your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Les lumières de la ville éclairent mon visage, comme des étoiles qui ce sont échouées là, bien trop bas. Perdue dans la triste contemplation de ces soleils de nuit en cette période de fête, je marche, emmitouflée, les mains dans les poches, clope à la bouche. De temps en temps, j'ose retirer mes mains de mes poches, et je tire une bouffée, avant de la replacer dans mes lèvres rougies par le froid et le rouge à lèvre qui s'effacent en cette lasse fin de journée. Je souffle dans le vide pour me désintoxiquer, et mon souffle fait de la fumée blanche, semblable à celle de ma cigarette. Je suis censée faire le marché de Noël pour les enfants de l'Armée du Salut. Alors que je marche, tête baissée, quelqu'un me percute, sans se retourner, sans même me jeter un regard. Je n'ai pas le temps de m’apercevoir de qui c'est, qu'elle s'en va, la tête dans les épaules et sans un regard pour personne. Il ne se retourne pas, et pourtant, il aurait du. Une lumière, furtive, passe sur son visage, l'éclairant. Quelque chose se déclenche en moi, me frappe avec une violence, une violence dont je ne me serais pas douter. « Samuel. » Ma voix est blanche. J'abandonne ma compagne la cigarette, et je commence à suivre ses pas, pour le rattraper. Il est plus rapide que moi, alors je commence à courir, jusqu'à lui réussir à lui attraper le bras, pour le forcer à me faire face. « Samuel ! C'est moi, Mauve. » et je cherche, hagarde et essoufflée, dans son regard, quelque chose sans vraiment poser le doigt dessus.

your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Samuel se retourne, et je vois dans son regard, non pas ce que j'attendais, mais une haine, une espèce de colère qui m'arrache un frisson. Une colère que je n'avais jamais vue, jamais soupçonné jusque auparavant. Il est froid comme un glaçon, aussi dur que de la pierre. Il plonge ses yeux dans les miens quelques instants, muet tandis que dans ma tête, les mots s'entrechoquent, puis s'en va à nouveau, me laissant en plan dans le froid. Je ne comprends pas sa réaction, alors après que je me rende compte qu'il me file à nouveau entre les doigts, qu'il me fuit, je le suis, serrant les poings. « Samuel. » Je répète, comme pour l'appeler. Mes pas suivent toujours les siens, mais malgré ça, je dois faire de grandes enjambées pour ne pas qu'il me fuit. « Explique-moi ce que je t'ai fais, explique-moi pourquoi tu as disparu ! » Je souffle, tandis qu'il ne s'arrête toujours pas et que je le poursuis toujours. « Tu as démissionné, tu ne viens plus aux réunions, et j'ai toqué pleins de fois chez toi, il n'y avait personne. » Mon monologue ne semble pas l'atteindre. Essoufflée, je m'arrête de marcher, et lance, comme un dernier espoir, « Pourquoi est-ce que tu me fuis ? »

your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Il se stoppe en plein milieu de sa fuite et se retourne, tandis que je reste plantée sous ce lampadaire, attendant toujours ma réponse. En fin de compte, je ne suis pas si loin de lui, mais je suis tellement éloignée. Que quelque chose s'est fissuré. Il ouvre la bouche et crie. « Pourquoi est-ce que tu m'as fais espérer ? » Mais ce n'est pas fini. Samuel semble décidé à ouvrir les vannes et à les vider entièrement, ne me laissant pas le temps de tout digérer. « Un sentiment est plus fort que les autres. La colère, la tristesse, le bonheur, rien n'est plus fort que l'espoir. Quand tu te rends compte que tu n'as plus d'espoir, que tu n'attends rien, que ce dont pour quoi tu te levais le matin n'existe plus, tu es détruit. Mort. » Mort. Il résonne dans la ruelle, faisant écho. Ce n'est que lorsqu'il se rapproche encore un peu de moins, et qu'il murmure « Je t'aime tellement que je te déteste. Je te hais, Mauve Tremblay. Je te déteste. » que je comprends. Je comprends tout ce que j'aurais du voir avant, je comprends pourquoi lors de la soirée chez lui, il m'a embrassé avec ce quelque chose de changé, de différent. Je ne sais pas quoi faire. Mon corps me supplie de le laisser là, mais je ne peux pas détruire Samuel a nouveau. Alors je m'approche, passe mes bras autour de son cou et l'embrasse, avec toute la haine dont je dispose, je lui lance toutes ces balles dans le coeur. « Je te déteste aussi, Samuel. » Je suis un ange avec un flingue, et je tire sur la détente car c'est tout ce qu'il y a a faire.

your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Je me déteste. Samuel me dégage, et il a raison, même si ça me fait mal. Il prends ses distances, tandis que j'ai l'impression qu'un mur s'est construit entre nous. Non, la vérité, c'est qu'autre chose s'est construit. Quelque chose dont je viens de me cogner si violemment, si fort que j'en souffre. « Je suis au courant, pour toi et Aedan. » Je reste muette. Aedan. C'est vrai que tout est confus à propos de lui. Que j'ai complètement perdu mes repères, que tout a changé depuis qu'il m'a embrassé, que rien n'est pareil mais... Mais je suis complètement perdue, et Samuel ne fait rien pour m'aider. « Ne m'embrasse plus. Tu ne m'aimes pas. Du moins, pas comme je voudrais. » Je m'apprête à lui répondre, lorsqu'il me coupe, tranchant.  « Je ... je pense que l'on devrait moins se voir. Vis ta vie de ton côté, et j’essayais d'en faire de même de mon côté. » Je sens une boule se former dans mon ventre tandis qu'il regarde autre part, pour me fuir à nouveau. Elle remonte dans ma gorge tandis que mes yeux s'humidifient, sans que je le veuille. « T'as pas le droit de me demander ça. » Je fronce les sourcils, pour essayer de dégager les larmes qui me brouillent la vue. « Samuel, tu peux pas me demander de vivre ma vie sans toi. » Mon ton est catégorique malgré les tremblements de ma voix. « T'es le seul qui sait tout de moi, pour ma mère, pour Londres ! » Cette fois-ci, j'ai légèrement haussé la voix, parce que je suis désespérée. Non, il ne peut pas me laisser comme ça. « Je me rappelle de cette nuit chez toi... et quand j'ai cru que tu étais mort sous ce lustre ! J'ai voulu aller te chercher, mais on m'en a empêché... » On, c'était Aedan. Il ne voulait pas que je vois ça, il est parti chercher Samuel mais il est revenu seul. Seul. « on a tout fait ensemble, alors ... alors tu peux pas m'abandonner maintenant ! » Les larmes coulent toute seule. Je suis au pied du mur.

your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Samuel ne dit rien tandis que, face à lui, j'essaie de briser ce mur de mes larmes. Lui aussi se met à pleurer. Les gens autour de nous ne prennent pas la peine de nous regarder, malgré les quelques passants qui ralentissent quand même. Mais je m'en fiche, tout ce qui est autour de nous semble ne plus exister. Mes yeux ne quittent pas les siens, tandis que je continue de parler. Parfois il sourit. Parfois il plisse les yeux et des fossettes apparaissent. Parfois, seules les larmes sur son visage semble montrer qu'il est bien là. Il est bien là. Mais il reste muet. Une fois que j'ai arrêté de vider mon sac, Samuel s'approche. Je reste droite comme un piquet, jusqu'au moment où il passe ses bras autour de moi pour me serrer. Quelque chose se brise à nouveau et je pleure plus fort, m'aggripant à lui dans ce froid. Il pose sa main sur mes cheveux, ce geste qui semble vain me fait l'effet d'un remède miracle. Samuel me caresse les cheveux, lentement tandis que je serre les poings sur son t-shirt. Je renifle parce que mon nez coule à cause de mes sanglots et des flocons se posent sur ma tête. Je reste là, collée à lui car c'est tout ce que je peux faire. Regarder ce que j'ai pathétiquement brisé en milles morceaux. Nous regarder, ainsi perdus. Perdu dans nos cœurs abîmés et pas fait pour aimer.

your heart's a mess, you won't admit to it. it makes no sense but i'm desperate to connect. . . . . . . . . Il me lâche, non pas brutalement mais tout doucement, comme si j'étais fragile, sensible. Un petit jouet à trois centimes qu'il faut réparer sans arrêt, au risque qu'il ne se casse encore. Cette douceur me surprend légèrement, mais je ne dis rien, bien trop occupée à arrêter mes sanglots. C'est vrai, je n'ai pas l'habitude de pleurer, ou encore d'exprimer mes sentiments. Je préfère les intérioriser, les étouffer comme on étouffe les flammes. Samuek m'attrape par les épaules et m'emmène je-ne-sais-où et je le suis docilement, comme un enfant. Son entreinte est assuré, plus assuré que mes pas presque hésitant. Avoir vidé mon sac m'a rendu plus vulnérable que je le suis déjà. J'espère que demain il aura oublié tout ce que j'ai dit. Il s'arrête près d'un marchand de crêpe et en achète d'eux, une au nutella et une à la confiture. Je reste silencieuse, jusqu'à ce qu'il me tende mon goûter. « Tiens. » Je le regarde dans les yeux, avant de marmonner un « Merci Sam. » timide puis je croque dans ma crêpe, brûlante face à ce froid. Les paroles de Samuel étaient pourtant là, dans mon crâne. Je ne l'aimais pas comme il le voudrait. C'était vague, et pourtant si simple. Il m'avait avoué qu'il m'aimait. Et moi ? est-ce que je l'aimais ? Je n'en savais rien. Depuis que j'étais arrivée ici, ma vie semblait avoir pris un nouveau départ. J'avais rencontré Aedan, Cael, et tout ce monde de Siloam. Certes, j'avais toujours cette vie de misère, mais elle semblait moins sombre, et parfois même éclairée. Me rapprochant de Sam, je posais ma tête contre son épaule, tout en continuant de grignoter en silence, dans l'hiver de Siloam Springs.