Drowning Sorrows - Naël & Nola

Drowning Sorrows

(Racine) ▽ Je ne trouve qu’en vous je ne sais quelle grâce. Qui me charme toujours et jamais ne me lasse

Je viens de finir d'emménager. Je pensais ne jamais pouvoir finir ! Il faut dire que j'étais seul au milieu de tous ces meubles... Seul, je l'ai toujours été... Enfin... Presque ! Je le suis en réalité que depuis la mort de mon père... J'esquisse un petit sourire triste face à l'ironie de mon erreur : cela faisait tellement d'année que je vivais seul que j'en avais oublié l'époque où j'avais des amis, de la famille...
J'avais fini d'emménager et personne avec qui fêter ça. Je suppose qu'il y a un lieu pour les gens comme moi dans cette ville...

En me baladant sans but dans le Sud de la ville, je tombe sur un bar : Le "Dirty Bird Lounge". Sans doute un lieu où je pourrai m'adonner à ma pratique favorite : la boisson. Je remarque que la tenue correcte est exigée. Une chance que je me promène souvent en chemise et costar ! Quant à mes moyens financiers, je peux vivre encore 200 ans sans travailler ! Je m'installe sur les hautes chaises du comptoir et commande un Whisky : mon seul ami depuis bien trop longtemps. La nuit promettais d'être longue car je tiens particulièrement bien l'alcool. Les verres ne me permettent plus d'oublier le passé... Cependant je ne me démonte pas si facilement. Il y a un peu de réconfort à avoir sa routine...
Malgré mon humeur massacrante, je ne contraste pas spécialement avec l'ambiance générale du bar. La fête bat son plein et je fais mine de m'y intéresser. Je ne veux pas me faire remarquer ou faire "tâche" dès le premier jour. Ni les jours suivants d'ailleurs...

Je vois une jeune fille s'approcher du comptoir pour commander. Elle m'attire le regard... Elle a une sorte de charisme. Elle se détache du lot. Je n'arrive pas à détacher mon regard d'elle. Ce n'est pas sa beauté qui me frappe, mais plutôt un pressentiment. Comme si quelque chose de grand pouvait arriver avec cette personne. Je dois sans doute délirer, j'en suis à mon 3ème verre. Toujours est-il que mon regard ne se détache pas d'elle. Pourvu qu'elle ne me voit pas... Je n'ai pas envie de converser avec qui que ce soit... Ou peut-être seulement avec elle... Je ne sais pas, je ne sais plus... Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

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Ce qui devait arriver arriva : elle m’a repéré. Elle n’a pas l’air du tout d’humeur… Sans doute dans le même état que moi ! Je baisse furtivement la tête puis la redresse pour plonger mes yeux dans les siens et lui décocher mon plus beau sourire. « Non mais ça pourrait finir par arriver… ». Je ris de la piètre qualité de ma réplique et m’excuse aussitôt. « Oui… une réplique typique des dragueurs de comptoir ! Désolé ! » Je ne perdais pas mon sourire et la voir un peu en colère m’amusait. Cela faisait longtemps que je n’avais pas éprouvé un petit plaisir tel que celui-ci.

Je prends un air plus sérieux : « Désolé de vous avoir scruté comme ça… C’est juste que… Euh…”. Je marque une pause. Je n’arrive pas à articuler quoi que ce soit comme excuse. C’est bien la première fois que je suis tenu en échec de la sorte. Je m’obstine. “C’est juste que vous… vous dégagez quelque chose... une force… » Un autre silence embarrassant… « Je m’appelle Naël je viens juste de débarquer ici… C’est mon premier jour.” A cet instant je dois avoir un sourire timide complètement ridicule. Enfin je suis sûr que n’importe quelle fille trouverait sa “mignon” mais moi je me sens juste con… Je fini mon verre pour me donner une quelconque contenance. Elle garde son regard sur moi et le silence est une torture. Cette fille a vraiment quelque chose… Ce « je ne sais quoi » qui fait toute la différence. S’il te plait bel ange… dit quelque chose, gifle moi, fait n’importe quoi mais ne me laisse pas comme ça. Je ne supporte pas le silence de la solitude. Je ne le supporte plus.

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Elle me répond avec un sourire inespéré. Bizarrement je suis soulagé. Elle s'appelle Nola. C'est jolie comme prénom ! Elle semble contente et surprise du compliment que je lui ai fait. Je plonge à nouveau mon regard dans le sien avec un air des plus sérieux : "Je le pense sincèrement...".

En revanche je sais pas si c'est l'alcool ou une gène profonde mais elle ne semble pas du tout à l'aise. "Ca va ?" Je dois avoir une mine un peu inquiète en lui disant ces mots. Mine que je n'ai plus eu depuis très longtemps. Pour être inquiet faut porter un intérêt à la personne or cela faisait longtemps que j'avais abandonné l'idée de croiser une personne digne d'intérêt. "Tu.. euh.. vous voulez quelque chose à boire ? Quelque chose genre... sans alcool ?". Merde ! Je dois encore passer pour un imbécile. Je suis exaspéré par ma façon de parler. Elle doit penser que je suis une sorte de pilier de bar, toujours à ressortir les mêmes choses aux jeunes filles présentes au comptoir... Pas capable d’aligner un mot devant l'autre à cause des 15L d'alcool ingurgité au préalable. Pourtant je suis sobre... Pffff ya des jours où je devrais pas sortir de chez moi. Ça serait mieux pour tout le monde ! Mais une fois lancé je peux difficilement m'arrêter...

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« Ça va, je suis juste un peu...seule ces derniers temps. Enfin bon, on est pas là pour parler de mes problèmes. Vous allez bien vous ? » Je souris encore plus à cette phrase là. Une éternité que quelqu'un ne s'était pas intéressé à moi. Cependant je ne changeait pas d'avis, je voulais savoir ce qui n'allait pas. Elle avait un petit regard triste qui quelque part me touchais beaucoup. J'étais surpris de tout les sentiments qu'elle ravivait chez moi. Cela faisait quoi ? Genre 15 minutes qu'elle était ici et déjà je me sens revivre. Mais il faut que je fasse attention... ne pas m'attacher trop vite. Le destin a une fâcheuse tendance à m'enlever les gens que j'aime... Ne pas s'attacher, facile à dire et facile à faire d'habitude. Mais ce soir il en est autrement...
"J'accepte volontiers le verre, mais l'alcool va être nécessaire pour ce soir, vraiment. Vous ne buvez pas ? De l'alcool j’entends." Je rigole à cette question et lui désigne mon verre de Whisky. "Si je bois... ...et beaucoup trop même !" Je pose un regard bienveillant sur elle "Et pourquoi on ne pourrait pas être là pour parler de vos problèmes ? J'ai pas l'air d'être une oreille attentive c'est ça ?" Je lui fait un sourire amical pour la mettre en confiance et me mettre en confiance. Je la connaissais à peine mais je l'appréciait déjà. "Si ça vous gène d'en parler je comprend et on arrête là !" Pour rien au monde je veux que cette soirée se termine.

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« Je commence par quoi ? Mon avortement secret, mon enlèvement par des terroristes afghans ou tout simplement par l'énorme mensonge sur lequel je construis ma vie aujourd'hui ? » Là elle commençait à m'intéresser ! Soit elle était complètement ivre, soit elle avait une vie aussi dingue que la mienne. J'en avais vu des gens pendant ma longue exile. Ils étaient franchement pas intéressant, pour pas dire complètement chiant... Mais elle, c'était la première vraie rencontre que je faisais. Si Siloam Spring regorgeait de surprise comme celle là, je me devais d'y demeurer !

Cette fille est complètement perdue, tout comme moi. Je sais pas si c'est une bonne chose, elle et moi... Peu importe, je me fous des conséquences : comme toujours. Je lui dit en désignant les bouteilles vides "Supposons que vous ne dîtes pas ça sous l'effet d'un quelconque breuvage, on va jouer à un jeu. Vous m'en dîtes plus. Vous choisissez de quoi vous parlez et moi je vous écoute. Si jamais j'en ai le droit, je vous donnerai mon avis sur la question. On fait ça ?"

Parler d'elle rend les choses plus faciles. Je n'ai pas envie de raconter ma vie. Personne ne doit savoir. Je n'ai aucune envie d’apitoyer mon monde ou je ne sais quoi ! Ils ne doivent savoir, ni pour mes pertes affectives, ni pour mon héritage. Pour rien du tout ! Siloam Spring et le Dirty Bird lounge ont une odeur de Whisky et de nouveau départ. Pour rien au monde je ne ternirai cette enivrante senteur. Rien au monde.

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« Et je gagne quoi moi ? Laissez-moi établir mes règles, une confidance pour une confidance. Je vous raconte ma vie, vous me racontez la vôtre. Ca me paraît bien plus drôle comme jeu, bien plus dangereux pour nous deux. » Mon sang se glaça. Je n’étais pas sûr de vouloir jouer ce jeu dangereux. Pas ce soir… J’essaye de ne pas me démonter devant elle. « Je préférerai éviter de faire ça ce soir. C’est mon premier jour ici, je ne vais pas me compromettre ! J’aimerai rester ici un petit moment… Ecoutez : si je vous promets de vous raconter une autre fois ? Vous me faites confiance ? Oui je sais on se connait pas… mais j’aimerai au moins ne pas parler de mon passé aujourd’hui… » Je lui fais un petit regard triste, même pas exprès en plus ! Mon passé n’allait pas me gâcher la vie ce soir. Je pourrai très bien mentir mais je n’ai aucune envie de lui faire ça. J’ai étrangement envie d’une relation sincère ! Je pense que si elle insiste, rester vague est une bonne solution !

« Des shoots de whisky pour que les confessions soient plus croustillantes peut-être ? Si vous êtes à sec, aucun soucis, je paye. Je suis prête à tout pour passer une bonne soirée.» Elle me fait rire, c’est certainement pas des shoots qui vont me faire débiter des conneries ! Depuis le temps, c’est comme boire de l’eau ! De plus, je n’aime pas étaler mon argent mais je suis pratiquement sûr d’être plus riche qu’elle… Je lui réponds alors tel un gentleman « Quel genre de compagnon je ferais si je vous laissais payer ? » Je lui souris. Je suis bien ici avec elle. Je sens que je vais m’amuser et c’est ce qu’il compte !

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« Je ne sais pas pourquoi, ni comment, ni pour combien de temps, mais là tout de suite, je vous fais confiance. Alors commencez, posez vos questions et je satisferais votre curiosité du mieux que je pourrais. » On se rapproche. Ce qui se passe dans ce bar remet en cause les fondements même de ma vie. Je suis prêt à oublier les 15 dernières années passés à souffrir seul si tout ceci n’est pas un rêve. Je ne suis pas du type à faire des gossips. Loin de moins l’idée d’aller à la pêche aux informations pour ensuite les utilisées ultérieurement. Il semble qu’elle l’a remarqué, sinon elle ne serait pas si ouverte. C’est un bon point.

« Je vous connais à peine alors commençons par les bases ! Ça fait combien de temps que vous vivez ici ? Pour les informations plus compromettantes j’aurais pour question la suivante : A quel moment votre vie s’est transformée en un désastre total et complet ? » Chacune de ses réponses m’intéressent réellement et j’essaye de le lui faire comprendre par mes attitudes, mes sourires, mon ton. « Alors c'est partit. Profitons juste d'être ensemble. » Pour le coup c’est exactement ce que je voulais faire. C’est pour cette raison que pour la première fois depuis 10 ans, je me surprends à prendre un Coca. Me surprendre n’est pas vraiment le mot. Je sais pourquoi je fais ça. Je veux me souvenir dans les moindres détails. Je veux que ce soit réel. Nola, ce nom commençait déjà à raviver une flamme longtemps éteinte au fond de mon cœur desséché. Serait-ce la clé de ma rédemption ? Si c’est le cas, ma rédemption à une voix exquise et se présente dans les plus aimables formes.

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"Pour répondre à vos questions, j'ai toujours vécu ici. Enfin presque, je suis partie l'année dernière à vrai dire, et je viens de rentrer. Sinon, ma vie est devenue un parfait enfer il y a un an aujourd'hui. Jusqu'à ce jour, je vivais presque dans le bonheur total, si c'est possible. Vous avez d'autres questions ?" Quelque chose a du se passer l’année dernière. Je ne sais pas quoi faire… Est-ce que je pose la question ? Est-ce que je reste dans le doute ? J’ai terriblement envie de savoir. La peine est faite pour être partagée entre ami. Un peu tel un fardeau plus facile à porter avec deux paires de bras plutôt qu’une. Et manifestement, il faut que je le porte avec elle. Courage.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé… » Je marque une pause. Je n’aime vraiment pas me mettre dans la vie des autres. Je trouve ça franchement malsain. Ça doit se porter sur mon visage parce que pendant ce silence elle ne me regarde pas spécialement bizarrement… Comme si elle savait que je n’étais pas fan des « scoops ». Je ravale ma salive et repart à la charge. « Qu’est-ce qu’il s’est passé il y a un an ? Quel désastre a pu vous pousser à partir si loin de chez vous ? » Je l’ai fait. Maintenant il n’y a pas de retour en arrière. Enfin si. Là je pourrais partir en courant, prendre ma voiture et partir vers une autre ville. Ne pas me retourner, ne jamais revenir. Mais une fois sa réponse énoncée, je m’engage à rester. Pour elle et peut-être un peu pour moi. La confiance telle le cristal est précieuse et facilement cassable. Pour le moment, il s’agira de réparer les dégâts causés. Bientôt, le cristal deviendra diamants : tout aussi précieux mais incassable. Nous le porterons fièrement, le brandirons. Nous pourrons dire alors: « J’ai survécu à l’abime de ma solitude. ». J’ajoute alors pour compléter ma question et aussi pour m’en convaincre moi-même. « Personne ne devrait être chassé de chez lui…»

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« Je vous préviens, je n'ai jamais dit ça à personne, si j’apprends que vous l'avez répété à quelqu'un, votre vie risque de rapidement devenir un enfer.. » Je souris. Elle me fait rire avec ses menaces, c’est mignon. Je me contente de lui répondre aimablement : « Et comment comptez-vous déchaîner l’enfer sur l’enfer lui-même ? Je vous promets que j’en dirai rien !» Les confidences rapprochent les gens, et pour un rapprochement, c’était un rapprochement ! Si j’étais l’unique détenteur de son secret, les choses étaient sérieuses ! Elle semble se donner toute la peine du monde à se calmer. Elle commence alors sa confession : « Des histoires de cœurs... Je suis tombée amoureuse mais malheureusement, je suis tombée enceinte aussi. C'était mon choix de partir, j'ai juste du mal à l'assumer aujourd'hui. » Cette histoire me procurait un drôle de sentiment. Ce genre de mésaventures sont à la fois si rares, mais aussi si… banales… Je me contente de la rassurer : « Loin de moi l'idée de minimiser vos problèmes mais c’est des choses qui arrive, vous êtes encore jeunes, c’est certainement pas la fin du monde » Je lui souris pour la rassurer aussi bien que je le peux. Je suis ne suis pas habitué à ce genre de rôle, celui d’un bon ami qui réconforte, mais quand les occasions se sont présentés, il semblerait que j’ai plutôt bien joué le jeu.

« Vous avez un « chez vous » vous ou vous êtes simplement du genre libre, voyageur ? ». Sa question résonne dans ma tête comme un coup de tonnerre. Ma gorge se sert. Cela faisait longtemps que l’on ne m’avait pas posé la question… J’avais essayé de mettre tout ça de côté. Mes yeux commencent à s’embuer de larmes. Pas des larmes abondantes mais suffisamment pour que l’on puisse les apercevoir. Je me décide à lui répondre : « J’ai eu un chez moi une fois… » C’est tout ce que j’ai trouvé le courage de dire. Les souvenirs font parfois plus mal que les coups, et un coup, je viens d’en prendre un en pleine face avec cette question.

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"Ah oui ? Comment peut-on perdre son "chez soi" ?" Je suis encore sonné par sa précédente question. Les souvenirs reviennent. Cela faisait longtemps que j’avais laissé cette partie de moi endormie. Elle refaisait surface. Ne pas en avoir parlé pendant près d’une décennie n’aidait pas forcément… Je veux tout de même lui répondre. Je dois juste me reprendre, je lui dois bien ça.

« Lorsque, toutes les personnes qui faisaient de cet endroit un « chez soi » ne sont plus là… Ce n’est plus la même chose, ça perd toute sa saveur. C’est comme perdre une partie de soi. Les rues sont les mêmes mais l’âme même de la ville a disparu… ». Je marque une pause. Ce que je m’apprête à lui dire, je ne l’ai jamais dit à personne mais vu le ton de la conversation, je lui devais bien ça, une fois encore… « J’ai failli avoir un nouveau chez moi… Une fois… J’aurais pu me poser, peut-être vivre heureux. Mais j’ai paniqué. Alors j’ai tourné les talons. J’espère qu’un jour, cette chance s’offrira de nouveau à moi… »

C’était dur et à la fois libérateur. Les larmes ne quittaient pas mes yeux. Elles ne semblaient pas vouloir retourner d’où elles venaient, ni dévaler mes joues. Je termine ma « révélation ». « Tout ce qui me reste de mon passé, c’est une relation épistolaire… C’est ce à quoi je m’accroche, ce qui me donne l’espoir d’un jour sortir du gouffre. »

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"Vous attirez ma curiosité ? Comment une telle relation peut-elle tenir à travers le temps ? Ça doit être... magique." Je lui souris, elle a l’air réellement intéressée. Ça me fait plaisir de lui raconter tout ça au final. « Je viens d’une famille où l’écriture et la lecture avait une importance toute particulière. De plus j’ai passé pas mal de temps seul et j’ai pu essayer divers loisirs : le dessin, l’écriture, la musique… Ce genre de choses. Du coup c’est un plaisir pour moi d’écrire. Et quant à la durée de cette relation, c’est une amie d’enfance et pour rien au monde je la perdrai. C’est elle qui me rappelle d’où je viens. Et comme disait mon père, « On ne peut pas savoir où l’on va si on ne sait plus d’où l’on vient ». Un jour peut-être je la rejoindrai ou elle me rejoindra… Il faut juste du courage, ça semble idiot comme ça mais c’est tout ce qu’il me faut. » Je marque une pause. J'aimerai pouvoir lui parler de tas de trucs. Pas seulement mon passé mais aussi ce que j'aime faire, lui montrer que je ne suis pas seulement un homme accablé de tristesse. Mais chaque chose en son temps. Elle ne m’a pas coupé et elle semble boire mes paroles. Je prends tout de même les devants. « Euh… si je vous gave avec mes histoires vous pouvez me le dire. Je n’aimerai pas vous importuner… ».

Je me sens de plus en plus en confiance avec elle. Je n’étais pas parti pour lui raconter toutes ces choses, mais maintenant je me dis : Pourquoi pas ? Je remarque qu’il a une grande distance entre elle et moi. Au début ça ne me dérangeait pas, c’était une distance de sécurité, mais là ça commence à faire « relation cordiale et sans plus. ». J’entreprends de rapprocher ma chaise, en espérant qu’elle ne trouve pas ça bizarre. Je souffle un bon coup et reprend la parole « Je suis prêt à répondre à toutes vos questions. Ça ne sert à rien de tout garder pour une prochaine fois. Je me trompe peut-être mais j’ai le sentiment que je peux vous faire confiance. Peu importe ce que vous avez comme interrogation, j’y répondrai de la manière la plus juste possible. Je m’engage à le faire. Et vu que je suis un parfait inconnu vous pouvez avoir confiance en ma parole » Je rigole doucement à cette idée et me prend un mojito. Ça ne fera pas de mal.

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"Personne n'a jamais eu confiance en moi et je n'ai jamais eu confiance en personne, je suppose qu'il faut une première fois à tout. Alors, pourquoi pas commencer par vous ?" Je souris, une sorte de vague de plaisir m’inonde, comme une délicate ivresse dont on ne se lasse jamais. Je pense que c’est ce qu’on appelle le bonheur d’être ensemble. Je ne savais trop quoi poser comme question. Jeu dangereux mais jeu intéressant, passionnant. Je tente une petite question d’introduction : « Vous avez encore des… amis ici ? Des gens que vous appréciez ? ». Je marque une pause et je rigole à moitié puis je reprends : « La vraie question c’est, est-ce que je fais bien de rester où est-ce que je vous prends dans ma valise pour partir loin d’ici ? Et encore plus précisément, est-ce que la population est agréable ? Il s’agit d’éviter de se faire avoir les premiers jours… ».

Je profite du temps de réponse pour la regarder plus intensément. Elle a ce petit sourire, délicieux. Le sourire qui se transmet d’une personne à une autre. Le sourire qui met à l’aise. C’est vrai qu’elle est ravissante ! Elle porte dans son regard l’aventure qui anime mon cœur. Avec elle, je pourrai partir pour toujours, loin, toujours plus loin. Les hauts parleurs diffuse une douce musique, j’arrive à capter les paroles : « Oh Something good... Oh something good tonight makes me forget about everything for now ». Ca ne pouvait tomber mieux. Oui, avec toi, j’oublie tout.

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"Disons que.. Je ne suis pas forcément en bons termes avec les gens que je fréquente ici alors je risque de ne pas être très objective. Je vous conseillerai de vous faire votre propre avis sur la question." J’acquiesce mais je m’empresse de lui répondre : « Si les habitants de cette ville n’arrive pas à s’entendre avec une femme de votre calibre, c’est qu’il ne mérite pas que je m’intéresse à eux l’espace d’une seconde. ». Elle semble me scruter, m’analyser ou je ne sais quoi. Ses yeux ne semblent pas vouloir se détacher de moi. Je me sens happer par son délicieux regard. Je ris doucement : « Hum j’ai quelque chose sur le visage ou quoi ? »

Je pose mon regard une nouvelle fois sur elle. Je regarde son visage à mon tour : il est un peu fermé. Je sens qu’elle ne se sent pas à sa place. Ça n’a aucun rapport avec le lieu. Tout à avoir avec la situation. Elle doit faire partie des nombreuses personnes, dont je fais partie, qui ont été trop souvent déçues. Je prends alors un air plus grave, très concerné. Je suis même presque sûr que c’est le visage que l’on porte lorsque l’on s’inquiète pour les gens que l’on aime. Je lui dis : « Pourquoi vous repoussez les gens continuellement ? Pourquoi vous ne les laissez pas voir qui vous êtes réellement. Vous gagnez à être connue. » Peut-être que ça allait un peu péter l’ambiance mais j’avais vraiment besoin de savoir. J’avais envie quelque part de la « protéger ». Quand je suis entré dans ce bar, j’avais l’envie irrépressible de me tirer en voiture jusqu’à la prochaine ville. Et à l’instant, j’avais la seule envie de la rendre heureuse. Comment j’en étais arrivé là ?

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