And now we meet again.

 

Ce soir, j’ai laissé un des barmen s’occuper du bar pendant mon rendez-vous avec des clients. C’est un imbécile, mais je ne crois pas qu’il est idiot au point de ne pas savoir veiller à ce que les gens n’empruntent pas le couloir près des toilettes. Pas sans la compagnie des filles en tout cas.
Le couloir mène aux chambres qui viennent à peine d’être emménagées, mais aussi à une grande pièce, mon bureau. Ce qui nous amène à pourquoi je ne veux pas être dérangé ce soir.
L’homme avec moi dans la pièce lit un long document avec attention alors que je tire une bouffée de mon cigare, regardant les deux prostituées qui s’embrassent sur le canapé. Elles vont continuer jusqu’à ce que l’autre leur demande d’arrêter, mais j’avouerais que le spectacle commence à devenir redondant. Je regarde l’homme à la peau basanée qui me serre la main et qui jette à son tour un coup d’œil aux deux filles. « Alors, tout y est? » Il se racle la gorge, continue de regarder les deux filles. « Comme d’habitude, Kristjan. Après plus de dix ans je pense pouvoir te faire confiance. » Je pousse un soupir agacé alors qu’il s’approche des deux demoiselles sur le sofa. Ce n’est pas pour elles qu’il est ici.

Alors qu’il retire le sous-vêtement d’une des deux filles et qu’il sort un sachet de poudre de la poche de son pantalon, je regarde ailleurs. Je crois avoir entendu un grincement, mais c’est sans doute le fruit de mon imagination. Je me retourne juste à temps pour voir mon partenaire d’affaires aspirer la ligne de coke sur les fesses de la prostituée. La grande classe, vraiment. « T’en veux une? Kristjan tu as l’air plutôt tendu. Relax, l’Afrique c’est encore bien vivant, mais attends de voir toutes les ventes que tu vas faire au Moyen-Orient, c’est encore mieux. » Je soupire et refuse d’un signe de tête la cocaïne. Pas maintenant. Surtout que j’ai encore une fois entendu le grincement. Je regarde en direction de la porte. Elle était déjà entreouverte, mais là quelqu’un se tient dans la porte. Je ne le reconnais pas même si je l’ai déjà vu.

« Mais qu’est-ce que tu fous là, toi? » Je crache mes mots furieusement, constatant que le barman n’a pas fait son boulot. Combien de personnes sont passées ici ce soir? Je panique mais ne laisse rien paraître sauf de la colère. Je m’approche de la porte, les bras croisés et les poings fermés.

new city, new friends they say

« J’reviens mec, j’ai mal au crâne. » Je ne sais pas exactement combien de verres j’ai bu. Je ne sais pas non plus quelles filles j’ai approché. En vérité, je ne me souviens de rien. Je marche le long du couloir, avec cette envie de vomir qui me pend aux tripes. Qu’est-ce qu’ils ont foutu dans mon verre, ces cons ? Je parle bien entendu de mes « amis ». Et soudain, j’entends des voix. Sur le coup, j’ai l’impression que c’est moi qui délire, mais non. Cocaïne, Afrique, Moyen-Orient. Je m’approche, m’appuie un peu de la porte. Ma tête tourne. Et puis tout va vite. La porte grince et un homme bondit de sa chaise pour venir vers moi, bras croisés, poings serrés. Instinctivement, je recule, la vue rendue floue, sûrement par l’alcool. Sa question attend une réponse, là, maintenant. C’est vrai ça, qu’est-ce que je fous là ? À la base j’allais pisser. Ou vomir. Et puis la curiosité …

« J’sais pas. » ça fuse, ça sort de ma bouche comme ça. Sans retenue ni rien. Je tremble, parce que j’ai froid et non parce que j’ai peur. De toute façon, je n’ai pas peur. Enfin je crois. Je regarde le type et me souvient de qui il s’agit ; c’est le type de la villa Parker, le compagnon d’Olivia. Merde, merde, merde … Je secoue la tête. « Enfin, je … j’cherchais les toilettes. » Excuse presque vraie. Presque valable du coup, hm ? « Et sinon, tout va comme vous voulez ? » Et merde. L’alcool me fait vraiment dire de la merde.
made by LUMOS MAXIMA

And now we meet again.

 

Je serre un peu plus les poings alors que j’entends la réponse niaise qui sort de sa bouche. Il ne sait pas ce qu’il fait ici, qu’il me dit. Il doit bien avoir une raison de traîner dans l’arrière-boutique de mon bar, pourtant. Je fronce les sourcils et le regarde sévèrement, mes mains se crispant toujours un peu plus pour me rappeler de ne pas me jeter sur lui et l’étrangler. J’entends l’homme parler en russe derrière moi et il me dit de laisser tomber, mais je n’ai pas du tout envie de laisser filer le jeune homme devant moi. De plus qu’il semble assez intoxiqué, et j’ai peur de ce qu’il pourrait bien aller déballer comme conneries. Il parle à nouveau et je prends une grande respiration. « Les toilettes? Sérieusement? » Je fais tout pour garder mon calme, malgré l’envie immense de m’approcher et lui briser la nuque. Il continue de parler et je saisis le jeune homme par le bras, haussant le ton. « Mais est-ce que tu te foutrais de moi, toi? » Mes doigts s’enfoncent dans sa peau et je l’entraîne dans la pièce, cherchant l’endroit idéal pour le forcer à s’asseoir. Je le pousse contre les chaises devant la table de bois verni et mon poing s’écrase sur mon bureau, faisant tomber un cadre sur le sol.

Je ne prends pas la peine de le ramasser, plantant mon regard furieux dans celui d’Aedan que je ne reconnais toujours pas. Il a visiblement bu plus qu’il ne le fallait, sans doute fait autre chose aussi. Je regarde l’homme d’affaires toujours affalé sur le canapé avec les deux filles puis je souris méchamment, reportant mon attention vers le jeune homme. « Tu sais tout comme moi que les toilettes sont à l’avant, alors dis-moi, tu t’es égaré en cherchant des putes ou tu faisais ton curieux? » Je regarde mon ‘collègue’ puis Aedan à nouveau. Je me racle la gorge. « Car vois-tu, je n’aime pas vraiment les curieux. »

new city, new friends they say

Il attrape mon bras avec force et je grimace, mais je ne me débat pas. Non, pas la peine d’aggraver la situation et de risquer un cocard sur mon magnifique visage. Ça ferait tâche et ce s’rait pas très bien vu aux prochaines réunions de CK … Je m’assois. De toute façon, j’ai pas trop le choix. Et je déglutis. Bon, ok, j’aurais vraiment pas dû venir par ici. Je jette un regard à l’autre type et aux deux filles. Puis Kristjan (ouais, je me souviens de son nom) écrase son poing sur la table, me faisant sursauter. Le cadre derrière s’en est décroché. Je lève mon regard foncé vers lui, plantant mes iris dans les siens. Bon, peut-être que j’ai peur, certes. Mais non, je ne vais pas lui laisser le loisir de le voir. Je croise mes bras, m’enfonçant dans le siège, comme si la situation était parfaitement apaisante. Or non, elle ne l’est pas.  Pas du tout. « Hm, je vous ai dis que je cherchais les toilettes. » Je lève les yeux au ciel, dans un énième geste d’insolence. « Et puis, j’ai dû les louper, y’a pas mort d’homme. Fallait fermer la porte si vous ne vouliez pas qu’on vous entende. » Ok. Je ne sais pas à quoi je joue. Mais je risque de perdre, là.
made by LUMOS MAXIMA

And now we meet again.

 

Il ne détourne pas le regard et me fixe droit dans les yeux, ce qui ne fait qu'ajouter un peu plus à ma colère du moment. C'est qu'il est arrogant, ce petit con. Il se cale dans la chaise, prend ses aises et de plus en plus, je me demande pourquoi je ne l'ai pas frappé. Il me répond qu'il cherchait réellement les toilettes et je serre la mâchoire, me retenant de lui hurler dessus. Puis il lève les yeux au ciel, me rappelant ces petits gosses de riches insolents. Il aurait besoin d'être secoué un peu, même extrêmement. Alors qu'il me lance une nouvelle pique, j'entends mon partenaire d'affaires éclater de rire. « Kristjan pourquoi tu lui casserais pas la gueule, qu'on en finisse et qu'il dégage? Tue-le, à la limite. Il ira pas rapporter tout à la police. » Il semble presque s'impatienter et pendant quelques secondes je regarde Aedan, une moue dédaigneuse aux lèvres. « J'ai pourri sept ans en prison par la faute de ma propre femme, je ne vais certainement pas y retourner pour un petit con à peine majeur. » Je regarde l'autre homme en parlant, faisant complètement abstraction d'Aedan. Peu importe s’il entend tout, qui va le croire de toute façon. Je suis ici depuis à peine un mois et j’ai la plupart des agents de police dans la poche déjà.

Je regarde le jeune homme, puis lui adresse un sourire méchant. J’ouvre un tiroir et en sort un couteau, et pose mon doigt sur la pointe pour vérifier qu’il est bien pointu. Je fais un petit sourire, et le pointe sur l’intrus, me tenant tout de même assez loin de lui. Je joue un peu, il finira peut-être par changer un peu son attitude. « On va jouer à un jeu, ça t’intéresse? Ça s’appelle ‘dis-moi tout ce que tu as entendu sinon je te dépèce et te donne à manger aux chiens’. » Je m’approche lentement d’Aedan et le pique doucement sur le bras avec le poignard, mais m’arrête avant de le faire saigner. On va jouer un peu, selon mes standards évidemment.

new city, new friends they say

Lorsque je l’entends dire qu’il a croupit en prison pendant sept ans et à cause de sa propre femme, ma gorge s’assèche. Sa femme ? Non, ce n’est peut-être pas … Non il ne faut pas que ce soit elle, parce que sinon … sinon, là, je suis grave dans la merde. Déjà que je m’amuse à le provoquer, alors que je suis seul, et sans arme pour me défendre …
Il semble vraiment me mépriser. Peut-être que ça me blesse dans mon égo d’enfant gâté. Mais peut-être aussi, qu’en fait, je me chie littéralement dessus. J’ai la trouille, ça me bouffe les entrailles. Encore plus lorsqu’il sort un couteau de son tiroir. Je mords ma langue. Ne pas montrer que … bordel. C’est bien plus facile à dire qu’à faire. J’essaie de lancer un sourire dédaigneux quand il parle de jeu. Je me ravise quand il pose la pointe de son couteau sur mon bras. J’ouvre la bouche. La referme. Puis je regarde ce taré, qui ne semble pas avoir peur d’y retourner, en prison. « Vous aimez tant la prison ? Non parce que bon, tuer quelqu’un, qui plus est un Klein … » Il n’en a peut-être rien à foutre de moi, de mon pseudo statut social. Mais je m’en moque totalement. Les gens sous-estiment souvent ce dont ma famille est capable. Surtout lorsque ma concerne. Mais c’est peut-être mieux comme ça. « Hm, alors ce que j’ai entendu … »
Je tapote mes doigt sur ma jambe, faisant mine de réfléchir. Je sais que si l’envie lui prends, un coup de couteau bien placé, ou pire, un balle dans la tête et adieu moi. « Afrique, Moyen-Orient, vente. Ça se résume à ça, non ? » je le regarde dans les yeux. Mon cœur bat au ralentit. J’ai peur putain. Je ne sais pas de quoi il parle. Mais à mon avis, il ne vend pas des bonbons en Afrique. Quoique …
made by LUMOS MAXIMA

And now we meet again.

 

J’étouffe un rire lorsque le garçon me fait des menaces, mentionnant son nom comme argument. Comme si ça pouvait réellement influencer mon choix. Je fais mine d’être effrayé un instant, puis lui souris méchamment. Je ne lui coupe pourtant pas la parole. Il est déjà assez chiant comme ça, je ne vais pas passer des heures à discuter avec lui pour lui tirer les vers du nez. Je pousse un soupir agacé et pique un peu la pointe du couteau dans sa peau alors qu’il fait semblant de réfléchir, ce que j’interprète comme une façon de perdre du temps. Il énumère les régions dont mon partenaire et moi parlions tout à l’heure et je reste impassible. Nous avons parlé longuement des armes, mais lorsque je l'ai surpris, nous n'en avons tous deux aucunement fait mention.

Je souris, quand même satisfait, et retourne vers mon bureau pour prendre mon arme. Je prends au passage le cadre d’Olivia qui est tombé sur le sol et grimace en remarquant qu’il est craqué. Je daigne finalement adresser un regard au jeune homme. Je passe de furieux à paisible, comme il m’arrive souvent. Je me racle la gorge, plantant mon regard dans celui de l’inconnu. « La confiance est quelque chose qui m’est très précieux. Je déteste que l’on ne soit pas honnête avec moi. » Je prends une pause. Je parle lentement, calmement. Je joue avec le petit fusil, le verrouillant et le déverrouillant pour le plaisir sans quitter des yeux Aedan. « Et je déteste aussi que l’on me prenne pour un idiot. C’est très blessant. Je suis persuadé que tu as entendu bien d’autres choses avant, et que tu es là depuis bien plus longtemps que tu ne le prétends. » Je fronce les sourcils et lance un regard soutenu au jeune homme. Je suis calme, mais je suis à deux doigts d’éclater à nouveau.

new city, new friends they say

Je sens une pression un peu plus forte sur mon bras, Kristjan appuie un peu plus la pointe du couteau. Je me redresse légèrement, le sang affluant à mes tempes. J’ai l’impression d’être un môme, un môme effrayé par un monstre sous son lit. Ou par un camarade d’école lui volant ses bonbons. Bon, en fait j’ai carrément plus peur que ça, et cette comparaison est pourrie. Mais … merde. Il retourne derrière son bureau, attrapant une arme à feu. Mes yeux s’écarquillent. Il faut que je trouve un moyen de me casser d’ici. Discrètement, j’observe la pièce dans laquelle je suis. Et à part une fenêtre aux stores fermés, et la porte derrière moi, il n’y a aucun autre échappatoire. J’avale ma salive, tandis que ce dernier me fixe, faisant tout un spitch sur la confiance. « Si je vous prends pour un idiot ? » Bien sûr que oui. « Non, voyons, loin de moi cette idée … »

Je passe une main quelque peu tremblante dans mes cheveux. J’ai peur. Alors pourquoi je joue les forts ? Pourquoi je ne craque pas ? Pourquoi je ne lui dis pas tout ce que j’ai entendu ? Je fronce les sourcils. « Vous parliez de vente d’armes … » je le dis tout bas. Comme si c’était mal de le dire. Comme si cette phrase se suivrait d’une mort certaine. Je bats des paupières, d’un air angélique, avant de sourire grandement quoiqu’un peu crispé : « Mais j’ai sûrement mal entendu, vous parliez sans doute de vendre des bonbons, hm ? » mais merde, à quoi tu joues ?!

made by LUMOS MAXIMA

And now we meet again.

 

Le jeune homme me dit d’une voix un peu tremblante qu’il ne me prend pas pour un idiot, chose dont je continue toujours de douter mais je me contente de faire une légère moue et de regarder le sol où scintillent des petits morceaux de verre. Lorsqu’il lève sa main vers ses cheveux nerveusement, je scrute le moindre de ses gestes toujours sur mes gardes. Quelque chose que j’ai appris rapidement dans ma vie. Bien que je ne crois pas que ce gamin soit une quelconque menace pour moi. La salle est incroyablement silencieuse, on peut même entendre la musique du bar jouer en bruit de fond. La voix du garçon est presque inaudible, mais ses mots parviennent à mes oreilles et me font plisser les yeux. Finalement il admet qu’il a tout entendu, mais garde tout de même un air innocent. Je jette un œil au type russe qui regarde toujours la scène à moitié, écoutant les propos d’une putain qui semble bien intéressée par la situation, puis reporte mon attention au jeune homme. Il me fait un large sourire et je fronce les sourcils. À ses paroles, le coup de poing sur son visage part toute seule. « Oh, tu te trouves drôle en plus? » Je regarde le pistolet dans ma main, me demandant si je ne préfère pas tout simplement l’éventrer. Il le mériterait, puis je lui saboterais sa petite gueule d’enfant gâté. La voix du russe parvient à mon oreille. Dans sa langue d’origine, il me dit de ne rien lui faire, car le gamin pourrait toujours être utile en vie. Il me parle de vêtements de marque dont il serait le petit héritier précieux. Je regarde Aedan et croise les bras, il est toujours assis sur la chaise. Il n’a pas le choix, il serait probablement mort sinon.

Je souris au gamin puis allume une cigarette, lui soufflant la fumée au visage. « Mon ami juste là me dit que te tuer ne serait pas très avantageux et que tu me serais plus utile vivant. Est-ce qu’il a raison? » Je le transperce du regard, un sourire mauvais toujours imprimé au visage. Je me rétracte un instant, et pendant quelques secondes j’approche mon arme du bureau pour le déposer.
Je me retourne vivement et pointe mon arme sur l’épaule du gamin, tirant trois coups avec précision. Je mets le cran de sécurité et regarde le garçon devant moi avec un petit sourire. « Ça c’est juste ma marque personnelle. Maintenant petit con, parle-moi de toi. » Je tire ma propre chaise près de lui, ne me souciant que très peu de sa blessure. Une des filles nettoiera le sang plus tard.

new city, new friends they say

Le coup de poing fuse dans ma mâchoire d’un seul coup. Je n’ai rien le temps de voir, rien le temps de faire. Je ferme fort les yeux, retenant un grognement agacé. Et aussi de douleur, parce que … ça fait mal quand même. Je pose deux doigts sur ma mâchoire, histoire de la dégourdir un peu. Je ne bronche pas. J’entends un autre homme s’exprimer dans une langue nordique. Je ne comprends pas ce qu’il dit, et tant mieux je crois. J’ai envie de fuir. Mais je crois que ce taré me rattraperai et me tuerai dans un caniveau.
Un sourire malsain se dessine sur les lèvres de Kristjan lorsqu’il me souffle sa fumée au visage. Plus utile vivant ? Je fronce un peu les sourcils, sans voir où il veut en venir. Je ne sais pas quoi répondre. Peut-être que oui, il a raison. Peut-être que non. Peut-être que je serais utile, ou au contraire, un vrai calvaire. Je le vois retourner à son bureau, une arme à feu à la main. J’ouvre la bouche.

Puis soudain c’est le noir complet. Les sons autour de moi deviennent sourds et j’entends juste trois coups de feu. Ils résonnent distinctement, avant qu’une douleur lancinante s’éveille à mon épaule gauche. Un cri, un seul. Juste de la douleur, rien d’autre. Ma main droite, tremblante comme une feuille va toucher ma blessure. En voyant le sang sur mes doigts, je deviens pâle comme un linge et manque de vomir. J’ai juste envie d’appeler à l’aide. J’ai peur. J’ai mal. J’ai l’impression qu’à présent le moindre faux pas peut me couter la vie. Je bégaie, tremble. Finis le mur où je joue les forts, là, je ne suis plus qu’un gamin apeuré. « Qu’est-ce que … qu’est-ce que vous voulez savoir … ? » je prie pour que les nerfs de mon bras ne soient pas touchés. Je prie pour qu’on vienne me sauver. Je prie pour qu’il ne remarque pas les larmes de douleur, de peur qui se sont glissées dans mes yeux foncés.

made by LUMOS MAXIMA

And now we meet again.

 

À voir sa réaction, il n’a jamais vu quelqu’un se faire tirer dessus dans sa vie. Son air terrorisé lorsqu’il voit le sang rougir sa manche me fait rouler les yeux. Il a intérêt à pouvoir m’être utile, le gamin, car ce n’est certainement pas moi qui vais l’épargner. Quoiqu’en même temps, il ne doit pas y avoir beaucoup de meurtres dans le coin. C’est une petite ville, les gens vont facilement réaliser qu’il est mort. Je tire sur ma cigarette un instant, alors que je m’installe devant lui. Il ne répond pas tout de suite à ma question et en même temps c’est tout à fait normal, puisqu’il est encore sous le choc. Mais je n’ai pas le temps à perdre avec sa nervosité ou son effroi, moi. Je veux qu’il aille droit au but. Je vois bien qu’il souffre et lorsqu’il me répond en bégayant, je sens la terreur dans sa voix. Il n’a sans doute jamais rencontré personne dans mon genre. Je jette un œil au russe qui observe toujours la scène avec les deux filles. Celles-ci regardent ailleurs, visiblement choquées par ce qui se passe. Je regarde le jeune homme qui a les yeux brillants, à présent. Non mais ça va, il ne va quand même pas pleurer, merde.

« Alors je répète. Mon collègue ici m’a dit que tu étais un héritier d’une marque de vêtements, c’est bien ça? » Je prends une pause. Il m’a bien dit s’appeler Klein, n’est-ce pas? Le déclic se fait rapidement. « Calvin Klein, bien sûr. J’aurais dû y penser. » Je ricane, exhale la fumée de ma clope en direction de son visage uniquement pour l’embêter. On vient tout juste de commencer notre petite discussion et je cherche déjà une façon dont il pourrait m’être utile en vie. « Alors, gamin, dis-moi, tu fais quoi pour la business de ton grand-père? Tu dois sans doute te pavaner et faire le mannequin, c’est ça? » Je le regarde de la tête au pied. Il n’a plus l’air aussi arrogant maintenant avec son bras en sang. « Parce que si tu fais que jouer au modèle, tu me serviras pas à grand-chose… » Je le regarde sévèrement. Il doit avoir des parts de l’entreprise. Ou peut-être pas. Je ne connais pas trop le monde de la mode. Olivia pourrait savoir mieux que moi sur ce coup.