Bientôt, la quiétude est troublée par Azalyne qui tente de me faire couler sous l’eau mais qui échoue bien évidemment. Je souris, un peu amusé, puis éclate franchement de rire alors qu’elle persiste à pratiquement monter sur moi pour me faire couler dans la mer. Je lui rends la pareille, ce qui n’est pas très gentil si l’on nous compare physiquement. Elle commence bientôt à se tordre de douleur et je panique, presque prêt à alerter les secours. Aza se plaint d’avoir mal au pied. Ce n’est pas vraiment le moment qu’elle se blesse, surtout qu’elle n’allait déjà pas très bien. Je suis un peu nerveux et ne pense plus à ce stupide jeu dans l’eau. J’aurais dû pourtant, car en baissant ma garde, Azalyne se jette sur moi et me fait couler sous l’eau. Elle m’a bien eu, avec son histoire de pied blessé. Submergé, je goûte bientôt le sel dans ma bouche et je tousse en revenant à la surface, un peu surpris tout de même. Je ne m’attendais pas à ça. La brunette savoure sa victoire et je souris, essuyant mon visage du mieux que je peux. Je me racle une dernière fois la gorge lorsqu’elle s’excuse, me faisant un petit air de chien piteux.

« Pourquoi tu t’excuses? T’as pas à t’excuser mon cœur, mais je vais avoir ma revanche. » Je lui fais un sourire malicieux et la trouve plutôt courageuse de venir dans mes bras comme ça, enlaçant mes hanches avec ses jambes. Mes mains se posent instinctivement sur ses fesses et je réponds sans hésitation à son baiser, détachant mes lèvres à regret lorsqu’elle parle. Elle fait référence à cette impression que j’ai, qu’il y a toujours quelqu’un là pour nous observer, et me dit que je devrais suivre mes propres conseils et décrocher. Je souris doucement et hoche la tête, puis dépose un baiser sur son nez. « T’as tout à fait raison, je devrais arrêter de m’en faire. » Je ne sais pas combien de temps on reste dans l’eau simplement comme ça à flotter et profiter des vagues, mais c’est franchement plaisant. Toutefois, lorsqu’Azalyne décide de bouger pour aller sur la plage, ça ne me déplaît pas non plus, et je la suis sans protestations. Je marche en direction de nos chaises de plage, gardant une certaine distance derrière elle et lorsque j’arrive, elle est déjà installée à plat-ventre sur sa chaise. Je ne peux m’empêcher d’admirer la vue un instant, et à ce moment précis j’ai envie de gueuler comme un imbécile à qui veut l’entendre sur la plage que cette jeune femme qui somnole sur la chaise longue est ma petite amie.

Je soupire et prends mes lunettes à moi, puis installe une serviette sur la deuxième chaise longue. Ensuite, je retourne fouiller dans le sac et trouve la crème solaire. Je regarde le dos de ma petite amie, puis la bouteille. Je m’accroupis dans le sable de façon à être près du visage d’Azalyne, la regardant malicieusement. « Je te laisserai quand même pas te transformer en écrevisse! » Je dépose une tache de crème sur son nez puis commence à en étendre dans ma main, m’approchant du corps d’Aza. J’ai l’embarras du choix, même si je dois rester dans les limites de la décence. Mes mains se mettent à caresser l’arrière de ses cuisses, remontant jusqu’à ses fesses. Ici, on est trop loin, personne ne va nous voir de toute façon. J’abuse peut-être un peu trop du massage, et mes doigts s’aventurent quelques secondes sous le tissu avant que je ne m’arrête par moi-même. « Je vais m’occuper de ton dos si ça te dérange pas… » Mes doigts frôlent son dos doucement et attrapent une des ficelles du top. Sans difficultés, je tire et celui-ci se détache, mais je ne le lui retire pas, le laissant pendre tel quel. Je me penche et dépose mes lèvres sur son dos, frôlant sa peau. Quand on y pense, la scène est un peu cucul. Je masse le dos de ma petite amie en lui étendant de la crème solaire sur la plage. Je soupire, regardant le corps d’Azalyne qui semble huilé par l’eau de mer et les rayons du soleil.

Je m’applique à mon massage, voyant qu’Aza ne semble pas détester ça, et bientôt on échange les rôles. Je regarde longtemps le sable, respirant calmement alors que je sens Azalyne étendre la crème sur mon dos. Ce n’est pas bien long que je m’endors, et toute personne me connaissant peut confirmer qu’il est pratiquement impossible de me réveiller lorsque je suis réellement endormi et surtout en congé. C’est pourquoi je n’entends pas ma petite amie lorsqu’elle se lève et se dirige vers le bar plus loin chercher deux cocktails. Mon réveil est beaucoup moins agréable que le son de sa voix, puisque c’est une motomarine qui passe bruyamment sur l’eau, faisant un bruit infernal. Je me réveille en sursaut, et ce n’est pas très plaisant. Je soupire, agacé, et cherche ma petite amie des yeux. Je ne la vois pas et fronce les sourcils. Elle doit sans doute être aller chercher quelque chose à grignoter, ou être allée aux toilettes bien que je ne crois pas qu’elle irait dans les toilettes publiques. Je m’étire sur ma chaise longue, glissant une main sous ma tête. J’entends glousser et je souris, un peu amusé.

Les filles plus loin doivent avoir dans le début de la vingtaine, et je suis prêt à parier qu’elles sont déjà un peu saoules. Je leur fais cette espèce de sourire générique tellement typique des poses de calendrier, et j’entends glousser une nouvelle fois. C’est idiot et ça ne sert absolument à rien, mais c’est quand même flatteur de les voir s’énerver comme ça simplement pour un peu d’attention. Je vois Azalyne qui revient, et elle semble bien pressée de me donner mon verre et de déposer le sien dans le sable. Je la remarque qui s’éloigne en direction des demoiselles qui me matent toujours et je prends une gorgée du pina colada, constatant que je n’aime pas ce drink finalement. Je n’entends pas tout de la conversation que les filles ont entre elles, mais Aza semble plutôt en colère contre mon nouveau fanclub, et les fait dégager assez rapidement. Je la regarde sans voix, maintenant assis de côté sur ma chaise longue à observer la scène. Ma petite amie revient vers moi tout naturellement et m’embrasse. Ne sachant quoi dire, je lui rends son baiser, puis lorsqu’elle déclare que le paysage est libre, je fronce les sourcils. Je préfère ne pas mentionner quoi que ce soit qui pourrait créer un conflit, même si les filles ne me dérangeaient pas vraiment en réalité.

Elle le prendrait sans doute mal et je n’ai pas envie de prendre le risque de m’engueuler avec Aza. « Tu sais que t’es la seule dans mon paysage, mon cœur. Tu es réveillée depuis longtemps? » Je l’attire vers moi et la dépose sur mes genoux, plaquant un baiser sur son épaule.

Pendant une dizaine de minutes, on parle de tout et de rien et je l’écoute me raconter un tas d’histoires. Ce genre de choses n’ont pas vraiment changé depuis que nous sommes ensemble, mais ça ne me déplaît pas. Je l’aime bien me raconter les derniers potins, les dernières bêtises de sa sœur ou n’importe quoi en fait. Elle ne semble pas vraiment remarquer que je ne bois pas mon drink, buvant le sien sans aucune hésitation. C’est quand même Azalyne, il fallait s’y attendre. Je me mords la langue lorsqu’elle se met à parler de ses origines et regarde le sable un peu discrètement. Je ne sais pas du tout comment aborder ce sujet avec elle, surtout qu’elle semble soudainement tellement à l’aise d’en parler, contrairement à d’habitude. Sans doute parce que maintenant on sort ensemble. Je l’écoute s’enthousiasmer, une légère boule se formant dans ma gorge alors qu’elle me raconte qu’elle est née ici. Je ne peux m’empêcher d’en douter pour ma part, mais je ne peux quand même pas briser ses rêves comme ça.

Je cherche une façon de changer le sujet sans qu’elle ne comprenne que c’est en fait pour ne plus parler de ça, mais elle m’aide un peu en se levant rapidement, me disant simplement qu’elle revient en guise d’explication. Je la regarde qui s’éloigne et noue mes mains, me penchant vers l’avant. Je soupire, un peu découragé quand je la vois entrer dans l’établissement. Elle n’a pas fini son breuvage et compte déjà en commander un autre? Mon regard défile sur la plage. Des touristes se mêlent aux habitants, qui eux-mêmes sont un mélange de natifs et d’américains. Quelques familles se mettent à apparaître dans le décor, très peu pourtant. Nous sommes en week-end, j’aurais cru à plus de gens, mais il faut croire que la plage étant là tous les jours, ce doit être différent pour eux.
J’aperçois la belle brunette s’asseoir un instant puis me sourire. Je lui rends son sourire avec tendresse, puis quelle n’est pas ma surprise lorsqu’elle se lève pour se diriger vers la mer. J’ai envie d’appeler son nom, mais Azalyne semble bien déterminée à marcher dans le sable et s’asseoir dans l’eau. Je la laisse faire, me demandant tout de même ce qu’elle fabrique. Elle ne semble plus aussi bien qu’avant de partir pour les toilettes, ce qui m’inquiète tout de même assez. Elle est plus pâle, je dirais même qu’elle semble fatiguée.

Bientôt, un homme vient la rejoindre, bien que concurrencer avec lui ne me rend pas très nerveux. Il s’agit en fait d’un garçonnet de trois ans courant pour attraper son ballon de plage. Un sourire se dessine sur mes lèvres en voyant la scène que je ne peux m’empêcher de trouver adorable. Je ne me vois pas voir d’enfants, du moins pas pour le moment. Depuis l’accident surtout, je ne m’imagine certainement pas avec quelqu’un dépendant totalement de moi. Ce serait beaucoup trop difficile d’avoir ça sur la conscience. Je suis tiré de mes pensées lorsque j’entends pratiquement hurler une dame. Je regarde ensuite l’enfant qui semble maintenant avoir choisi Azalyne, puis ne peux m’empêcher de rire légèrement. Je me lève de ma chaise longue, me demandant pourquoi je suis obligé de faire ça. Après tout, leur enfant joue au ballon dans l’eau à quelques mètres d’eux seulement, je ne vois pas pourquoi ils s’énerveraient. Je regarde une nouvelle fois en direction de la mer, et le garçon n’est plus là. Il n’y a qu’Azalyne qui tient son ventre, et bientôt moi qui pique un sprint pour la rejoindre. Mon cœur bat à toute allure. Mon premier réflexe est de vérifier qu’il n’y ait pas de sang, puis ensuite je panique encore plus. Et si c’était encore pire que du sang? Je balbutie, ne sachant pas où donner de la tête. « Aza…Mon cœur…Tu veux que j’appelle les secours? Tu as mal où? Qu’est-ce qui se passe? » Je passe une main dans mes cheveux, je sais bien que des curieux doivent nous observer, particulièrement si Azalyne se tord de douleur sur le sol. Je suis accroupi près d'elle, d’une main je lui tiens la main tandis que de l’autre je joue dans sa chevelure. Je stresse, peut-être sans aucune raison, mais je suis terrifié à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose.

Azalyne me demande de l’emmener à l’ombre, m’expliquant qu’elle n’a sans doute qu’un coup de chaleur. Je m’exécute et en près du double du temps habituel que cela nous aurait pris habituellement pour nous rendre au bar, nous y arrivons finalement. Elle n’a pas voulu me laisser la porter dans mes bras, ce qui nous a assez rallongés. Je la regarde en détail lorsqu’elle commande un verre d’eau, un peu déçu que cette première journée soit une nouvelle fois gâchée comme ça. Ma petite amie semble le remarquer, puisqu’elle m’annonce qu’elle veut aller à la pharmacie pour chercher de quoi se soigner. Je lui souris et acquiesce. Ce n’est pas vraiment la meilleure façon de commencer notre voyage, mais c’est déjà mieux que de la voir blanche comme un linge pendant tout notre séjour, je suppose.
Un client du bar nous suggère un drugstore dans le coin pas trop loin et assez fiable, de la même compagnie où je vais régulièrement à Siloam. Alors que l’on entre dans le magasin, si l’on peut appeler ça comme ça, je me tiens un peu plus loin, écoutant la conversation entre mon amoureuse et la pharmacienne. Celle-ci lui prescrit des médicaments, et en prescrit un second. Je fais un pas en avant alors que j’entends le mot ‘enceinte’ dans la conversation. Mon cœur s’arrête de battre quelques secondes, et je suis à demi-rassuré lorsque j’entends Azalyne parler.

Je repense à quelques contextes où elle aurait pu oublier de prendre sa pilule, puis deviens de plus en plus nerveux. Je ne suis pas dans sa tête et je ne la surveille pas à chaque instant, donc lorsqu’elle assure la spécialiste devant elle qu’elle fait bien tout ce qu’il faut pour éviter un ‘accident’, je ne peux que lui faire confiance moi aussi. Les médicaments sont bientôt payés et j’achète au passage des bouteilles d’eau, histoire de ne pas répéter le malheureux incident. Une fois dehors, j’ouvre une des bouteilles et prends une gorgée d’eau. Je manque de m’étouffer alors qu’elle me propose de retourner à la plage, puis regarde Azalyne, me demandant un instant si elle est sérieuse. Depuis qu’elle est ici, elle ne se sent pas bien. Je veux bien croire qu’elle a pris des médicaments, mais je ne vais tout de même pas la laisser se promener comme ça sur la plage. « Je crois qu’on devrait rester à l’hôtel pour aujourd’hui. Si ça peut te consoler, ils ont une piscine magnifique. » Je prends la main d’Aza puis l’attire contre moi, l’enlaçant avec mon bras. Je dépose le sac de plage sur le sol, puis fixe un instant le vide. « Tu m’aurais dit, si tu avais oublié une pilule, n’est-ce pas, chérie? » Mes doigts effleurent le tissu de la robe-soleil qu’elle a revêtu pour aller à la pharmacie et mon ton qui se voulait enthousiaste a changé. Maintenant, je semble tendu et un peu crispé. Je ne veux pas tout gâcher alors je force un sourire et l’embrasse sur la tempe. « Enfin, je vois pas pourquoi je panique. C’est idiot, cette fille va me mettre en tête que tu es enceinte. » Je me force à rire, même si au fond je ne suis pas très convaincu d’être seulement parano. Je fais signe à un taxi et bientôt nous sommes en direction de l’hôtel.

Tout le long du trajet, je me passe et me repasse ses paroles comme si je pourrais y trouver un sens caché. Bien sûr, je ne suis pas idiot et je sais bien qu’au fond, même si elle prétend être d’accord qu’il est trop tôt et qu’elle peut parfaitement comprendre si je trouve que ce n’est pas ne moment, Aza a sans doute déjà une liste de prénoms cachés quelque part dans un tiroir. Ces infirmières et leur instinct maternel, parfois elles font presque peur. Le moteur de la voiture me sort de mes pensées avec son ronron assez bruyant, et je sens la tête de ma petite amie appuyée sur mon épaule. Elle ne dort pas et je souris tendrement en caressant doucement ses cheveux. Azalyne a déjà repris un peu de couleurs, ce qui n’est pas trop mal en soit, même que c’est très bien. Le taxi s’arrête et je paie la course, aidant la jeune femme à sortir. Je sors nos effets personnels et invite la brunette à entrer devant moi. Dans le lobby, un homme crie au commis dans une langue que je connais pas et un peu mal à l’aise, je m’empresse d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur qui prend du temps à arriver. Je regarde la scène en biais puis regarde Azalyne avec un sourire un peu gêné. « Ça t’embête si on prend les marches, j’aime pas vraiment ce genre de scènes… » Je ne lui laisse pas le temps de répondre, mais en même temps qui aimerait ça. Je lui tiens la porte qui mène à l’escalier qui est beaucoup plus beau et propre que je l’aurais cru, puis la porte se referme derrière moi en claquant fermement.

Je jette le sac sur le sol en entrant dans la chambre et retire le t-shirt que je laisse tomber sur le sol. Il fait une chaleur accablante et je m’empresse de baisser le thermostat, ouvrant chacune des fenêtres sans exception. J’entends l’eau de la douche qui coule. Je voulais moi aussi en prendre une, je suppose que je vais devoir attendre. Elle ne se sent pas très bien, je préfère lui laisser un peu son intimité. Ça lui fera du bien. J’en profite pour fouiner un peu, placer mes vêtements – et les siens, privilège que j’ai réussi à obtenir sans mourir – en sifflotant l’air agaçant qui jouait tout à l’heure à la radio. J’ai pas mal terminé et l’eau coule encore dans la salle de bain, alors je passe la pièce en revue à la recherche de quoi m’occuper. Puis je vois le tiroir à côté du lit et j’ai un moment d’hésitation. Je lui fais confiance, après tout. Elle ne me ferait pas un enfant dans le dos, elle-même me l’a dit. Par contre, il y a toujours les accidents, les petits oublis que l’on pense innocents. C’est toujours eux les plus dangereux. Je suis toujours assis au bout du lit et je fixe le tiroir, n’osant pas l’ouvrir. Est-ce que je lui fais assez confiance?
Je crois un instant entendre l’eau s’arrêter et je me jette sur le petit meuble, l’ouvrant précipitamment. J’enlève le carton qui recouvre la boîte et je ne comprends plus rien, trop de pilules et de couleurs et de dates, tout ce que je retiens c’est que parmi les absentes, une petite coquine semble bien présente dans le lot. Sans même penser à l’emballage, je referme le tiroir, me coinçant le doigt au passage. J’ai le doigt dans la bouche lorsqu’elle sort de la salle de bain, et alors qu’elle me sourit, je lui souris à mon tour, posant ma main sur ma jambe.

Ça fait un mal de chien, mais je tente de ne pas me plaindre, particulièrement lorsque ma petite amie s’approche de moi pour m’embrasser. Je lui souris tendrement avant de me diriger à mon tour vers la salle de bain. Si j’avais été un minimum plus attentif j’aurais peut-être constaté les taches de sang sur les mouchoirs dans la poubelle, mais je me contente du strict nécessaire, attrapant un maillot seulement en sortant des toilettes, puis je prends nos serviettes. Je regarde Azalyne et une vague de culpabilité me traverse alors que je me repasse une nouvelle fois notre discussion devant la pharmacie, mais en même temps je n’ai pas vraiment le choix de mettre les choses au clair maintenant avant de me retrouver avec une mauvaise surprise. Je dépose les serviettes sur le lit et l’attire dans mes bras, puis l’embrasse sur le front avant de faire de même avec ses lèvres et le bout de son nez. Je passe une longue minute à chercher les bons mots, mais rien ne sort. Finalement, je dépose ma main sur sa cuisse nue et lui souris d’un air taquin. « Alors, on y va, se baigner? »

La piscine de l’hôtel est déserte à notre arrivée mis-à-part une vieille dame lisant le Variety à l’ombre. Je suppose que des familles devraient nous déranger bientôt, mais bien au contraire la vieille femme nous laisse bientôt à nous même. Passer l’après-midi à la piscine n’est peut-être pas si mal finalement. Je remarque de temps à autres que ma petite-amie semble un peu tendue, sans doute que cette histoire tout à l’heure l’a rendue aussi nerveuse que moi, mais elle n’osera certainement pas en parler. En tout cas pas à moi.
Alors que j’attrape une nouvelle fois Azalyne pour l’embrasser langoureusement, sa question me prend un peu au dépourvu. Je lui lance un air faussement offensé. « Hmm attends, je te laisse la chance de passer un après-midi de rêve avec moi et tu penses à notre repas de ce soir? » Je la lance à l’eau sans être brusque, simplement pour rire comme je l’ai déjà fait un millier de fois mais cette fois-ci, je constate que ma main saigne. Je la sors vivement de l’eau, l’inspectant en vitesse. « Ouah je m’y attendais pas du tout à celle-là! » Et je constate qu’il n’y a pas de coupure alors que le liquide rougeâtre se met à flotter sur l’eau. J’ai un haut-le-cœur et m’éloigne un peu, ne comprenant pas ce qui se passe. « Tu sais quoi mon cœur? Je pense que ce soir on a un rendez-vous chez le médecin. » Je tente de frotter ma main sous l’eau, effaçant la trace rouge qui ne veut d’abord pas partir. Je n’ai plus trop envie de rester dans la piscine et me dirige vers l’escalier puis attrape ma serviette, m’épongeant un peu avant de m’étendre sur la chaise longue. Je regarde Azalyne, un peu dépassé par les évènements.

Je suis sur la chaise longue et la regarde remonter du coin de l’œil, Azalyne se tord de douleur. Je suis inquiet, mais je tente de ne pas trop le montrer pour ne pas la paniquer un peu plus. Elle s’approche de moi en tremblant et je vois bien qu’elle est faible. Elle dépose un baiser sur mon front et me demande de lui laisser dix minutes de solitude. Je la regarde, scandalisé. Je ne pourrai jamais faire ça, pas dans l’état où elle semble être. Aza tient son ventre, se recouvrant de sa serviette qui commence à prendre une légère teinte rosée. Je la laisse partir, regardant l’eau rougie sur le sol. Je vais devoir nettoyer ça, je ne peux quand même pas laisser la piscine dans cet état. Je sacrifie ma propre serviette, épongeant le sol. Ça devrait faire, je suppose. Je tourne en rond et même si ça ne fait pas dix minutes, je décide de monter à notre chambre. Je ne peux quand même pas la laisser comme ça toute seule alors qu’il y a quelques minutes elle saignait dans la piscine.
Je passe par les marches pour que ce soit plus bref, et quand j’ouvre la porte je peux sentir l’odeur désagréable du sang qui commence à sécher contre la peau. J’entends des gémissements à peine audibles, ainsi que des pleurs, et lorsque j’arrive devant la scène je suis horrifié. C’est carrément un bain de sang. Des taches sur le lavabo, puis carrément des flaques sur le plancher. Le ventre d’Azalyne est taché de sang séché et mon sang se glace dans mes veines lorsque je vois le bas de son bikini noyé dans le liquide opaque.

On passera à l’interrogatoire plus tard, pour le moment je reprends sur moi et tente de la prendre contre moi, ce qui n’est pas tout à fait évident. Elle sort de l’eau après tout, et avec le sang, sa peau est glissante et la mienne aussi. J’ai les mains moites et toutes les notions que j’ai apprises pour garder mon sang-froid sont bien loin derrière moi. Je réussis finalement à prendre Azalyne et la plaque contre moi comme un enfant, faisant bien attention pour ne pas lui faire mal en sortant de la salle de bain. « T’inquiètes pas, ça va aller. C’est pas grave, je suppose… » Je l’allonge sur le lit et la place sur le dos, composant le numéro pour une ambulance. Je dépose un baiser sur son front et prend sa main et l’observe lorsque je suis en ligne avec le répartiteur. « Oui, c’est pour une ambulance au Redcliff Hotel…Je sais pas trop ce qu’elle a, elle a perdu beaucoup de sang…Elle avait des nausées en sortant de l’avion, elle a pris des médicaments…Non, non…Non, je vous dit qu’elle était pas enceinte…D’accord, merci. » Je caresse doucement le visage d’Aza du bout des doigts et dépose un baiser sur ses lèvres. « Ils vont être là bientôt. Je vais aller te chercher de l’eau, ok? » Je regarde ma petite amie qui est encore en bikini – et moi en maillot de bain d’ailleurs – et je commence à penser à lui emmener des vêtements pour le retour. Elle sera sans doute bien contente. Je fouine dans le petit frigo et sort une bouteille d’eau que je dévisse avant de lui tendre, puis je me change, prenant au passage des vêtements pour la jeune femme. Je m’approche d’elle à nouveau puis l’embrasse doucement. « On a qu’à dire qu’après ça, on aura les plus magnifiques vacances? » Je lui souris, en fait j’ai parfois l’impression que peu importe nos projets il finit toujours par y avoir un problème. J’entends frapper à la porte, puis les secours s’identifier. Je vais ouvrir la porte et je vois qu’ils ont vraiment tout l’équipement d’urgence, ce qui m’impressionne assez.

Alors que je marche rapidement en direction de la porte, je repense aux dernières paroles d’Azalyne. Elle est fatiguée et ne sait pas ce qu’elle dit, c’est sans doute pour cette raison qu’elle m’a lancé que nous n’avons rien à faire ensemble. Elle n’est pas tout à fait là, ce doit être la seule explication logique. J’ouvre la porte et laisse entrer les secours avec leur matériel, et bientôt je suis bombardé de questions de tous genres. Je ne sais pas quoi répondre, ne sachant même pas ce qui se passe. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a visiblement un problème avec les médicaments que ma petite amie a pris plus tôt. « Elle avait quelques vomissements au début, et la pharmacienne lui a donné des médicaments pour son coup de chaleur. » Je tente d’expliquer brièvement la situation aux ambulanciers qui l’installent sur la civière, et puis je prends les effets personnels d’Aza pour les suivre jusqu’au véhicule. Ils ont mentionné qu’elle était en hémorragie et même si la situation est plutôt grave, il n’y a rien de vraiment surprenant avec la quantité de sang dans la salle de bain.

En arrivant à l’hôpital, je caresse la main de ma petite amie et mon estomac se noue quand on m’explique qu’il faut l’isoler pour lui faire passer des tests et surtout lui faire des transfusions. Je regarde Azalyne sur la civière qui me réclame, agitant les bras faiblement. Mon cœur se déchire alors que je vois l’homme en uniforme lui injecter le médicament. Aza s’endort paisiblement et les infirmiers l’emmènent dans une pièce fermée. Je me retrouve seul dans le couloir, un peu dérouté. Je ne peux pas les suivre pour surveiller l’intervention mais je n’ai pas d’explications non plus, alors je continue de m’inquiéter.
Je marche en faisant les cent pas, réfléchissant à toutes les éventualités. Elle est peut-être simplement allergique au médicament et je m’inquiète pour rien, en fait. J’aime bien cette solution. Après un nombre de minutes incalculable à voir passer des médecins, infirmières et même quelques membres de l’équipe de l’entretien ménager, je décide de m’asseoir sur une des chaises au dossier de plastique inconfortable. Je fixe le sol en silence, il n’y a personne à qui parler de toute façon. Je pige dans les magazines à la recherche d’un truc intéressant pour m’attarder au Entertainment Weekly daté d’il y a quatre mois et bâille.

Lorsque je lève les yeux, je suis presque surpris de voir un médecin devant moi. « Monsieur Sullivan, elle est réveillée si vous voulez la voir. » Soudainement, je suis éveillé et prêt à bondir de ma chaise et retrouver Azalyne. « Vous avez des résultats pour les tests? » Je le regarde un peu intrigué, car il n’en a aucunement fait mention. Peut-être que c’est beaucoup plus long pour avoir des résultats, en fait je n’en ai aucune idée. L’homme ne me donne pas vraiment d’explications, marmonnant quelque chose à propos d’éthique et de légalité. Au travers d’une vitre épaisse, je regarde ma petite amie branchée dans son lit. Elle n’en mène visiblement pas large. Le médecin est parti, me laissant avec une jeune infirmière qui ne semble pas travailler depuis bien longtemps. Je souris gentiment, l’observant prendre son air le plus professionnel. « Lorsque le docteur est entré pour la voir tout à l’heure, elle a cru que c’était vous. » Je ris un peu, même si je suis un peu triste de voir Azalyne comme ça, impuissante dans le lit et branchée à ces fils qui lui sauvent la vie. « Je vais vous laisser un peu de temps tous les deux avant d’aller lui annoncer la mauvaise nouvelle. Vous êtes fort d’être aussi calme, elle en aura besoin. » Je fronce les sourcils et avant que la jeune femme n’ouvre la porte pour me faire entrer, je la regarde, inquiet. « Quelle mauvaise nouvelle? » Elle me regarde et reste muette, réalisant sans doute qu’elle a fait une bêtise. Finalement, elle ouvre la porte et me dit tout bas. « On viendra vous expliquer plus tard, monsieur Sullivan. » Je me retrouve tout seul devant Azalyne.

Je m’approche d’elle et dépose un baiser sur son front. Elle a une chemise d’hôpital et ils l’ont lavée, donc elle n’est plus couverte de taches couleur rouille. Ma petite amie est dans un sale état, mais de la savoir au moins à l’hôpital et ‘en sécurité’ est déjà un excellant départ. « Tu m’as fait tellement peur, me fais plus jamais un truc pareil. » Je plaque un baiser sur ses lèvres et me calme, me rappelant qu’elle est encore faible. Je m’assois dans le fauteuil près d’elle et repense à cette histoire de mauvaise nouvelle, me demandant de quoi il peut bien s’agir. Je n’ose pas la questionner, des plans pour qu’elle s’énerve et soit malade à nouveau.

Je me fais tout petit lorsque le médecin entre dans la pièce. En fait, c'est carrément comme si je n'étais pas là. Le fauteuil est maintenant beaucoup trop près du lit à mon goût, même s'il n'a pas bougé. Un homme en sarrau blanc se tient devant le lit, parcourant le dossier bien bref d'Azalyne, qui n'a jamais mis les pieds dans cet hôpital. Il commence ses explications, racontant qu'il y a eu des complications et qu'elle a fait une hémorragie. La brunette et moi sommes plutôt synchronisés, puisque lorsque le médecin parle de l'avortement prématuré, je ne peux m'empêcher de lancer un "quoi" beaucoup plus audible que celui d'Aza. Soudainement je suis étourdi et quand ma petite amie me regarde, je hausse les épaules. Je ne sais rien, ce n'est pas mon domaine. Je fixe le sol, gêné sans savoir pourquoi, et la question qu'elle pose au médecin me glace le sang.

Je sais ce qu'est une fausse-couche, je ne suis pas idiot, mais lorsque j'entends Azalyne demander au médecin si elle était enceinte il y a quelques heures, je me sens horriblement mal. Elle mentionne finalement ce que je voulais tant savoir, sous le questionnement du médecin. Pourquoi lui dire à lui et non à moi? Je fronce les sourcils et fais un trait sur ce nouveau détail. Ça ne vaut pas le coup de risquer un débat simplement pour ça. Le problème est réglé, non? Pourtant j'entends Azalyne s'obstiner à dire au médecin que c'est impossible, qu'elle a oublié sa pilule plus tard et que ce doit être une erreur, et même si j'ai vraiment envie de la croire, je sais pertinemment que les tests ne mentent pas.

Je regarde à nouveau le sol, incapable de dire un mot. Le médecin me fait un signe de la main et je devine qu'il me souhaite bonne chance. Je me tourne en direction du lit pour apercevoir ma petite amie qui évite mon regard, la tête tournée sur le côté. Son corps est parcouru de temps à autres par de petites secousses, et je me sens obligé de la consoler. Je suis perdu, pour ma part. M'approchant d'Azalyne, je tremble un peu. Je la regarde tirer le drap vers elle et une vague de tristesse m'envahit. « Ça va aller, c'est terminé, c'était juste un accident... » Ma main caresse ses cheveux doucement et je dépose un baiser sur sa tempe. La porte s'ouvre et je crois d'abord qu'ils veulent à nouveau examiner Aza.

« Monsieur Sullivan, pourriez-vous venir s'il vous plaît? » Je regarde une nouvelle fois Azalyne dans les yeux, lui souriant d'un air rassurant même si au fond je ne me sens pas très bien non plus. Je sors de la chambre et regarde l'infirmière en blouse blanche qui vérifie des papiers. « Je suis désolée pour ce qui arrive…Et je suis parfaitement consciente que ce n’est pas facile pour vous… En fait je vais seulement avoir besoin de votre signature ici, pour les .factures. » Je regarde la jeune fille – car elle ne doit pas avoir plus que vingt-deux ans, à tout casser – et je ne sais pas comment réagir alors qu’elle me présente le stylo. Je ne regarde même pas les montants inscrits sur les papiers, c’est le moindre de mes soucis présentement. Je suis un peu dans les vapes à mon tour et lorsque l’infirmière se remet à parler, mentionnant des méthodes contraceptives dont je n’ai pas envie d’entendre parler maintenant. Je n’écoute pas ce qu’elle me dit et m’excuse avant de m’éloigner. J’ai besoin d’un petit moment seul, moi aussi.

Je trouve les salles de bain pour les visiteurs et suis plutôt heureux de trouver un cabinet individuel. Je m’enferme à double-tour et frappe contre la porte massive rageusement. D’une part, je suis rassuré car ce n’était pas le moment pour ça. Et aussi car maintenant elle va mieux, son état sera bientôt stable et elle pourra sortir d’ici sans problème. Mais d’autre part, je suis furieux, blessé et horriblement triste, même si je n’en parlerai pas. Je ne peux m’empêcher de penser à ce qui aurait pu se produire, même si ce n’est que plus douloureux. Si elle avait été au courant, forcément que l’on aurait fait plus attention. Je soupire et ferme les yeux, chassant l’idée de mon esprit. C’était seulement un accident, un bête accident. J’ouvre le robinet et me passe de l’eau sur le visage avant de sortir de la petite pièce, un peu craintif de retourner voir Azalyne.

Lorsque je passe la porte pour retourner la voir, je la regarde un peu timidement. Je n’ose pas approcher au début. Les choses semblent tellement différentes. Je prends sur moi et prends une grande respiration, puis en m’avançant je prends tendrement sa main non-branchée et y dépose un baiser. Je ne sais pas quoi lui dire, si l’on doit parler de ce qui s’est passé ou tout ignorer. « Je devais régler quelques détails avec l’infirmière, ils vont te donner des médicaments pour la nuit mais je devrais pouvoir te sortir d’ici. » Je lui souris tendrement puis serre sa main dans la mienne pour la rassurer, mais aussi un peu pour me rassurer moi.

Je me mords la lèvre inférieure et la regarde, m’en voulant même si ce n’est pas ma faute, au fond, tout ce qui arrive. C’est réellement un bête accident. Sa réaction me fend le cœur et ça me prend tout pour garder mon sang-froid. « Je sais mon cœur, mais on peut pas. Je suis désolé… » Je suis désolé pourquoi, au juste? Je n’ai pas le temps de penser à la question, Azalyne me repousse brusquement. Je ne m’y attendais pas donc recule, et je panique alors qu’elle se redresse. Il faut qu’elle reste allongée, le médecin l’a dit. Je m’approche d’Aza tandis qu’elle semble vouloir débrancher les fils raccordés à son bras et mon visage se défait quand elle se met à parler. Je me répète qu’elle ne pense pas ce qu’elle dit pendant que ma petite-amie me déballe que je ne l’aime pas, que je la déteste même. Elle semble mieux me connaître que moi, d’après ses paroles, même si tout ce qu’elle dit est faux. Elle respire fort et tente une dernière fois de quitter son lit avant de s’allonger sur le dos.

Je m’approche d’Azalyne et dépose un baiser sur son front, puis mes lèvres caressent son visage jusqu’à frôler son oreille. « Je veux être avec toi et personne d’autre, pourquoi est-ce que tu continues à répéter le contraire? » Je prends sa main dans la mienne. Je ne peux pas me permettre d’hésiter ou d’être faible, pas maintenant du moins. Je regarde ma petite amie qui a repris des couleurs plus normales et ma main libre se glisse dans ses cheveux. Je ne sais pas quoi lui dire pour la rassurer, ce qu’elle attend de moi maintenant. « Et puis c’était pas le moment… » Je n’ai pas envie d’avoir cette discussion en y repensant, pas tout de suite, encore moins maintenant. Penché au-dessus d’elle, je lui fais un mince sourire. « Tout va bien aller, c’est pas la première fois qu’on se retrouve à l’hôpital de toute façon, non? » J’essaie de détendre l’atmosphère et aussi détourner la conversation du sujet ‘bébé’ que je déteste tant aborder.

Une ombre passe dans mon regard alors qu’elle m’agrippe le bras. Une seconde elle me hait et puis l’autre elle me retient? Je ne comprends plus rien. Elle se met à parler très vite, et dans tout ce qu’elle me dit j’arrive à retenir qu’elle n’en savait rien, mais qu’elle craignait que je crois le contraire et que je sois en colère. Je me sens mal, car c’est ma faute si elle réagit de cette façon, si elle est aussi terrifiée de ma réaction. Je suis surtout triste en fait, et je me sens moi-même coupable. Je ne lui dirai sans doute pas, mais depuis l’annonce de la fausse-couche, je ne cesse de penser à ce qui se serait passé. Il est mieux qu’elle ne le sache pas de toute façon, ça ne ferait que retourner le fer dans la plaie. Elle se redresse un peu et je crains qu’elle ne tente de se lever une nouvelle fois, mais elle se place un peu plus confortablement dans le lit. Elle sourit doucement à mon allusion pour toutes ces fois où je l’ai vue à l’hôpital, ce qui me fait plaisir à voir et surtout changement de la mine horrible qu’elle avait il y a quelques heures. Je ne la repousse pas lorsqu’elle m’attire vers elle, me jetant carrément dans ses bras. L’étreinte dure quelques minutes, sans doute. Je sens son cœur battre, et mon visage s’enfouit dans ses cheveux. Elle m’a fait vraiment peur.

L’infirmière entre et bredouille des excuses en nous voyant, moi presque par-dessus le lit et Azalyne dans les bras. La situation n’est pas exactement la plus confortable pour mon compte, mais je ne me plains pas, sachant qu’il y a bien pire que ça. Je me détache à regret de ma petite amie, laissant les deux infirmières se parler dans un jargon que je ne comprends pas vraiment. Je comprends que la jeune femme ne veut pas laisser Aza partir, mais sous l’influence, elle finit par accepter. Je regarde ma copine, les yeux ronds comme des billes, alors que celle-ci s’apprête à se faire autoriser à sortir. Je n’ose pas parler aux médecins de peur qu’elle le prenne mal, mais je trouve qu’il est un peu tôt. Je la regarde quitter son lit et lui tends ses vêtements avant de la regarder suivre l’infirmière. Finalement, je m’assois sur le lit, un peu incertain, et me relève lorsque je la vois revenir vers moi. Elle me prend la main puis s’accroche à moi, et je suis un peu surpris de son attitude. Je la serre doucement, et lorsqu’elle demande à ne pas retourner à l’hôtel, ma première réaction est de me mordre la lèvre inférieure.

« Mais chérie, on ne peut pas partir comme ça, enfin… » Je soupire, un peu fâché d’avoir laissé mon téléphone à l’hôtel, puis je regarde Azalyne dans les yeux avant de déposer furtivement un baiser sur ses lèvres. « On va aller manger, et on en reparlera plus tard, d’accord? » Je ne connais absolument aucun restaurant en ville, alors je me contente d’accompagner Azalyne vers l’accueil, où une lignée de taxis n’attend que les nouveaux clients. Je fais entrer d’abord ma petite amie, puis m’assois à ses côtés. Je demande simplement au chauffeur des restaurants au centre-ville, puis regarde Aza. Je n’ai aucune idée de ce que je veux manger, en fait. Mais il est vrai que je commence à avoir assez faim. « Tu as une idée de ce que tu veux manger? Je voudrais pas qu’il nous traîne dans toute la ville non plus. » Je ris un peu, oubliant le chauffeur à l’avant, et dépose ma main sur sa cuisse sans arrière-pensées, puis la retire subitement de peur de la vexer.

Le taxi nous dépose sur la plage, près des restaurants et magasins qui crient le mot TOURISTE rien qu’à leur vue. Je souris doucement, contemplant le choix d’Azalyne. La vue est magnifique, je dois l’admettre. Je sens ses bras autour de ma taille et mes mains se posent sur les siennes. Elle me demande de choisir un restaurant et je suis un peu pris au dépourvu, regardant les choix qui se trouvent devant moi. Je trouve rapidement un petit bistro pseudo-local qui fera l’affaire pour ce soir et j’aide ma petite amie à faire le chemin vers celui-ci. L’endroit est tout de même bien, assez joli et décoré selon les designs un peu cliché d’Hawaii. On nous assigne une table rapidement et après négociations, je réussis à obtenir une banquette. Finalement assis, je lui caresse le bras et lui souris tendrement. « On va oublier les plans de grand restaurant pour ce soir, si ça te dérange pas. » J’aurais préféré rentrer à l’hôtel directement pour qu’elle se repose, pour être honnête, mais Azalyne est une véritable tête de mule et ne m’aurait jamais laissé la ramener.

Une serveuse nous emmène des cocktails, deux pina coladas. Je ne dis rien, me contentant de regarder le breuvage que je ne boirai pas. Je glousse discrètement d’ailleurs losque ma petite amie rappelle l’employée pour faire changer mon drink, et souris franchement lorsqu’elle mentionne commencer à connaître mes goûts. « Alors j’espère qu’elle va m’emmener une bière. » Je lui fais un petit clin d’œil, puis bientôt je commence à regarder le menu, et rapidement je remets celui-ci sur la table et rapporte mon attention sur Azalyne. « Toi par contre, tu devrais peut-être t’en tenir aux boissons sans alcool, avec tous ces médicaments… » Je me sens mal de lui dire quoi faire comme ça, mais en même temps, je n’ai pas envie de la ramener aux urgences cette nuit. Je ne lui ai d’ailleurs jamais mentionné les frais d’hôpital, et c’est peut-être mieux ainsi d’ailleurs. Elle a sans doute des assurances, je n’en doute pas, mais je n’ai pas envie qu’elle s’inquiète avec ça. Ce doit être assez pénible comme ça, déjà.

Je regarde le menu à la recherche de quelque chose qui m’est familier, puis mon amoureuse m’interrompt en m’accusant de l’avoir laissée sortir avec une allure de morte. Je souris, un peu amusé de la regarder aussi scandalisée pour si peu. « Tu te vidais de ton sang, désolé de pas avoir pris ta trousse de maquillage. » Je lui fais un sourire taquin avant de poser ma main sur la sienne. « Et puis tu sais, j’ai vu des cadavres beaucoup plus moches que toi. » Je me penche au-dessus de la table, geste quelque peu audacieux, puis l’embrasse tendrement. Il y a un malaise entre nous qui est encore présent, et je veux le chasser le plus rapidement possible. Je me replace dans ma banquette, prenant la liste des repas le plus naturellement possible. Je ne suis pas un fan de cuisine hawaiienne, en tout cas pas à lire la description et les images, et je suis plutôt heureux de trouver dans le menu de simples fish n’ chips. Prêt à commander, je regarde Azalyne pour voir si c’est la même chose de son côté et finalement la serveuse disparaît avec nos demandes, nous laissant seuls.

Il y a quelques personnes dans le restaurant, mais rien d’alarmant. En fait, l’endroit est paisible, comme je les aime. Je regarde Aza, pensif. La scène de l’hôpital me revient en tête. Je ne devrais pas en parler ici, ou même en parler point, mais c’est plus fort que moi. Je me racle la gorge puis me passe une main dans les cheveux, cherchant les bons mots. « Chérie…Tout à l’heure, tu as dit quelque chose, et j’aimerais qu’on clarifie un peu tout ça ensemble… » Je prends une grande respiration et parle lentement. « Tu sais bien que je veux des enfants. C’est juste qu’il est encore tôt, non? On est en couple depuis un mois à peine. Ça peut attendre, j’ai seulement besoin d’un peu de temps… » Je soupire, est-ce que c’est vraiment l’endroit idéal pour vider mon sac?  « Je suis pas stupide, je vois comment tu regardes les nouveau-nés à la pouponnière, ou comment tu jubiles simplement à la vue d’un bébé. Ma sœur était comme toi, avant d’avoir ses enfants. »  J’évite son regard quelques secondes puis le croise à nouveau. « Je sais que c’était un accident et tu n’as pas à t’en vouloir Aza, et je n’aurais pas été furieux. Les choses se seraient passées différemment, c’est tout. » Je prends sa main dans la mienne, caressant sa paume avec mon pouce. Avec le temps je m’inquiète qu’Azalyne croie que je n’aime pas les bambins, ce qui n’est pas le cas, en tout cas pas exactement. Je trouve que c’est une précision assez importante, particulièrement dans notre situation.

Les larmes coulent sur ses joues tout au long de mon monologue et je tente quelques instants de déchiffrer s’il s’agit de joie ou de peine. Je suis un peu inquiet, je ne voudrais pas non plus qu’elle décide de me faire une scène en plein milieu du restaurant. Je regarde toujours ma petite amie lorsque celle-ci se lève d’un bond pour s’asseoir près de moi sur la banquette. Je souris tendrement et affiche un air plutôt surpris lorsqu’elle se jette à mon cou pour approcher son visage de mon oreille. Je souris doucement quand j’entends ses mots, savoir qu’elle n’est plus inquiète me fait plaisir. Et encore plus de l’entendre me dire qu’elle m’aime, ça c’est encore mieux. Elle pose ses lèvres sur les miennes et je ferme les yeux, savourant le doux baiser que je n’ai pas la chance d’approfondir. Ce n’est pas l’endroit pour ça, de toute façon. Je sens ses joues encore humides des larmes qui ont coulé et je pose mes doigts sur son visage pour les essuyer. Je dépose ensuite ma main sur la table et je sens celle d’Azalyne s’y poser pour la caresser. Je l’écoute parler et je pouffe de rire.

« Je t’assure que ce n’est pas égoïste, et je suis tout à fait d’accord pour clore ce sujet jusqu’à nouvel ordre. » Elle sèche ses dernières larmes et se relève à mon grand regret, déposant un dernier baiser sur ma joue avant de retourner s’asseoir sur la banquette face à moi. Elle a les yeux légèrement bouffis à cause de ses larmes et peut-être aussi un peu de fatigue, ce qui lui donne un petit air encore plus attendrissant qui me fait sourire. Elle parle à nouveau et je prends mon verre pour prendre une gorgée d’eau, manquant de m’étouffer en l’écoutant parler. Elle dit que la journée n’était pas si mal, en oubliant cet événement, et me confirme qu’effectivement elle est fatiguée. Je ne vois pas comment elle peut avoir apprécié la journée, car depuis l’incident de la plage, les choses n’ont pas cessé de dégénéré. « J’aurais aimé qu’elle soit encore mieux, mais on se reprendra demain. » L’hôtesse nous interrompt pour nous emmener nos assiettes, et s’éloigne aussi rapidement qu’elle est arrivée, comme si elle avait peur de nous déranger. Je la regarde un peu curieusement, puis regarde mon assiette, faisant mine d’être content même si au fond, je suis un peu déçu. Je ne suis pas vraiment un amateur de fish n’ chips, mais c’était probablement la chose la moins bizarre sur le menu, selon moi.

Je regarde ma petite amie et prends sa main, puis lui fais un petit sourire charmeur. « On peut se reprendre ce soir aussi. On ira chercher du mousseux et je nous ferai couler un bain… » Je baisse les yeux et prends ma fourchette, détachant un morceau de croquette pour l’approcher de ma bouche. Je lève mon regard vers Azalyne et me mords la lèvre inférieure. « M’enfin, je veux pas non plus t’épuiser hein. » Je prends ma bouchée, retenant un sourire malicieux en regardant la brunette devant moi. Je pique une nouvelle fois dans mon assiette sans quitter mon amoureuse du regard. Le drame a laissé place au jeu, même si j’ai le pressentiment que la soirée va plutôt se terminer avec elle qui prend un bain tandis que je regarde la télé en solo. Je peux quand même rêver un peu, je suppose.