Je me relevai en toute hâte, des mèches de cheveux me collant le visage. Soulevant le regard vers le jeune homme qui semblait vouloir me venir en aide, je me souvins d'un seul coup de son rire en arrière plan de mes précédentes insultes. Je fronçai les sourcils, verte de honte. « Bon sang, vous ne vous êtes pas ratée » lâcha t'il souhaitant sans doute en remettre un couche. Il me demanda encore si je ne m'étais rien cassée, je secouais la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre que tout allait bien.

" J'ai remarqué que je ne m'étais pas ratée, merci " répondis je d'un petite voix légèrement énervée par ses moqueries. " Je trouve juste ça dommage que cet accident soit tombé sur cette paire de chaussures, elles paraissaient pourtant solides pour ce temps là... Enfin je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça, je ne vous connais même pas veuillez me pardonner " déclarais je en reprenant le talon que l'homme avait ramassé. En ignorant un peu le sort de mes chaussures, je me rendis compte que cet homme avait beaucoup de charme et que je n'aurais sans doute jamais osé établir le contact sans cet accident. Je me contentai alors de le regarder sans dire un mot de plus en espérant qu'il insisterait peut être pour m'accompagner au marché de noël parce que je venais d'arriver ici et je ne connaissais pas encore grand monde. 

Alors que je pensais visiter le somptueux marché de noël qui se tenait non loin de chez moi, je me retrouvais avec un de mes talons cassé et une coupe affreuse. Le jeune homme que je venais de rencontrer paraissait complètement ailleurs lorsque je lui parlais de la vie de mes chaussures, ce que je pouvais comprendre dans un sens. " Vous pouvez marcher ? " me demanda t'il de plus en plus soucieux de ma situation. J’acquiesçais et prenais le bras qu'il me présentait si gentiment. " Vous ne savez pas faire ce que font certains hommes dans les films lorsqu'ils cassent le deuxième talon pour que la marche soit plus facile ? " demandais je à la fois curieuse et envieuse de pouvoir à nouveau marcher correctement ; du moins du mieux possible.

Il déclara ensuite pour me rassurer qu'il était sans doute possible de trouver une nouvelle paire sur le marché de noël même. Je m'imaginais déjà toutes les vieux sabots en bois qu'on allait sans doute découvrir sur les stands. Je n'osais même pas imaginer mes pieds dedans, j'espérais donc sincèrement qu'il arrive à me mettre ma seconde chaussure au niveau de la première. " Je veux bien venir avec vous ; de toute manière je ne pourrais jamais rentrer seule avec ce temps et ces chaussures.... mais je ne connais même pas votre nom. Comment vous appelez vous ? " demandais je d'une petite voix.

 

Son visage parut se crisper lorsque je formulais ma demande. Je me demandais alors s'il avait déjà cassé un talon comme le font certains hommes dans les films. « Vous me prenez pour qui, monsieur muscle ? » me demanda t'il, semblant un brin vexé. Je souriais sans répondre et m'appuyais sur lui comme il venait de me le demander. Je l'écoutais parler calmement et engagea la parole : " Je suis sure que vos bras sont très confortables, mais je n'aurais pas osé vous demander ça... en général je me permet de bien connaitre la personne avant de tomber dans ses bras ". Le jeune homme tenta plusieurs façons différentes pour faire céder mon talon et rebel et lorsqu'il y parvint me rendit le bout de chaussure qu'il me fallait. J'y glissai à nouveau mon pied et prenais appui sur son bras, ignorant l'hypothèse de son départ qu'il évoquait.

Il engagea à nouveau la conversation en se présentant et me demanda de faire de même. C'était curieux la manière dont il me mettait soudainement en confiance, il me suffisait de l'écouter parler et s'intéresser à moi pour avoir envie de répondre. " C'est un très joli prénom que vous portez... vous êtes d'ailleurs le seul que je connais qui s'appelle comme ça. Moi c'est Hécate... oui mes parents ont toujours eu un faible pour les noms antiques, surtout mon père " m'exclamais-je. Des souvenirs de mon enfance me revirent en tête en quelques secondes et le manque de mon père soudain resurgit sans prévenir. Ne souhaitant pas revenir en arrière pour déprimer face aux choses que j'avais perdu, je continuais de m'intéresser à cet homme qui me tenait par le bras. " Vous avez toujours vécu ici ? Je viens d'arriver donc j'ai un peu de mal à prendre mes repères. " dis je le regard se perdant dans les stands que nous dépassions.
 

« Et bien moi en général, j'attend de bien connaître une fille avant de lui enlever sa chaussure » rétorqua t'il. Je lui souris, ne sachant trop comment le prendre parce que même si le ton qu'il employait devait me faire penser à une blague, le sous entendu d'homme à femme ne me plu pas tellement. Il complimenta mon prénom et m'expliquant que le sien venait aussi de la mythologie mais différait quelque peu de par son panthéon. Effectivement, en y repensant Seth devait faire allusion à la branche égyptienne. Je devais avouer que je ne m'y connaissais pas vraiment mais on nous avait appris les dieux principaux de cette religion polythéiste au lycée et même un peu déjà au collège. Il m'expliqua ensuite qu'il n'était pas à Siloam Springs depuis très longtemps, un an tout juste et que la ville était bien petite, ce qui avait comme avantage de faciliter sa mémorisation. « Vous vous êtes donc installée ici ? Ou habitiez vous avant ? » demanda t'il encore, paressant s'intéresser de plus à plus à ma personne.

La facilité avec laquelle je pouvais m'adressais à lui me déconcertais à chaque minute. Malgré tout ce qu'il s'était passé durant ces derniers mois, ce jeune homme que je venais à peine de rencontrer arrivait à me mettre en confiance. Je gardais tout de même une petite part de méfiance, sans doute comme vestige du passé. " Oui je vois ce que je vous voulez dire, j'ai aussi remarqué que cette ville était très petite et c'est d'ailleurs une des raisons pourquoi elle m'a plu. Les habitants sont beaucoup plus aimables dans une ville de petite taille qu'une métropole je trouve ! " répondis dis le sourire aux lèvres avant de continuer sur ma lancée.  " Oui je viens d'arriver à Siloam Springs, et je dois dire que je m'y plais assez. Et puis je dois avouer que j'aurais eu plus de chance de vous rencontrer dans une petite ville que dans New York " plaisantais je. " Mais vous ne voulez pas qu'on se tutoie ? Ça me fait très bizarre de continuer à vous parler comme si vous n'étiez qu'un étranger.... "


 

« Tutoyons nous alors ! Pourtant nous sommes encore des étrangers, je te signale que je ne te connais que depuis dix minutes ! » répliqua t'il lorsque je lui demandais que l'on se tutoie. Après quelques secondes de réflexion, il n'avait pas tort et je savais bien à quel point il ne fallait pas se fier aux apparences. Sa réaction eut pour conséquence de refroidir la curiosité qui s'animait en moi lorsque je le regardais. Je savais bien qu'il plaisantait, mes ses mots me remémorèrent en un instant des mois de souffrance. Je touchais mon ventre, et regardai dans le vide quelques instants. Aurez je peut être été enceinte de mon bourreau si l'on ne m'avait pas découvert avant ? Peut être étais je trop naïve pour éviter les "mauvais garçons" comme disait ma mère. Le regard de Seth était pétillant et il n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions envers moi. De plus, rien dans ses paroles ni dans ses gestes ne pouvaient prévenir d'un esprit violent. Il enchaîna toujours sur le même ton de la plaisanterie que je ne l'aurais sans doute jamais eu la chance de voir l'artisanat de cette ville. Je lui souris encore une fois, gardant mes souvenirs et mes pensées macabres, me disant qu'il était bon que je fasse attention. " C'est pas faux " murmurais je tout en gardant mon sourire.

Je réfléchissais à ses paroles tout en me résumant la situation actuelle de ma vie. Tout paraissait si compliqué alors que je n'avais qu'une envie m'amuser. Soudain, Seth dégota une affreuse paire de sabots : " Regarde ses chaussures, je suis sur qu'elles t'iront très bien " déclara t'il tout en riant. Un rire cristallin s’échappa de ma bouche en réponse au sien qui était beaucoup trop contagieux pour que je reste de marbre. Après tout, ne suffisait il pas qu'on y aille en douceur pour éviter les mauvaises surprises que pouvaient cacher certains hommes ?
" Je pense que ce n'est pas avec ce genre de chaussure que je vous aurais séduite " répliquais je, ne cachant plus mon amusement. Cela faisait déjà quelques minutes que nous marchions dans le froid et mes pieds commençaient vraiment à en pâtir. " Vous habitez loin ? " demandais je alors ? Car tout est fermé dans le coin et je commence vraiment à geler " lâchais je en claquant à demi des dents. J'espérais qu'il me dise qu'il habitait à deux rues d'ici et que je pourrais me défendre avec mon tazer si jamais ça tournait mal.


 

« Et bien, moi non plus je n'ai pas l'habitude, alors choisis selon avec quoi tu es le plus à l'aise ! Même si ça m'embêterai que tu me vouvoie alors que je ne le fais pas ! » lâcha t'il. Je n'éprouvais aucune gène à le tutoyer, mais le fait qu'il le fasse avec moi avait le don de me filer des frissons pleins le corps. Cela pouvait paraître complètement absurde mais c'était un peu comme s'il rentrait dans mon intimité et qu'il pouvait lire en moi comme avec un livre ouvert. " Je préfère qu'on se tutoie, de toute manière ça ne change pas grand chose à part nous mettre plus à l'aise non ? " demandais je. Il avait paru surpris lorsque je lui demandais si nous pouvions faire une halte à son appart histoire de se réchauffer un peu. Croyait il que j'avais des envies déplacées ? J'espérais sincèrement que non ; dans le cas contraire je devrais me forcer à l'envoyer voir ailleurs. Son appartement n'avait pas l'air très loin d'après ce qu'il disait et ça m'arrangeait car mes pieds étaient en feu. Alors que je pensais tout de suite y aller, Seth me demanda si j'aimais les marrons et s'il pouvait en acheter avant notre départ pour nous réchauffer. J'hochais de la tête en me souvenant soudain de mon père qui adorait en déguster avec moi en hiver. Nous nous dirigeâmes vers le stand et Seth acheta deux cornets. C'est lorsqu'il paya le vendeur que je sentis son bras se détacher du mien. Je n'avais même pas remarqué qu'il m'avait entraîné de cette manière.

Nous nous étions mis à marcher depuis quelques minutes à présent et je me tenais à une distance rassurante de lui. Il engagea à son tour la discussion tout en me tendant le cornet qu'il m'avait pris : « Alors, je ne t'ai pas demandé ce qui t'avais poussée à t'installer ici ! Le travail sûrement ? Les amis, la famille ? … Les amours ? ». Les amours.... ce mot m'avait mené bien loin, et pour lui j'y avais presque laissé la vie. Je ne savais même pas réellement pourquoi ma mère et moi étions ici. Elle souhaitait qu'on se réconcilie et je souhaitais tout oublier. " Disons que c'est compliqué " achevais je en silence. Malgré le fait que je ne souhaitais pas en parler, j'éprouvais parfois le besoin de me confier à quelqu'un. " Et toi ? " demandais je timidement. Le froid me mordait de plus en plus les pieds et j'espèrais qu'on arrive bientôt à bon port.
 

Le fait de marcher avec ces chaussures sembler faire durant le voyage très longtemps. Nous marchions pourtant assez vite et la façade qui semblait appartenir à la demeure de Seth se dessina très vite devant nous. Alors que nous nous en approchions, il répondit à son tour qu'il était venu ici pour le travail et qu'il ne pouvait plus en partir, car il s'était attaché à cet endroit. En y réfléchissant, je m'étais aussi très vite sentie chez moi lorsque je m'étais installée à Siloam Springs et la gentillesse des habitants avaient aidé à atténuer cette peur qui me faisait trembler lorsque j'avais à faire à quelqu'un. J’acquiesçais, pour lui signifier que je comprenais totalement à quoi il faisait allusion. Seth paraissait sincère et son sourire sembler m'apaiser.

Nous étions maintenant devant la porte de là où il habitait et il du me demander de lui prendre ce qu'il avait dans les mains afin de pouvoir l'ouvrir. Je m’exécutais, profitant du fait que j'avais en ma possession les marrons pour en manger quelque uns. La porte émit un petit son lorsque la serrure céda et Seth se mit sur le côté pour me laisser sans doute passer : " Après vous, mademoiselle " déclara t'il dans un français parfait. Je souris, consciente que je n'avais jamais rien appris en cette langue et franchis le pas de la porte. L'espace d'un instant, un frisson me parcouru le long du dos mais je n'y prêtai pas attention. Je ne pensais pas être en danger avec cet homme et il me restait dans le pire des cas un bombe au poivre cachée dans la poche de ma veste. Alors que je pensais entre directement dans son appartement, je me rendis compte que nous n'étions qu'au rez de chaussé du bâtiment et qu'il fallait encore monter quelques étages. Seth me demanda alors si j'étais sure de vouloir y monter. Je fis mine de réfléchir et répondis : " S'il fait chaud en haut je vote oui. Mais si tu es en vérité un psychopathe je vote non. Donc on peut y aller ? ". Je lui emboîtais le pas pour monter quelques marches mais le faire avec de telles chaussures était un vrai parcours du combattant. Alors que je pensais avoir trouvé une bonne façon de marcher avec ces restes de chaussures, je loupais une marche et m'écroulais une nouvelle fois.
 

Le double sentiment de honte et de douleur m'envahit entièrement. J'avais cru entendre un demi avertissement concernant les marches mais je ne compris pas tout de suite qu'il parlait de cet escalier. Comme à mon habitude, je ne m'étais pas ratée et ma jambe droite était vraiment douloureuse. Néanmoins je secouais ma tête de droite à gauche lorsque Seth me demanda si je voulais qu'il me porte. Malgré le fait qu'il avait l'air d'être quelqu'un de bien, je n'aurais pas supporté d'être dans une position aussi vulnérable. J'essayais sincèrement d'être quelqu'un de normal mais certaines de mes réactions pouvaient paraître douteuses. Sans doute était ce à cause du fait que j'avais du mal à effacer le traumatisme que je venais tout juste de vivre. « C'est parce que vous êtes troublée ou vous êtes maladroite de naissance ? ». Cette question me tira de mes pensées et me fit rire ; combien de fois me l'avait on posé ! " Je suis vraiment quelqu'un de maladroite mais je dois avouer que ni les marches ni les chaussures que je possède m'ont aidé. " répondis je, me sentant soudain gênée. « Tu ferais mieux de les enlever une fois pour toute » ajouta t'il me tendant la main afin de mieux me guider dans cette patinoire. J'hochais de la tête mais préférais les enlever à l'intérieur.

C'est lorsque nous arrivions en haut qu'il lâcha ma main pour ouvrir la porte d'entrée. Je me dépêchai d'enlever ces maudites chaussures et suivit les indications de Seth pour me retrouver sur le canapé. J'étais encore frigorifiée et mes pieds étaient complètement mouillés. Tentant de les réchauffer avec mes mains, je réfléchissais à ce que je voulais boire. " J'aimerai un bon thé chaud si tu as ça, répondis je". Alors que Seth était dans la cuisine, j'en profitais pour regarder tout autour de moi. " J'aime beaucoup la manière dont tu as décoré ton appart " dis je en levant le ton pour qu'il m'entende. Avec tout ce que j'avais déjà vécu, je gardais mon sac tout près de moi afin d'avoir à portée ma bombe au poivre. " Tu es sur de ne pas avoir besoin d'aide ? " demandais je soudain.
 

Seth nous servit deux tasses d'une main de maître et finit par me rejoindre au salon. « Tu ne me dérange pas, ça me fait plaisir. Je reviens tout de suite » répondit il s'exécutant tout de suite. Il lui suffit d'à peine quelques secondes pour revenir avec un plaid et me le tendis d'une main. Je l'attrapai et me couvrais un maximum le corps. Je ne sais pas si c'était moi qui lui faisais cet effet, mais je ressentais de l'impatience dans tous les gestes qu'il effectuait. Néanmoins, il semblait toujours gérer au mieux ce qu'il disait et chaque phrase paraissait calculée. Je profitais d'être enfin au chaud pour attraper une des tasses disponibles posée sur la table basse qui me faisait face. Le thé était vraiment chaud, je reculais soudain mes lèvres de la tasse. " Aie " lâchais je, consciente que je m'étais encore brûlée. " Je suis vraiment maladroite et impatiente, je me suis encore cramée les lèvres " continuais je. J'avais toujours été de nature maladroite mais le fait que Seth m'intimidait n'arrangeait pas les choses. Alors que j'approchai à nouveau cette maudite tasse de ma bouche, Seth semblait s'intéresser à ma situation familiale et me posa la question fatidique. " Hum, c'est un peu compliqué à vrai dire... Je ne sais pas vraiment si je peux t'en parler dès maintenant, on ne se connait pas encore très bien et c'est tout frais pour moi. Disons que ma mère m'a un peu perdue dans la nature et a tout fait pour me retrouver. En gros elle a peur que je lui échappe à nouveau, tu comprends ? " Le fait que ma mère soit très possessive avec moi et fasse attention à tout ce que je faisais ne semblait pas enchanter ma nouvelle connaissance. Il me répondit que je pouvais y aller si vraiment j'avais une heure limite et que je pouvais bien sur revenir pour lui arranger sa déco. Je lui pris alors son numéro histoire de pouvoir se recontacter afin de prévoir ce nouveau rendez vous. J'avais presque fini ma tasse et alors que je me levai pour y aller Seth me rappela mon soucis initial de chaussures. " Je pense que je peux me débrouiller avec le reste de mes chaussures, j'habite à deux rues d'ici. ' répondis je, le sourire au lèvres. Soudain la sonnerie de mon portable retentit, c'était encore ma mère. " Je dois vraiment y aller, à bientôt " m'exclamais je dans la précipitation. Je remis mes chaussures en quelques secondes et passais le cadre de la porte. Une peur m'avait envahi durant ces quelques minutes et je devais rentrer pour y sentir à nouveau la sécurité de mon foyer.