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Mon quart vient de terminer, mais j’ai quand même accepté d’accompagner les pompiers qui allaient à l’hôpital raccompagner la vieille dame en état de choc. Trois types assez costauds pour une vieille femme de quatre-vingt ans, c’était un peu abusif, mais ça m’avait permis un truc. J’appuie sur le bouton de l’ascenseur pour aller à l’étage d’Azalyne, selon sa collègue, et j’attends patiemment d’aller rejoindre la jolie brunette. La porte s’ouvre et finalement je peux sortir. Je regarde autour de moi, puis accroche une préposée. Elle me sourit gentiment, puis après avoir discuté avec elle pendant quelques instants je constate qu’elle est surtout en train de me faire de l’œil. Je lui demande où se trouve Aza, puis la remercie et met fin à la discussion. Je n’aime pas vraiment avoir à rembarrer les infirmières, j’essaie de garder mes distances en général, contrairement à certains des pompiers qui draguent ouvertement les filles. Les gens auront beau dire ce qu’ils voudront, mon comportement avec Azalyne est toujours parfaitement normal lorsque l’on se voit ici. En fait, il est toujours plutôt normal, c’est les gens autour qui se posent des questions.

Je me dirige vers une chambre et je constate que la jeune femme est occupée. Je reste donc sur le seuil de la porte et je la regarde faire son travail sans la déranger. Je déteste la déranger pendant qu’elle fait son boulot, même si je sais qu’elle est supposée avoir déjà fini. Je sens des regards intrigués de la part d’autres infirmières sur le plancher qui me connaissent, et j’ai le pressentiment que lorsque je vais avoir quitté l’étage, ça va se mettre à jaser. Finalement, je vois apparaître la jeune femme qui sort de la chambre et je la laisse sortir, lui murmurant un « Surprise! » un peu idiot. Je n’ose pas la serrer dans mes bras, alors je me contente de lui sourire. « Je vais aller t’attendre devant l’entrée, d’accord? » Je lui fais un petit signe de la main et me dirige vers la sortie en prenant les escaliers cette fois-ci. Je ne suis pas vraiment un fan d’ascenseurs, il n’y a pas d’explication, c’est juste le fait que c’est petit, et que je dois trop souvent aller chercher des gens coincés dedans.

Je m’assois sur un banc à l’entrée de l’hôpital, près du fumoir. J’ai toujours trouvé ironique de voir des médecins en blouses blanches sortir fumer leur clope pendant une pause. Je jette un coup d’œil à la porte d’entrée, espérant voir Aza arriver. Je regarde l’heure. Elle ne devrait pas tarder.

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Dans ma tête, la scène se passe un peu comme dans les films; au ralentit. Je vois Azalyne arriver, les cheveux détachés. Elle s’est changé pour des vêtements plus normaux, et tient son sac à main. D’accord elle n’est pas maquillée et habillée comme un mannequin, mais je ne peux pas m’empêcher de sourire légèrement et de me dire que je la trouve vraiment belle. Seulement, je ne pense pas lui dire, de peur de la froisser. Je lui fais une place sur le banc, elle a l’air d’avoir passé une journée crevante, la pauvre. Pas comme moi, qui ai eu affaire qu’à des petites histoires idiotes. Je l’aurais serré dans mes bras, mais je sens les médecins plus loin, et j’ai toujours un peu peur qu’un de mes collègues passe et me surprenne sur le fait.

Je souris doucement quand elle me parle, j’aime savoir qu’elle est heureuse que je sois là. Je regarde un des gars de la caserne sortir de l’hôpital et me faire un signe de la main. Je lui rends son geste puis me tourne vers Aza. « Bah en fait, j’ai terminé depuis un moment…J’ai seulement décidé de suivre les gars jusqu’à l’hôpital. » Je fais un petit air coupable en laissant tomber mes explications. « J’avais envie de te voir, tu me manques. » Je constate que mes derniers mots ont l’air plutôt désespérés, et je baisse la tête avant de sourire, un peu mal à l’aise. « Je veux dire, t’es quand même ma plus proche amie présentement… Enfin, tu comprends quoi. » Bon, c’est une façon un peu nulle de tenter de me rattraper, mais je n’ai pas du tout pensé à ce que je lui ai dit. Mais effectivement, elle m’a énormément manqué, même si on se voit fréquemment et que j’ai souvent des appels de sa part. Je regarde autour de nous, il n’y a plus beaucoup de gens dehors, il commence à faire soir. Ça paraît que l’automne arrive, on dirait. Je regarde Azalyne, me demandant si je vais regretter d’être venu ce soir.

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Je n’ai pas honte de dire qu’avec le temps, mon cercle social s’est pas mal renfermé. En fait, je n’y vois pas de mal non plus, c’est tout simplement des chemins qui se séparent selon moi. Il est vrai par contre que présentement, je ne vois pas beaucoup de monde et m’isole, consacrant pratiquement toute mon existence à Azalyne. Alors quand je l’entends me raconter que son ami est trop pris et qu’il ne lui reste que moi, j’ai l’impression d’être seul au monde avec elle. Je sais bien que ce n’est pas vrai, et qu’elle a encore des amis et tout ça, mais me dire qu’elle pense à moi avant les autres me rend joyeux pendant un instant. Je me répète ses derniers mots, comme quoi je suis parfait, et j’ai envie de rire. Je ne me considère pas du tout comme tel, c’est simplement que j’ai horreur de montrer mes défauts et surtout le fait que je suis prêt à absolument n’importe quoi pour qu’elle m’apprécie.

Aza referme un peu sa veste et je fais la même chose. Il y a un peu de vent, mais rien de préoccupant. Une soirée d’automne, quoi. La jeune femme me demande si on peut rester dehors encore, et je souris à sa proposition de chocolat chaud. Je n’ai pas exactement envie de rentrer maintenant, et même si je ne suis pas un fan, je me dis que si ça peut lui faire plaisir… Je n’ai pas le temps de faire de choix qu’elle se met à m’attraper la main et tirer mon bras pour me forcer à me lever. Évidemment, elle aurait besoin de faire pas mal plus pour me traîner loin du banc, mais je l’aide un peu et me lève à mon tour, puis la regarde glisser son bras sous le mien. Je me demande si ça signifie quelque chose pour elle, ce genre de geste. Si elle les utilise avec d’autres gars qu’elle considère comme ses amis. Je fronce les sourcils et constate qu’elle m’a posé une question à laquelle je ne sais pas trop quoi répondre. Il n’y a rien de nouveau, ma vie est complètement nulle. Je ne fais que bosser, ces temps-ci. J’ai le cœur à rien d’autre, mais ça je ne dois pas lui en parler. Je me contente donc de regarder Azalyne dans les yeux et de lui sourire. « Oh tu sais, la routine. Il faut dire qu’avec les horaires, c’est difficile d’avoir un train de vie normal. » Je regarde le sol, puis avec la jeune femme on se dirige vers le petit bistro pas très loin d’ici. « Et toi, que se passe-t-il dans ta vie si palpitante? » Je lui pose la question un peu moqueusement, même si je peux m’attendre à pas mal n’importe quoi venant d’Azalyne.

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Je retiens une moue en écoutant la commande d’Azalyne qui prétend que c’est pour moi. Une boisson au chocolat et aux fraises, un truc que l’on donne à un enfant de cinq ans même si je ne me rappelle pas avoir déjà apprécié ce genre de boisson. Finalement, je reçois un café normal et elle son chocolat chaud. Le service est rapide, ici, et même si ce n’est qu’une petite roulotte bien banal, c’est assez achalandé même le soir. Alors que l’on s’éloigne lentement sans but précis, j’écoute Azalyne commencer à me déballer une histoire qui ne s’annonce pas trop rassurante. On ne se voit pas que pendant quelques jours et comme de fait, j’ai l’impression que sa vie en entier a changée. Je prends une gorgée de café, la regardant alors qu’elle parle, puis il y a une pause. Instinctivement je m’arrête et la regarde, puis je manque d’échapper mon café.
J’essaie de récapituler dans ma tête, et même si je tente de me convaincre que j’ai totalement halluciné, il en reste qu’Aza vient tout juste de m’annoncer qu’elle est enceinte. Je regarde ailleurs, voulant éviter son regard, et je tente de garder un rythme cardiaque normal. Je peux sentir le sang me battre aux tempes, et j’ai le tournis. Je rattrape mon souffle qui s’est coupé lorsqu’elle m’a annoncé la nouvelle, et lui fait les yeux ronds, finalement, la dévisageant. « Je…Enfin…Tu… » Je réalise que ce que je dis n’a aucun sens et je me tais. J’ai à peine entamé mon café mais soudainement je n’en ai plus très envie. J’essaie de garder mon sang-froid, et surtout de retrouver l’usage de la parole – ou plutôt l’usage de mon cerveau.

« Tu sais qui est le père? » Je me sens ridicule de lui poser une telle question, mais en même temps, on ne peut tout de même pas se cacher qu’Azalyne collectionne les liaisons sans histoires depuis un petit moment déjà. Je tente d’assimiler le fait que mon amie est enceinte d’un type probablement inconnu qui ne se souvient sans doute même pas d’elle, et ça me rend fou de rage. Je soupire et regarde le sol comme s’il allait me trouver une réponse intelligente à dire. « Tu comptes le garder? » Connaissant Aza, elle risque de dire oui, et je ne suis pas certain d’être prêt à ça. Oh bien sûr je n’ai aucun engagement envers elle et je ne vois pas pourquoi je devrais me mêler de sa décision, mais voir la jeune femme devenir une mère et s’éloigner un peu plus de moi ne m’enchante pas non plus. Je me trouve réellement égoïste d’agir ainsi.

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Je la regarde hésiter et je tente de m’imaginer à quel point elle doit être perdue présentement. Ce n’est certainement pas quelque chose qu’elle avait prévu, et vu les évènements récents, j’imagine que ce doit être un ouragan d’émotions pour elle de vivre tout ça. Elle arrive tout de même à me dire qu’elle compte garder le bébé et je tente de ne pas perdre la face, même si j’ai envie de lui hurler de prendre conscience de ce qu’elle fait. Elle s’arrête dans son discours et se mordille la lèvre inférieure. Un frisson me parcourt l’échine alors qu’elle s’approche de moi. Pitié, Aza, laisse-moi tranquille juste pour cette fois. Elle s’accroche à mon cou et je ne sais pas comment réagir, puis je sens bientôt son souffle contre mon oreille. Je frissonne et ferme les yeux quelques secondes et les ouvre lorsqu’elle décide de tout avouer. Elle m’embrasse sur la joue et recule brusquement. Je tente de comprendre ce qui vient de se passer et finalement tout est clair.

Elle s’est encore foutu de moi, mais cette fois-ci, j’ai réellement eu peur. C’est idiot, mais je me suis réellement inquiété. J’ai envie de lui crier dessus et lui expliquer de ne plus jamais me faire de truc pareil, mais je cède à sa petite moue comme un idiot et la laisse me raconter qu’elle ne serait pas capable d’avoir un enfant avec la vie qu’elle a. Je ne me suis jamais vraiment penché sur la question, de mon côté. Il faut dire que je n’ai pas vraiment ce genre de préoccupation en général. Je regarde Azalyne prendre une gorgée de son café et je fais de même, avalant le liquide brûlant d’un coup. Je baisse la tête un instant, ne sachant pas quoi répondre. En fait, je n’ai pas prononcé le moindre mot depuis qu’elle m’a annoncé que c’était faux. Elle me demande si je lui en veux. Oui, effectivement, présentement je la déteste profondément. Seulement son grand sourire fait en sorte que je ne peux pas ne pas la pardonner, alors je tente de l’éviter.

Je cède finalement et fronce les sourcils. J’en ai marre, qu’elle ait uniquement besoin d’un petit sourire pour tout régler, même des conneries comme ça. Je m’éloigne un peu d’elle, voulant garder une certaine distance. Mon regard a changé, je suis vexé et elle peut bien le deviner. « Pourquoi tu as fait ça? C’était vraiment pas drôle. » Je soupire. « Je suis toujours là à m’inquiéter pour toi et tu m’inventes ce genre de conneries débiles uniquement pour me faire flipper. » Je fronce les sourcils, prend une nouvelle gorgée de café et la regarde, toute souriante. Serrant la main sur le contenant de carton, j’explose et hausse le ton. « Et arrêtes de sourire comme ça, merde, pourquoi tu fais toujours ça? Ce petit air qui fait que j’peux jamais t’engueuler ou te dire non. On dirait que tu fais exprès. » Je soupire, réalise que je m’énerve absolument pour rien et m’éloigne un peu. J’ai besoin d’air, de réfléchir à ce que je viens de lui dire. Je sens quelques regards sur moi, probablement que j’ai parlé trop fort. J’ai envie de m’excuser, mais cette fois-ci je refuse de le faire et vais m’asseoir sur un banc tout seul. L’attitude d’Azalyne me rend furieux et ma réaction encore pire.

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J’essaie d’ignorer le fait que je sais pertinemment qu’elle marche en ma direction et qu’elle va tenter une nouvelle fois ses excuses. Elle va essayer une nouvelle fois avec son petit regard triste ou avec des petits sourires pour m’amadouer, mais j’ai pas envie de jouer, pas maintenant. En fait, je n’ai pas envie de lui parler, elle a bien raison là-dessus. Un son brise le silence et je reconnais bien vite le timbre de la voix d’Azalyne. Je ne lui réponds pas et je l’écoute parler, puis elle répète mon nom, et m’appelle chéri. Je lui lance un regard noir, beaucoup plus agacé qu’il ne le devrait. Elle passe un commentaire et retire le « chéri » de ses propos. Je la regarde venir me rejoindre sur le banc et je me tasse, lui laissant de la place mais surtout pour éviter de me retrouver trop près d’elle. Je sens son regard, elle me supplie pratiquement de la pardonner. Je savoure un instant de ne pas être celui qui est soumis, puis Azalyne me fait une proposition. Elle n’a aucune idée de l’ampleur de celle-ci pour moi, et je me lève brusquement alors qu’elle me parle de sa collègue de travail.

Il y a des années déjà que mes relations amoureuses se résument à oublier de garder un numéro de téléphone en mémoire et ce n’est pas la première fois que quelqu’un se porte volontaire pour tenter de me caser avec la perle rare. Des rendez-vous inutiles, j’en ai eu à la pelle pour finalement conclure que ce n’était peut-être tout simplement pas fait pour moi, les histoires solides. J’aimerais bien l’expliquer à la jeune femme, mais je trouve un peu gênant de lui exposer ce genre de détails sur ma vie. Je regarde le sol, toujours debout, et cherche les bons mots pour refuser son offre. Raté, les choses sortent de travers. « Non mais tu t’écoutes? Une seconde tu m’annonces que t’es enceinte, l’autre tu me dis que c’est une blague, et là tu me proposes de me caser avec une fille avec qui tu travailles? Tu te fous de moi ou quoi?» Ses intentions ne sont sans doute pas mauvaises, et avec un peu de recul je suis persuadé que je vais m’en rendre compte. Je jette mon café vide dans une poubelle et regarde Azalyne. « À moins que ce ne soit une autre blague pourrie. » Je la regarde, vexé, puis sent mon téléphone vibrer dans ma poche. Un message-texte pour me demander ce que je fais ce soir. J’ai envie d’accepter la peut-être invitation de m’éloigner d’Aza pour une soirée, mais j’attends, juste au cas où elle déciderait de changer d’air.

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Je suis pas le seul qui semble en avoir marre. Azalyne commence à me faire remarquer que l’on est toujours en train de s’engueuler, et elle a pas tort. C’est toujours la guerre, ces temps-ci. Pour le moindre petit détail, et c’est toujours ma faute, c’est toujours moi qui explose dans tous les cas parce que je ne supporte plus comment elle agit. Mais je me vois mal lui expliquer pourquoi. Alors je n’ai pas le choix de soit encaisser encore et encore, ou bien finalement faire un homme de moi et lui dire quand je n’en peux plus. Je regarde Azalyne lancer son chocolat chaud, celui-ci tombe sur le sol et le chocolat commence à s’étaler sur le sol. Je le regarde quelques secondes, la voix de la jeune femme me ramenant à mes idées. Ses paroles me font comme un pincement au cœur et j’ai envie de la supplier de m’excuser, mais je me retiens et lui fait face, le même air fâché imprimé sur le visage. Parfois je me dis que je devrais être acteur.

Elle me reproche d’avoir changé, et j’ai envie de me défendre, mais je me contente de baisser la tête. Je vois bien qu’elle est furieuse, et probablement qu’elle est réellement en colère contre moi, pour de vrai et qu’elle ne voudra plus me parler. Est-ce que je suis prêt à prendre la chance de briser mon amitié avec elle? Je ne sais pas. Mais en même temps, j’en peux plus de sa façon de courir après tous les garçons et de me rendre complètement fou. Je supporte plus d’être le punching bag émotionnel de mademoiselle. Je relève la tête et regarde Azalyne, l’air neutre.
« Peut-être que j’ai mes raisons de changer. » Ma défense est nulle, parce que je ne saurai pas lui donner d’explications. En fait je pourrais très bien le faire, mais je ne veux pas lui avouer pourquoi je ne supporte plus sa façon d’agir. Mais en même temps, je sais pas trop pourquoi je ne lui dis pas simplement. Ensuite ce sera réglé, elle ne me parlera plus, c’est pas grave. Il y a toujours cette minuscule lueur d’espoir qui me dit qu’un jour, ce sera le bon moment et qui m’empêche d’évacuer et de lui dire le fond de ma pensée. Je pousse un soupire et tourne le dos à Azalyne, prêt à m’éloigner d’elle. « Bonne soirée, Aza. » Je ne la regarde pas, et commence à marcher. J’aimerais qu’elle me dise de l’attendre, qu’elle me rattrape ou un truc du genre, mais ça n’arrive que dans les films.

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Je l’entends qui dit mon nom en entier puis je reçois une claque sur le bras. Son ton est autoritaire, et je n’ai pas envie de me retourner parce que j’ai peur de flancher. Ça me prend déjà tout mon courage de m’éloigner ainsi d’elle, alors je ne m’imagine pas retourner à la case départ de cette façon. Pourtant, je finis par céder et je me retourne pour la regarder. Elle continue de me parler, et même si elle me demande de tout lui avouer, je ne peux pas m’empêcher de me dire que c’est pour le mieux si je ne le fais pas. J’aimerais lui dire que ce n’est pas un manque de confiance, et qu’au contraire je lui dirais tout et n’importe quoi si ce n’était pas de la situation. Elle n’est au courant de rien mais c’est la principale concernée dans cette histoire. Je regarde le vide un instant pour échapper à son regard et aussi pour trouver quelque chose à lui dire, une excuse, un mensonge, une histoire, n’importe quoi pour qu’elle cesse de me questionner.

Elle me pose une question et encore une fois elle a raison. Je bouge mais constate qu’elle serre mon bras. Je ne bouge pas, me disant que c’est inutile et que de toute façon, elle va me suivre jusqu’à ce que je lui donne une réponse qui lui convienne. Je la regarde puis baisse la tête. J’ai l’air beaucoup moins furieux et intimidant comme ça. En fait, j’ai surtout l’air désespéré en ce moment. « Aza…C’est une longue histoire, ok? Je peux pas t’en parler… » Je croise son regard un instant et hésite quelques secondes. « Je suis désolé d’agir comme ça. » Je tente de me détacher d’elle, me disant qu’elle a probablement desserré son étreinte, mais apparemment elle tient toujours mon bras aussi fermement. Je soupire donc et la regarde dans les yeux. J’aimerais pouvoir lui dire la vérité, mais ce ne sera pas pour tout de suite. « Je veux juste que tu saches que je t’adore, ok? » Je lui souris timidement et dépose un baiser sur sa tête. Mon comportement est illogique, je me donne un peu l’illusion de lui avoir fait une déclaration d’amour, même si ce n’est pas le cas. Si ça se trouve, elle sera encore plus furieuse que je refuse de lui raconter toute la vérité.

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Je me doutais qu’elle ne serait pas d’accord avec ma réponse, et je ne suis pas très surpris de la voir réagir ainsi. Je la regarde s’en aller et je ferme les yeux un instant, tentant de reprendre sur moi. Si j’étais un peu moins trouillard, j’irais lui faire mes excuses, mais ça ne sert à rien et peut-être même que les choses sont mieux ainsi. Elle me lance une bouteille vide et je fronce les sourcils sans rien dire, l’observant simplement alors qu’elle s’éloigne. Je prends le sens inverse d’elle, même si je ne suis pas du tout sur le chemin de la maison. Je marche un instant tout seul jusqu’à ce qu’il commence à faire assez sombre, puis décide de retourner à la maison. Il faut d’abord passer à la caserne chercher ma voiture, et je n’ai pas du tout envie de passer à pied devant chez Azalyne alors j’appelle un taxi. C’est idiot, mais je déjà ça. Pourtant, en passant devant la maison, je ne peux pas m’empêcher de vérifier si elle s’y trouve. Elle n’y est pas à ma grande surprise. Elle doit être partie faire la fête, comme toujours. Après avoir retrouvé ma voiture, je me dirige vers chez moi, pour finalement entrer et exploser.

Je claque la porte violemment, sans me soucier du bruit ou de quoi que ce soit. Au moins, j’ai la paix ici. Je peux faire ce que je veux, et me défouler, et hurler si j’en ai envie. Je ne vois pas les chaussures d’Azalyne sur le sol, lançant les miennes dans le bac à chaussures assez violemment. Et je n’entends pas la télévision non plus, jusqu’à ce que je commence à vaquer à mes activités normales.
Alors que je passe à la cuisine, j’ouvre le réfrigérateur pour me prendre une bière. Je laisse le bouchon sur le plan de travail puis en refermant la porte, j’entends un bruit. Comme de la musique qui proviendrait de ma chambre. Je me dis que j’hallucine mais décide d’aller vérifier. Elle n’aurait quand même pas osé s’infiltrer chez moi comme ça, il faudrait vraiment qu’elle soit folle pour faire un truc pareil!
J’ouvre la porte de la chambre et mon visage calme change du tout au tout. Je suis d’abord surpris, puis fâché de la voir allongée sur mon lit comme ça, regardant tout bonnement la télé. Je baisse un peu les yeux et fais un pas dans ma chambre. « J’aime pas quand on entre chez moi sans ma permission. » Je parle tout bas, même s’il n’y a qu’elle et moi, et j’avance encore. Je saisis la télécommande et éteint la télévision, lançant la manette plus loin. Je croise ensuite les bras et regarde Azalyne.

« Pour une fille qui avait besoin d’air, je trouve que t’as du culot de venir ici et de m’attendre sur mon lit. » Je fronce les sourcils et la regarde sérieusement, puis vais m’assoir sur un fauteuil où j’ai surtout l’habitude de laisser traîner des vêtements. Je prends une grande gorgée de bière et continue de l’observer. Je suis nerveux, au fond, car je n’ai pas envie de la confronter. J’ai peur de lui lâcher le morceau et de m’en vouloir ensuite pour toujours. « Faut toujours que tout soit compliqué avec toi. » Je laisse tomber mes mots sans réfléchir, puis me passe une main dans les cheveux. J’aime pas faire la guerre avec elle.

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Ma main glisse sur ma cuisse tandis que l’autre tient toujours la bouteille. Bientôt, je me sens pris au piège car la jeune femme descend du lit pour venir s’installer face à moi, plaçant ses mains sur les appuie-bras et se penchant la tête pour me fixer dans les yeux. J’ai pas envie d’entendre ses explications, mais elle me les sort quand même. Elle me dit qu’elle veut tout savoir et qu’elle peut encaisser peu importe ce que c’est. Je laisse échapper un gloussement, puis souris un peu ironiquement en pensant à la situation. La raison principale pour laquelle je n’ai pas envie de lui dire, c’est justement parce que je sais qu’elle n’y arrivera pas. Elle souffre déjà assez comme ça, elle fait n’importe quoi à cause de Dylan. Si je lui annonce que la seule personne qui l’appuie en dehors de sa sœur est amoureuse d’elle, je ne pense pas qu’elle réagira aussi bien qu’elle le prétend. Je reste muet malgré ses insistances, je me contente de baisser la tête et de regarder ma bière. J’aimerais en boire un peu, mais j’ai très peu de place pour bouger les bras présentement. Je lève la tête, mon regard plonge dans celui d’Azalyne. Mon estomac se noue, et pendant quelques secondes j’ai même un peu d’hésitation. Tout serait réglé pour toujours.

J’ai l’impression de penser à un suicide, et en même temps c’est un peu le cas. Ça tuerait probablement notre amitié. Et elle oublierait probablement tout ce que j’ai fait pour elle. Je peux pas lui faire ça. Il faut que je lui invente une connerie. J’entends le téléphone sonner. C’est celui de la maison, alors je devine rapidement que c’est ma mère qui appelle. Je roule les yeux, me demande un instant si Aza va me laisser au moins répondre, mais elle ne semble pas vouloir céder facilement. Elle laissera un message, au pire. Et comme de fait, bientôt j’entends la voix de ma mère sur la boîte vocale. Je souris doucement en baissant la tête, un peu embarrassé. Je n’aime jamais trop quand ma mère appelle, car elle ne se mêle jamais de ce qui la regarde, mais je n’ai jamais eu à la présenter à personne encore, alors ça ne me dérange pas vraiment. Mais là, alors que je l’entends commencer son discours au téléphone, mes muscles se crispent. Je bondis de ma chaise, repoussant Azalyne sur le lit brusquement, involontairement, puis me précipite hors de la chambre comme s’il y avait le feu. « Coucou mon chéri, je voulais prendre de tes nouvelles! Ça fait un moment que l’on ne s’est pas vu, je voulais savoir comment les choses se passaient pour toi. Tu sais, j’ai parlé de ton histoire avec cette infirmière à ta sœur lorsqu’elle est passée à la maison l’autre fois, et elle est entièrement d’accord avec moi, tu… »Courant presque jusqu’au répondeur, je frappe sur la machine pour la faire taire. Je tremble un peu, nerveux. J’ai pas trop envie de retourner dans la chambre pendant quelques instants. Je réalise que j’ai poussé Aza, probablement fort parce que je n’ai pas pensé à ce que je faisais, trop obnubilé par la connerie de ma mère – bien que ce ne soit pas vraiment de sa faute.

Je fais un homme de moi et je marche lentement vers la chambre, mais même si c’est la mienne, je n’ose pas entrer. Je constate que la porte est fermée, peut-être que c’est Azalyne? J’ai peur de lui avoir fait mal, ou de lui avoir fait peur. J’imagine qu’elle doit avoir entendu le message, j’aurai pas le choix de lui mentir. Je frappe à la porte et quand j’ouvre la bouche, ma voix est étranglée et sonne comme celle d’un adolescent en train de muer. « Aza…Je pense qu’on doit parler. » J’attends de voir si elle va m’ouvrir la porte. Je baisse les yeux au sol, cherchant déjà une histoire pour expliquer ce que ma mère racontait.

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Je ne sais pas combien de temps exactement je reste planté devant la porte à attendre qu’elle ouvre, mais je sais que chaque seconde qui passe me rend un peu plus nerveux. Je m’attends à la voir ouvrir, complètement détruite ou enragée, ou me posant un million de questions auxquelles je ne pourrai pas répondre. Pour son bien, que je ne cesse de me répéter, mais aussi parce que je ne veux pas la perdre et qu’elle est mon amie. J’entends finalement la poignée qui tourne pendant ce qui me semble être une éternité et pendant que la porte s’ouvre et que je regarde Azalyne apparaître devant moi, j’ai le souffle coupé.
Je la regarde qui sourit, et je ne comprend pas trop. Et elle se met à parler. Je lève les yeux au ciel alors qu’elle parle. C’est encore pire que je croyais, en fait elle a tout mélangé. Je hoche la tête négativement à tout ce qu’elle dit, murmurant des « non, c’est pas ça » à chaque phrase qu’elle prononce. Elle me touche le bras, et je ne sais pas quoi lui dire. Je ne peux pas lui dire la vérité, mais je dois au moins lui raconter un truc qui ait du sens. Je soupire, constate que j’ai laissé ma bière à côté du répondeur et vais la chercher. Je reviens vers Aza et lui fais face, la regardant dans les yeux. Je lui prends la main et la traîne dans ma chambre, la poussant sans grande force sur le lit. Je dépose brusquement ma bière sur la table de nuit, et regarde la brunette, me tenant bien droit devant elle. Je prends une grande inspiration, puis me met à parler. Je parle vite et ma voix tremble. Toute ma fermeté vient de disparaître en la regardant.

« Azalyne, maintenant, c’est toi qui va m’écouter. Je veux plus jamais t’entendre dire un truc pareil. C’est faux, t’es pas un boulet. Je les aime, tes problèmes. » Je réalise que ma phrase est tout simplement débile, mais je ne peux pas vraiment y aller plus loin dans les révélations. J’hésite, mais je continue, ma voix tremble un peu moins cette fois-ci. « C’était ma mère, au téléphone. Elle se mêle de tout ce ne qui la regarde pas, et elle déforme tout. » Ce qui est assez vrai, ma mère ayant un don pour se fourrer le nez partout. Elle connait les histoires de pratiquement tout le voisinage, donc forcément elle connait toute mon histoire avec Azalyne. Probablement qu’elle en connait plus sur elle que moi, si ça se trouve. Je soupire, et vais m’asseoir sur le fauteuil, n’osant pas m’asseoir sur le lit avec elle. Je n’ose plus trop la regarder, un peu honteux. De plus, je n’aime pas vraiment avoir à utiliser ma mère comme excuse.

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YOU BUILD ME UP AND THEN I FALL APART CAUSE I'M ONLY HUMAN.

Azalyne sourit à nouveau et j’ai envie de l’étrangler mais en même temps de la serrer dans mes bras alors qu’elle se met à me parler de ma mère et de ma sœur, de qui je ne lui ai jamais fait mention. Elle me demande pourquoi et d’ailleurs, je n’en ai pas la moindre idée. Peut-être parce que je n’en ai jamais vu l’importance, puisque je ne vois pas notre relation aller nulle part. Et aussi parce que je déteste parler de ma famille. Je l’observe se poser en tailleur sur le lit, elle me fait penser à une petite fille pendant un instant, prête à entendre une super histoire. Le truc c’est que je n’ai pas vraiment de super histoire à lui raconter pour cette fois.

Elle me demande une nouvelle fois de lui dire ce qui ne va pas, et nous sommes à nouveau à la case départ. Ses derniers mots me font le même effet qu’un tas de briques et je suis encore plus réticent à parler. Je prends une gorgée de la bière que j’ai à la main, et je soupire. Je regarde Aza, embarrassé. « J’ai couché avec une de tes collègues. » Je laisse tomber la phrase, la tête baissée, cherchant rapidement une suite à mon histoire qui pourrait faire que ça tiendrait debout. Puis je me rappelle une petite infirmière un peu stupide qui est partie il y a quelques semaines. Je relève la tête et regarde Azalyne timidement. « Et puis bon, la relation était un peu tendue, et j’en ai marre, parce qu’ils se foutent tous de ma gueule, et ils pensent que j’ai ce truc avec les infirmières. » Je soupire, ferme les yeux et me répète que je suis vraiment con et que cette histoire est vraiment ridicule et qu’elle n’en croira certainement pas un mot. Les yeux toujours clos, je laisse tomber, sur un ton découragé. « J’ai besoin de vacances, je crois que je travaille trop. » J’ouvre les yeux et regarde la jeune femme, l’air piteux. Je regarde ensuite ma bière, puis regarde à nouveau Aza. « Tu en veux une? » Parce que moi, je pense qu’il m’en faudra une deuxième pour faire passer les conneries que je viens de lui dire.

© EKKINOX

YOU BUILD ME UP AND THEN I FALL APART CAUSE I'M ONLY HUMAN.

Oh merde. Je l’entends péter un câble et réalise l’ampleur de la connerie que je viens d’inventer. Elle s’énerve et gesticule, et finalement se calme puis sort de la chambre pour aller chercher deux bières. J’hésite un instant avant de la rejoindre, après tout ma chambre n’est pas vraiment l’endroit idéal pour faire la conversation. Surtout que j’ai l’impression que le mensonge ne s’arrêtera certainement pas là. Elle va me poser d’autres questions, c’est certain, et j’aurai pas le choix de m’enfoncer encore plus. Je marche paresseusement en direction de la porte et me dirige dans le salon. Je m’écrase sur le canapé, déposant ma bière vide sur la table basse en attendant celle qu’Azalyne a dit qu’elle emmènerait. Finalement je l’ai entre les mains, et mon amie me demande qui est la fille.
Elle vient vraiment de me coincer. Je la regarde, un peu surpris, et ouvre ma bière. Je prends une longue gorgée, pensif. Sa réaction est un peu amusante, même si je me retrouve tout de même à devoir inventer des nouvelles histoires. Pour une fois, ce n’est pas moi qui pique une crise. On dirait presque qu’elle est jalouse, et j’aime bien lui faire goûter à sa propre médecine. Je lui souris moqueusement.

« Sérieux, j’aurais jamais dû te dire ça. Tu vas la fliquer? Ça sert à rien de savoir qui c’est, elle ne bosse même plus à l’hôpital. » Je fais une pause. Oh, la tentation est trop forte, pourquoi pas ajouter de l’huile sur le feu. « Et..enfin il y en a eu plus qu’une c'est surtout ça l'ennui, mais ça c’est vraiment dans le passé. Enfin, Oublie ce truc, j’ai l’impression de passer pour un pervers. » Je scrute sa réaction, sachant que je pousse un peu le bouchon. J’ai jamais couché avec une seule infirmière. Peut-être une des internes en médecine, mais hey, je vendais juste mon calendrier. Je prends une gorgée de bière et je souris timidement à Azalyne, tentant de rester crédible.