sore back

Nymphéa & Wade

Le bruit du réveille-matin me fait sursauter, mais au moins il fait son travail. L’éveil est plutôt difficile, je dirais même brutal, et je reste couché sur le dos quelques minutes à fixer le plafond à me demander pourquoi j’ai demandé un rendez-vous chez la kiné aussi tôt le matin. Je me retourne sur le matelas de l’énorme lit king et ma main effleure l’espace vide qu’occupe généralement Azalyne. Elle était de garde, cette nuit. Elle ne devrait pas tarder à revenir, à moins qu’elle traîne et aille manger au restaurant avec ses copines avant de rentrer. Ce qui est plutôt probable. Je m’étire et fais une grimace, la douleur aigüe dans mon dos s’étant elle aussi visiblement réveillée. J’aurais jamais dû terminer de descendre ces fichues boîtes hier juste après mon entraînement. C’est un peu comme un suicide musculaire, enfin ça n’existe pas comme terme mais je m’en moque. Je pousse un gémissement de douleur qui heureusement, ne sera jamais entendu de personne et entreprend de me lever du lit. Je bâille puis me dirige vers la salle de bain en mode zombie, et prends ma douche sans grand entrain. En règle général, ça ne me gêne pas de me lever aussi tôt, mais je n’ai pas trop le moral présentement et l’hiver me donne envie de rester enfermé chez moi.
Je coupe l’eau et  m’enveloppe dans la serviette en sortant. Un frisson me traverse le dos au contact de l’air frais et je m’empresse de me sécher pour aller m’habiller, enfilant le premier jeans propre qui me tombe sous la main ainsi qu’un t-shirt que je recouvre d’une veste. Rien de bien géant, je m’en vais seulement à l’hôpital après tout. J’ai l’impression d’y avoir un abonnement, parfois. Que je vienne en touriste ou pour le travail, il me semble que j’y suis passe presque tous les jours.

Café et croissant en main, je m’installe à la table de la salle à manger et regarde un peu le journal, m’intéressant très peu aux nouvelles locales. Il ne se passe pas grand-chose, on parle du bal de Noël et de ce genre de futilités. Je regarde l’heure, réalisant qu’il est temps de partir et je me grouille pour me brosser les dents et sécher mes cheveux en vitesse. Je calcule toujours assez mal mon temps le matin. Après quelques minutes, je prends mes clés et enfile mon manteau avant de disparaître dehors. Il ne fait pas trop froid aujourd’hui, heureusement pour moi.
Je croise plus d’une personne que je connais à l’hôpital, et je suis rassuré en quelque sorte de voir que ma petite amie est déjà partie. Je n’aurais pas aimé avoir à lui expliquer une nouvelle fois que si le kiné est en fait une kiné, ce n’est pas parce que je l’ai demandé. J’arrive finalement dans le bloc où j’ai mon rendez-vous, d’ailleurs, et me plante devant la réceptionniste. « Oui, j’ai rendez-vous avec Nymphéa… » Son nom m’échappe, peut-être parce que c’est le matin. « Oui, mademoiselle O’Hara va te recevoir dans quelques minutes. Tu veux aller t’installer tout de suite? Je vais aller t’ouvrir la porte du local si tu veux. » La voix chantante de la secrétaire me fait sourire légèrement et j’acquiesce à sa proposition. O’Hara, bah voilà, je savais que c’était un nom que j’avais entendu quelque part. Je pense à Gone With the Wind, le film que ma mère a trop souvent regardé à la maison. Le sourire toujours imprimé sur mon visage, je suis la jeune femme jusqu’à la pièce verrouillée et bientôt la porte s’ouvre. C’est beaucoup plus chaleureux que les bureaux d’oscultation, et les bancs sont bien plus confortables, je dois aussi dire. Une fois la porte refermée, je me retrouve à nouveau seul et je regarde une dernière fois mon téléphone, textant Azalyne pour lui indiquer que je suis à mon rendez-vous. Je n’entends même pas la porte s’ouvrir et suis un peu surpris lorsque je lève les yeux et aperçois la kinésithérapeute entrer dans la pièce. Je me racle la gorge et lui souris poliment, éteignant mon téléphone. Ce n’est pas interdit dans cette partie de l’hôpital, mais je n’ai pas trop envie qu’on me dérange. « Je me suis permis d’arriver en avance, ça ne te dérange pas trop? » Je me permets de la tutoyer, ce n’est pas mon premier rendez-vous après tout. La regardant s’installer, je pianote du bout des doigts sur le lit de massage. « Est-ce que tu préfères que je retire mes vêtements tout de suite? Enfin, je devrais peut-être te laisser entrer, ce serait mieux. » Je ris, un peu gêné. C’est tout de même embarrassant de me retrouver en sous-vêtements devant elle, surtout que je ne la connais pas vraiment. C’est pour le bien de mon dos, certes, mais Nymphéa est tout de même plutôt jolie comme femme et je peux facilement comprendre qu’il y a de quoi se poser des questions.

sore back

Nymphéa & Wade

Elle entre discrètement sans faire le moindre bruit, c’est pour cette raison que je ne l’entends pas franchir le seuil de la porte. Elle est plutôt calme, comme personne et ça m’amuse pas mal, disons que ça fait changement de la tornade Azalyne qui vit avec moi. Je la regarde marcher dans la pièce et se diriger vers son bureau où elle cherche mon dossier, visiblement. Je me sens un peu idiot de la bombarder comme ça avec mes questions alors qu’elle vient à peine de mettre les pieds dans la salle. Elle me dit d’attendre un peu car elle veut vérifier mon dossier et je suis un peu rassuré de la voir sourire. Au moins je sais que je ne l’ai pas brusquée. La regardant lire ses notes, je pianote toujours sur le lit du bout des doigts en regardant les affiches médicales sur les murs. On est tout de même dans un hôpital, il ne faut pas l’oublier. Nymphéa reprend la parole et je lève les yeux vers elle quand elle me questionne à propos des exercices qu’elle m’avait conseillé de faire à la dernière session. Elle me demande si l’état de mon dos a empiré et je ne sais pas si je dois lui parler du fait que j’ai transporté des boîtes toute la semaine à cause de ma petite amie qui est emménagée chez moi. En même temps si je ne dis rien, ce n’est pas très honnête. Je me mords la lèvre inférieure et roule les yeux. « En fait tu seras pas très fière de moi, j’ai fait pas mal d’efforts cette semaine, donc disons que les exercices ont pas trop été utiles. Et bon, en plus je m’entraîne déjà pas mal au travail quand il n’y a pas d’urgence. » Je soupire et finalement glousse un peu, réalisant que je ne l’ai pas vraiment aidé dans son boulot cette semaine. « Je suis un patient terrible, je suis désolé. Mais j’ai fait tes exercices, et ma petite amie me masse aussi de temps en temps. Ça aide un peu sur le coup mais dès que je force plus d’une heure j’ai l’impression d’être un grand-père. » Je passe une main dans mes cheveux et me gratte la nuque légèrement, ayant l’impression qu’elle va me faire la morale. En même temps elle aurait toutes les raisons de le faire.

Je retire mon t-shirt et le plie soigneusement pour le déposer au bout de la table. C’est un peu étrange de faire ça, même si elle doit sans doute voir des centaines de personnes à moitié-nues avec son job. Je lui pointe le milieu de mon dos pour mieux lui expliquer la douleur. « En fait ça part du milieu et ça monte entre les omoplates. C’est un peu moins pénible qu’avant, mais parfois je m’étends toute la soirée avec un sac de légumes congelés collé contre la nuque. » Ma main remonte plus haut sur mon dos mais je bloque, n’étant pas capable de me contorsionner pour lui montrer précisément où j’ai mal. Je souris légèrement. Je ne suis pas venu ici pour blaguer, j’ai réellement mal au dos et il faudrait que je règle cette histoire une fois pour toutes. Tout le monde ne cesse de me le répéter, et je comprends bien pourquoi, la douleur est parfois presque insoutenable.