Ma vie a pris un sens le jour où j’ai rencontré Lennon. J’avais l’impression de servir à quelque chose. Quand elle me demandait de la serrer dans mes bras parce qu’elle ne se sentait pas bien, quand on discutait pendant des heures et des heures de tout et de rien. Quand elle venait me chercher dans la rue simplement parce qu’elle ne voulait pas être seule, et qu’elle voulait partager un moment avec moi. Je n’ai jamais vécu ça avec personne d’autre. Lennon était pour moi la personne la plus importante qu’il m’ait été donné de rencontrer. Et la nuit que nous avons passée ensemble a été comme une consécration. Rien ne m’avait rendue plus heureuse. Personne ne pouvait le faire aussi bien qu’elle. Et puis, il y a deux semaine, j’ai appris que Lennon était décédée, juste après avoir rencontré Sydney, la soeur jumelle de Lennon. Ma vie est devenue un véritable enfer, je dois vivre avec la copie conforme de celle qui animait mon coeur il y a encore un an. Je crois que je préfèrerai mourir, rejoindre Lennon, plutôt que de rester là. Mais je porte la vie, et inconsciemment, je me dois de tenir le coup, encore au moins 3 mois, pour leur donner cet enfant et repartir le plus vite possible, comme je suis arrivée.
A côté de ça, il y a la vie qui suit son cours. Il y a de nouvelles rencontres, de nouvelles tête, de nouveaux espoirs de vivre une vie nouvelle. Je n’arrive pas à arrêter mon cerveau de penser à Lennon. C’est plus fort que moi. Cet après midi, j’ai décidé d’aller me promener, seule dans le grand parc de la ville. Besoin de me reconcentrer sur moi-même, et surtout de ne plus avoir sous les yeux cette femme qui me rappelle beaucoup trop mon passé.
« Tawny. » Je sursaute un peu et tourne la tête en entendant mon prénom. Cette voix m’est légèrement familière. Disons que ce n’est pas la première fois que je l’entends. Je pose alors mon regard sur Thélonie, esquissant un mince sourire. Thélonie me fait beaucoup penser à Lennon. Sa chevelure brune et ses yeux pétillants. Son sourire est communicateur. Nous avons passé une nuit ensemble, il y a une semaine. Till était assez alcoolisée, au départ, je ne voulais pas en profiter, j’ai essayé de mettre des distances mais la jeune femme s’est montrée suffisamment entreprenante pour que je craque, en pensant malgré moi à la seule femme que je n’ai jamais aimée.
« Désolée de t’embêter, mais je m’en voulais un peu d’être partie aussi précipitamment la… enfin la dernière fois… J’espère que tu ne m’en veux pas ! » Je me tourne complètement vers elle. L’espace d’un instant, je repense au petit matin, lorsqu’elle s’est réveillée et qu’elle a vu mon ventre, surtout, qu’elle a pris conscience. C’est avec un certain amusement que je l’ai laissée repartir, la laissant avec sa culpabilité d’avoir couché avec une femme enceinte.
Thélonie semble mal à l’aise, alors je souris. Parce qu’elle est touchant, et aussi et surtout parce que ma Lennon me manque, et que Till lui ressemble plus que je ne m’en souvenais.
« T’en fais pas, je t’en veux pas du tout. Je comprends que tu aies un peu pris peur… » Je grimace légèrement en baissant les yeux sur mon ventre. J’ai l’impression qu’il grossit à vue d’oeil. C’est horrible.
« Ça me fait plaisir de te voir. Tu vas bien ? » Je ne l’imagine pas étant une jeune femme qui boit régulièrment, mais plutôt pour oublier quelque chose, le temps d’une soirée. Sans doute a-t-elle vécu quelque chose de difficile ces derniers temps. Je n’ai pas réussi à en savoir plus pendant notre soirée. Il faut dire que nous n’avons pas vraiment pris le temps de discuter, nos bouches étaient occupées à bien d’autres choses.