Sebastian & Erilys

Le quotidien des Carter n’était pas des plus roses et pourtant, il y avait des moments de bonheur qui permettaient aux trois jeunes adultes de se façonner de nouveaux souvenirs ensemble. Au moins ceux-là n’étaient pas fondés sur des mensonges et c’était agréable de sentir un nouveau vent de vérité planer autour d’eux. Certes, ils ne savaient toujours pas qui ils étaient, mais au moins ils étaient ensemble et ça changeait beaucoup de choses. Mais ce qui revêtait également une importance capitale pour Erilys était qu’elle avait rencontré des personnes qui comptaient réellement à ses yeux, des gens qui resteraient gravés dans ses souvenirs quoi qu’il puisse lui arriver à l’avenir. Bien sûr, elle redoutait de devoir leur annoncer dans un futur plus ou moins proche qu’elle ne s’appelait en fait pas du tout Erilys, mais plutôt Courtney, Marlow ou n’importe quel autre prénom qui n’était de toute façon pas celui qu’elle avait porté durant les vingt premières années de sa vie. Ça ne serait pas de sa faute, évidemment, mais tout de même, c’était quelque chose de difficile à expliquer d’autant plus qu’elle n’avait expliqué à personne ce qui lui était arrivé et qu’elle était à la recherche de ses origines. Enfin si, certains le savaient comme Sebastian, mais il croyait simplement qu’elle faisait un retour dans le passé en tentant de retracer la généalogie familiale et non pas qu’elle cherchait en réalité qui pouvaient bien être ses vrais parents et ce qui avait bien pu lui arriver. Avoir le jeune garçon à ses côtés durant ses investigations s’était avéré être une excellente chose pour Erilys, sans le savoir il parvenait à lui donner des pistes, à l’orienter, à la rassurer lorsqu’elle commençait à baisser les bras faute de trouver de vraies informations et à la booster si ça lui paraissait nécessaire. La jeune fille lui devait beaucoup et pas que pour ça, d’ailleurs. Elle se souvenait parfaitement bien de leur première rencontre, il l’avait attrapé dans un rayon de la boutique dans laquelle elle travaillait et lui avait demandé à voir son sac à dos. Erilys avait paniqué sachant pertinemment que toutes les petites bricoles qu’elle avait dérobées se trouvaient dedans. Evidemment, elle avait fini par s’exécuter, les genoux tremblants et les mains moites sans trop savoir ce qui allait lui arriver, elle avait même tenter de bredouiller d’une toute petite voix qu’elle avait l’intention de payer, un énième mensonge parmi tous ceux qui l’entouraient en temps normal. Sauf qu’il n’avait pas du tout cru ce qu’elle lui racontait et Erilys avait commencé à avoir vraiment peur de devoir aller au poste de police. Ça aurait été une catastrophe pour elle comme pour ses frères et sœurs, ils ne savaient pas si leurs parents étaient morts ou s’ils été recherchés pour fugue ni rien de ce genre, est-ce qu’on pouvait rechercher des enfants pour fugue alors qu’ils n’avaient que vingt ans d’ailleurs ? Bref, dans tous les cas avoir un casier judiciaire serait une très, très, très mauvaise chose pour elle et ça ne pouvait clairement pas se produire. Alors lorsque le vendeur de la petite boutique avait décidé de faire preuve d’indulgence et lui avait permis  de s’en aller en rendant simplement ce qu’elle avait dérobé, Erilys s’était sentie flotter sur un petit nuage, il l’avait aidé à rattraper un faux pas qui aurait pu lui coûter énormément. La jeune fille s’était promis de ne plus voler après cet affreux événement et lorsqu’elle avait revu le vendeur, elle s’était empressée d’aller le remercier chaleureusement, ne sachant pas trop quoi dire de plus pour montrer à quel point elle éprouvait de la gratitude envers ce geste qui aurait pourtant pu sembler anodin pour la plupart des gens. Ils étaient devenus amis au fil du temps et c’était en abordant le sujet de leurs problèmes familiaux respectifs, sans trop entrer dans les détails qu’Erilys avait appris qu’il était à la recherche de son père et qu’il voulait essayer de retrouver sa trace. C’était un point commun qui les avait énormément rapprochés et il n’était pas rare qu’ils passent une soirée en tête-à-tête à la mairie à effectuer différentes recherches en fonction des fils conducteurs qu’ils parvenaient à dégager au fil du temps. Ils tâtonnaient un peu, bien sûr, mais ça ne les empêchait pas de continuer. Heureusement, il leur arrivait de se retrouver dans un tout autre contexte également ce qui n’était pas plus mal, ils allaient finir archivistes à ce rythme. Aujourd’hui, ils avaient prévus de se retrouver au Daily Donut alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis ce qui semblait être une éternité pour la jeune fille. Il y a quelques jours, elle s’était étonnée de cette absence de nouvelles et elle lui avait envoyé un texto pour savoir s’il accepterait de la voir, et maintenant elle se retrouvait devant la devanture de la fameuse boutique à attendre son ami avant d’aller absorber sa dose de sucre journalière. Son estomac gargouillait déjà à la vue de cette vitrine pour le moins appétissante et heureusement Sebastian ne tarda pas à se montrer, il la connaissait sans doute assez bien pour savoir que s’il la faisait trop attendre, elle risquait de dévaliser le magasin à elle toute seule en une poignée de minutes. Elle s’approcha de lui pour se hisser sur la pointe des pieds et lui coller un baiser amical sur la joue. « T’as pas changé. » Constata-t-elle avec humour en le dévisageant de la tête aux pieds. « J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne t’ai pas vu, ne me dis que tu étais parti en vacances ! » Si comme elle il ne roulait pas sur l’or, il y avait peu de chances qu’il ait pu se permettre une telle folie, et puis de toute façon, elle plaisantait simplement, ça arrivait forcément de ne pas voir un ami pendant quelques temps, ça ne voulait pas forcément dire qu’il y avait une raison particulière à ça, ils n’en avaient tout simplement pas eu l’occasion, voilà tout. « On rentre ? Je dois t’avouer que j’ai trop la dalle, j’ai failli ne pas t’attendre pour aller commander, l’estomac avant tout, mais j’ai quand même eu des scrupules, je me suis dit que ça ne serait pas très poli. Et je veux tout savoir sur ce que tu as fait pendant l’été ! » Erilys n’avait aucun mal à se reconvertir, devenir l’inquisition en personne ne la dérangeait pas le moins du monde, c’était à la personne en face d’elle de lui faire si jamais elle trouvait ses questions gênantes, de son côté la jeune fille n’avait pas vraiment de filtres quand elle était proche de quelqu’un elle pouvait se montrer nettement plus loquace qu’habituellement. En revanche, pour ce qui était de parler d’elle-même c’était autre chose, il y avait trop de choses qu’elle ne pouvait pas dire.

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