le temps d'en profiter. De celles qui sont délicieuses car, forcément, annonciatrices d'une bonne journée. Et pour sûr. S'il se lève aux alentours de onze heures trente, ce n'est que pour mieux savourer le fait qu'il ait rendez-vous avec Tyler en fin de journée. Un rendez-vous entre potes, une soirée entre mecs où le seul mot d'ordre est de se changer les idées – ou de changer celles de Tyler – et de s'amuser avec un plateau-repas peu équilibré et des jeux vidéos à tester. Cette soirée, prévue depuis quelques jours, a pour objectif de s'assurer que le professeur se remet, lentement peut-être mais qu'il se remet quand même, de sa rupture douloureuse. Et peut-être aussi de monter un plan d'attaque contre la Eléa qui semble lui ravager le cœur de la sorte. Il se frotte les yeux, traverse le couloir qui mène jusqu'à la cuisine et se laisse tomber sur le tabouret. C'est aussi l'une des dernières grasse matinée dont il peut profiter avant de retourner en cours, comme le lui rappelle le dossier d'admission de l'un de ses frères – Geoffroy d'après le nom gribouillé en-haut à gauche – pour la faculté. Il soupire et, les bras croisés sur le comptoir qui sépare la cuisine du salon, observe l'horloge qui lui fait face. Voilà. A partir de maintenant, il a une après-midi pour se préparer et trouver une idée lumineuse pour s'assurer que son pote ne sombrera pas de nouveau. Il a renoncé aux bars, renoncés à le traîner à une fête, renoncé à abuser de l'alcool. Ça ne fait qu'enfoncer Tyler un peu davantage encore et c'est exactement le résultat opposé de ce qu'il souhaite. Alors il fera comme au bon vieux temps. Même s'il ne sait pas trop ce que ça implique réellement.

Il ferme l'appartement, verrouille la porte d'un tour de clé et quitte l'immeuble après avoir dévalé les escaliers d'un pas rapide. Aussitôt, ses mains vont se perdre dans les poches de son blouson dont il relève le col légèrement. Il hésite quelques minutes à attendre qu'un bus ne passe mais s'accorde finalement à se rendre chez Tyler à pied. Il n'est peut-être pas féru de sport, la marche n'a jamais semblé le déranger. Alors il s'engage dans l'allée de droite, en profite pour enfoncer ses oreillettes dans ses oreilles et, la tête dodelinant au rythme des musiques. Parfois, ses lèvres se décollent pour marmonner ce qu'il pense être les paroles de Never Let Me Go, son accent germanique ressortant à chaque fois qu'il bute sur un mot à moitié mâché et il finit par abandonner l'envie de chantonner quelque chose qu'il ne comprend clairement pas. Peut-être qu'un jour, il demandera à Sage si elle ne peut pas l'aider à apprendre les paroles des chansons anglophones qu'il écoute. Après tout, la jeune fille possède une play-list intéressante, elle doit bien chanter de temps en temps.

Le soleil est encore haut dans le ciel quand il arrive devant la porte de son meilleur ami. Après avoir retiré ses oreillettes, Aloysius frappe trois coups et attend. Attend. Attend encore. Attend toujours. Il fronce les sourcils, réitère son geste. Mais il n'y a toujours pas de signe de vie de l'autre côté de la porte, pas le moindre indice de la présence de Tyler. Alors il sort son portable, lui envoie un message et il garde l'objet dans sa main fermée, prêt à bondir à la moindre réponse, prêt à balancer une série d'arguments imparables si son pote annule la soirée à l'ultime minute, prêt à lui sauter dessus si la porte s'ouvre. Mais rien de tout cela ne se produit et Aloysius fronce les sourcils, commence à s'inquiéter. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et s'il avait décidé qu'il ne pourrait jamais tourner la page ? Et s'il avait fait une connerie ? Et si un cambrioleur était venu au milieu de la nuit et que Tyler l'avait surpris ? Et si on l'avait tué ? Des milliers de scénario se succèdent dans son esprit angoissé, tous plus tirés par les cheveux les uns que les autres. Il recommence à taper, plus longuement cette fois, puis plus fort. « Tyler. Ouvre, c'est moi. » Il s'arrête soudain, regarde autour de lui, à la recherche d'une hache, d'une massue, d'un bélier, d'une carte bleue, d'un fil de fer, de n'importe quoi qui pourrait l'aider à ouvrir cette foutue porte. Ses yeux se posent sur un extincteur et il fait un pas en avant, déterminé. L'hésitation ne vient que lorsqu'il pose la main sur la bouteille froide. Ce n'est pas une bonne idée. A coup sûr, ce n'est pas une bonne idée. Mais il la soulève quand même, la porte, difficilement, au-dessus de sa tête et donne un premier coup dans la poignée. Rien ne bouge, la bouteille lui tombe des mains, trop lourde pour lui. Mais il ne se laisse pas abattre, la rattrape, la soulève à nouveau mais n'a pas le temps de frapper, cette fois-ci. Quelqu'un arrive au bout du couloir. Il tourne la tête, pris dans son méfait. Il lâche l'extincteur qui tombe sur son pied, il grimace, jure en allemand, mais sourit quand même à Tyler qui vient d'arriver. « Ah bah. T'es là. » Son orteil lui fait un mal de chien mais il continue de sourire, soudain soulagé de voir son pote bien en vie, bien présent au milieu du couloir. « J'pensais que... Laisse tomber, t'es là, c'est le plus important. » Et il hoche la tête vigoureusement. Ouais. Tyler est là, c'est ça qui compte. Et tant pis pour l'extincteur qui gît au sol.